Vérité du sentiment selon Bergmann

Caroline Cons. Service de presse de la production swissinfo.ch

Jusqu'au 14 octobre au Théâtre de Poche à Genève, et depuis le 23 octobre au Kléber-Méleau à Renens, la pièce «Après la répétition» d'Ingmar Bergmann souffle cris et chuchotements amoureux.

Avec de grands acteurs comme Philippe Mentha dans le rôle principal du metteur en scène, entouré de Sophie Lukasik (la jeune comédienne) et Caroline Cons (mère et amante sur le retour), Daniel Wolf décline la complexité des sentiments humains au travers du prisme du génial auteur dramatique suédois, Ingmar Bergmann.

Bergmann a écrit «Après la répétition» en 1980. Il en a tiré un film en 1984. «C’est une histoire intime, résume Philippe Mentha, entre souvenirs, rêves et réalités. Où se mêlent des liens secrets entre profession et vie privée. Et où se trament des amours inavoués de deux femmes et un homme épris de vérité, tous trois prisonniers d’un trop long silence ou de trop de mensonges.»

Le secret des sentiments

En fin de carrière, un metteur en scène aborde sa dernière mise en scène. Devant lui, une jeune comédienne qui pourrait être sa fille. Celle-ci se demande d’ailleurs pourquoi elle a été engagée.

Pour déflorer le secret, elle pousse sa quête jusqu’à risquer l’inceste. Mais comme celui-ci est évité, elle obtient forcément une parcelle de réponse…

Revient alors du séjour des morts celle qui pourrait être la mère de la jeune comédienne. En star déchue, elle vient à son tour demander des comptes à son ancien amant. Mais autant le metteur en scène aime la vérité sur scène, autant il ne la supporte guère dans la vie.

«Pour lui, explique le vrai metteur en scène, Daniel Wolf, c’est comme s’il devait revivre ses derniers tourments. Menteur, le metteur en scène dans la pièce se dérobe. Il déjoue les questions en parlant de théâtre. D’un théâtre dont il parle magnifiquement.»

«C’est une des plus belles pièces qui parle de théâtre», explique Daniel Wolf, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je l’ai choisie.»

Ainsi, «Après la répétition» tangue entre fiction et réalité. Entre une représentation et une répétition de théâtre. Et le spectateur de se poser inévitablement la question: quelle est la part de réalité et la part d’illusion dans ce fatras de sentiments présents, antérieurs et hypothétiques?

La profondeur des sentiments

Car tout est ambigu chez Bergmann. Tout est complexe et fuyant. Il faut ainsi saisir au vol la part de vérité et, l’instant d’après, le mensonge pour contrebalancer la justesse de la nature humaine.

«Quand on se plonge dans l’œuvre de Bergmann, nous confie Caroline Cons, on parle en profondeur de l’être humain. Bergmann entrevoit la femme comme une personne plus aimante, plus généreuse que l’homme dans ses sentiments.»

«Dans Après la répétition, poursuit Caroline Cons, la femme, contrairement à l’homme, va jusqu’au bout de sa quête de vérité. Elle se dévoile, se livre jusqu’à l’impudeur. C’est d’autant plus touchant pour une comédienne de jouer de la sorte quand vous savez pertinemment que c’est un homme qui a écrit votre rôle.»

Les rencontres ont toujours lieu en septembre. A douze ans d’intervalle. Et la fiction amène les comédiens et les spectateurs «à se demander, s’interroge Philippe Mentha, si en revivant nos sentiments, nos vies pourraient éventuellement déboucher vers un autre destin».

Emmanuel Manzi