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Montreux sur la route du Metheny Mehldau Quartet

Brad Mehldau, pianiste de la bande des quatre à Montreux Mercredi. Daniel Balmat - Montreux Jazz Festival Foundation

A la rubrique «jazz», ils étaient les plus attendus cette année au Festival de Jazz de Montreux: Brad Mehldau et Pat Metheny, en quartet cinémascopique.

Avec leur musique de l’espace et de la respiration, ils ont offert mercredi un concert à se repasser entre Nevada et ailleurs.

Le festival offrait mercredi une de ces soirées sans foi ni loi dont il a le secret depuis les premières notes incrustées dans sa pierre de Rosette en 1967 par Charles Lloyd et Keith Jarrett.

Au Stravinski, d’abord: Wilco. Un groupe américain parmi les plus habiles de l’époque, dont la musique trahit la lignée – intelligente mixture de rock dopé à la folk music, au blues, à la country.

Sur la même scène surtout – une autre Américaine – Tori Amos. On la disait élue pour la traditionnelle soirée mariant musiques actuelles et classique. Pas pour cette fois. Le rendez-vous avec le Lausanne Sinfonietta est fixé cette année aux deux Suisses Fauve et Raphelson jeudi.

De retour sur les bords du Lac Léman, la rousse extatique et troublante présentait son «American Doll Posse» sorti dans l’année. Un cd pléthorique axé sur la psychologie de cinq femmes confrontées aux codes et rôles sociaux.

Dans la «petite» salle du festival, d’autres codes mais aucun rôle a priori. De l’aventure en cinémascope, à quatre têtes, huit mains et milles fontaines.

Du jazz comme le festival en propose depuis ses débuts et continue à le faire. Une démarche plus qu’un genre, dont la place s’est rétrécie au fil des ans au profit d’une ouverture vers les autres musiques actuelles. Au grand dam des puristes au cœur sec.

Haut du panier

Le Miles Davis Hall donc. A gauche, un pianiste qui rapatrie des cohortes d’amateurs vers le jazz depuis le milieu des années nonante.

Etiqueté intellectuel-romantique-clope aux lèvres, Brad Mehldau sait désormais ajouter du scepticisme à son propos et de l’humour à ses longues phrases musicales à tiroirs polyphoniques.

Le centre de la scène est occupé par une presque légende vivante. Pat Metheny. Un musicien sans cesse en équilibre entre une vérité musicale intime et bouleversante et la musique d’ascenseur. Un guitariste et compositeur reconnaissable entre mille par son phrasé étiré et un son en apesanteur.

Mais ici, Metheny joue la version haut du panier. Durant les 2h30 du concert, aucune faute de goût. Une musique de la respiration, un concert dense, juste et sensible, à la dramaturgie étudiée.

Public emporté

Au départ, les deux héros dialoguent, piano-guitare presque accolés. Intimité, avec un premier morceau tempo moyen. Compagnons, ils conversent, se relancent, divergent, se rabibochent.

Dix minutes plus tard, le public exulte, définitivement emporté. Pat et Brad poursuivent la route à deux, comme dans le premier des deux cd sortis ensemble.

Ici, la voie se fait plus athlétique, voire «free». Là, tout renvoie à l’espace qui se déploie, au cheminement. Suit le seul standard de la soirée – un «Cherokee» émaillé de ruptures et d’humour.

Aidé de sa prodigieuse main gauche, Mehldau improvise une intro euphorisante. On le retrouve ensuite tortillé devant son piano, obsessionnel, mâchouillant ses accords avant de se lâcher, déstructuré, comme de biais.

Plus tard, Metheny recherchera l’ongle artificiel de son majeur dans le piano, justement. Puis il sortira sa guitare acoustique pour un solo suant la solitude, tourné en léger ralenti.

Mélodie centrale

Après cinq morceaux, la section rythmique actuelle de Mehldau déboule. Larry Grenadier à la basse, aussi précieux que retenu. A la batterie, jaillissante dopamine, Jeff Ballard.

La mélodie reste la valeur phare. Mais la pulsation donne une ampleur surprenante à la musique. Fulgurances de Ballard, dont l’apparente facilité étonne.

Après cette danse du scalp, suit un thème rapide, comme le reste tiré du travail commun de Metheny-Mehldau. Solo du pianiste. Typique: les phrases embryonnaires hésitent, se cabrent, tournent sur elles-mêmes avant de s’envoler puis s’évanouir…

Le fluide Metheny sortira aussi sa guitare synthétiseur pour en tirer une gigue démembrée et stridente. Puis, sur une étrange guitare-cithare, il donne corps à la tension dramatique. Celle-ci explose en un rock psychédélique, puis laisse le champ libre au vent du désert.

Mais l’amateur de jazz est sensible et y tient. Le quartet termine sur un thème tropicalisant, joyeux. Metheny, dansant, revisite son manche. Encore un petit tour au Brésil en guise de rappel, avant de reprendre la route.

swissinfo, Pierre-François Besson à Montreux

Pat Metheny et Brad Mehldau ont signé deux disques ensemble, enregistrés en 2005. Le dernier est sorti ce printemps seulement.

Pat Metheny est né en août 1954 dans le Missouri. Prisé depuis le milieu des années 70, le guitariste suit une voie double. Avec son groupe, il propose une musique très construite, proche de la world et du rock. Seul, il explore un jazz ouvert à de nombreuses collaborations – Ornette Coleman et Charlie Haden par exemple.

Né en août 1970 en Floride, Brad Mehldau étudie le piano classique dès 6 ans. Puis le jazz à New York. Rompu à la composition et à l’interprétation des Schubert, Beethoven et autre Schumann, il sort un premier disque sous son nom en 1995. Grand explorateur de la formule en trio, Mehldau est une star de la galaxie jazz.

La 41ème édition du Montreux Jazz Festival se déroule du 6 au 21 juillet à Montreux, sur la rive orientale du Lac Léman. Au programme cette année, 32 concerts payants et 280 gratuits.

La partie payante du festival se tient sur les scènes de l’Auditorium Stravinski et du Miles Davis Hall. La manifestation investit aussi les quais des bords du lac et plusieurs sites et scènes de la ville.

Ce festival a été créé en 1967 par Claude Nobs, toujours aux commandes actuellement. Durant sa longue histoire, de nombreux disques live y ont été enregistrés. Et les grands noms des musiques actuelles continuent à lui être fidèles.

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