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Valère Novarina, la folie, le rire et les Alpes

Un monde théâtral chaotique et drôle.

L'auteur et peintre franco-suisse met en scène à la Comédie de Genève sa dernière pièce «L'Acte inconnu».

L’occasion d’une rencontre avec un artiste et un poète ennemi de la logique cartésienne et ami de l’extravagance rabelaisienne.

Lui, s’appelle Valère. Son prénom moliéresque est bien chevillé à l’histoire du théâtre. En revanche, ses personnages n’ont aucun mal à décoller, un peu à la manière des personnages de Chagall, toujours en apesanteur.

Délestés du poids de la réalité, ils peuvent ainsi flotter avec des noms légers: Le Déséquilibriste, La Femme spirale, Le Coureur de Hop, Le Bonhomme Nihil…

Ces gens-là habitent l’univers excentrique de «L’Acte inconnu» commis par Valère Novarina, poète, dramaturge et peintre franco-suisse, ennemi de la logique cartésienne, ami de la folie rabelaisienne et digne héritier des deux Saussure genevois, Ferdinand le linguiste et Horace-Bénédict le géologue.

«J’ai toujours été frappé par la richesse de sons qu’offrent les noms de villages situés autour du lac Léman des deux côtés de la frontière», confie celui qui se dit écrivain alpin, très imprégné par les paysages qui entourent son chalet savoyard. Et qui donnent à sa langue le vertige des cimes et la rugosité de la roche.

L’hormone de l’écriture

Valère Novarina est né à Genève, d’un père architecte français et d’une mère actrice. Mademoiselle Trolliet, sœur du poète genevois Gilbert Trolliet, avait autrefois sa loge à la Comédie de Genève. C’est dans ce théâtre précisément que nous avons rencontré, il y a quelques jours, l’auteur. Car c’est là que se donne (jusqu’au 7 novembre) «L’Acte inconnu», sa dernière pièce créée cet été au festival d’Avignon.

Dans le foyer de la Comédie donc, Novarina se souvient: «Un soir, à la fin du ‘Tartuffe’ de Molière dans lequel elle jouait, ma mère s’est promis que si elle avait un fils elle l’appellerait Valère». Mais elle était loin d’imaginer qu’à ce même fils, elle dirait un jour: «Ton père n’ose pas te l’avouer, tes amis non plus, mais moi je vais te confier ce que nous pensons tous: personne ne comprend rien à ce que tu écris».

Le fils est, alors, resté coi. Mais pour autant, il n’a jamais changé de style. Et pourquoi l’aurait-il fait, lui qui pense que «le langage est une hormone (…), une simple hormone, que nous sécrétons, au jour le jour, pour modifier nos comportements»?

Paroles d’un écrivain, mises dans la bouche de l’un des personnages de «L’Acte inconnu». Il suffit donc que l’hormone se dérègle pour que la langue se mette à exister en dehors de toute logique.

Vive le chaos!

«Il y a dans mes textes une liberté de mouvements, d’agencements, qui laisse la syntaxe dans un état d’effervescence permanent», dit Valère Novarina. Lequel écrit comme il peint, en préservant le mystère, celui qui donne à une œuvre d’art tout son intérêt et son caractère.

Il n’est donc pas étonnant qu’il ait choisi, pour sa dernière pièce, un titre opaque. «L’Acte inconnu» est un bouclier, lâche l’auteur dans un rire. Je l’ai voulu, pour que personne ne me demande ce qu’il y a dans la pièce.

On ne trahira pas le secret donc. Mais on vous dira que l’on rit beaucoup dans le spectacle. On rit de voir l’univers fonctionner dans un désordre absolu, les peuples se heurter, les guerres se propager et la langue s’affoler par toutes les attaques qu’elle reçoit de l’extérieur.

swissinfo, Ghania Adamo

Auteur de théâtre et peintre franco-suisse, né à Genève en 1947, de père architecte français et de mère comédienne genevoise.

Il vit et travaille entre Paris, où il a son atelier de peinture, et la Haute-Savoie où il possède un chalet, son lieu d’écriture préféré.

Il passe son enfance et adolescence au bord du lac Léman et à la montagne. Plus tard, les paysages alpins inspireront son travail d’auteur.

Il commence à publier en 1978. On lui doit plusieurs pièces remarquées dont «Le Drame de la vie» qui compte 2587 personnages.

Par sa verve, il est l’héritier de Rabelais et Molière. Son style surréaliste et sa syntaxe éclatée le rapprochent du grand auteur français Roland Dubillard.

Il est également metteur en scène et décorateur de ses propres textes publiés chez P.O.L et Gallimard.

«L’Acte inconnu», écriture, mise en scène et décor – peintures – de Valère Novarina.
A voir à la Comédie de Genève, du 30 octobre au 7 novembre.

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