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Yeslam Binladin: «Moore jongle avec la réalité»

Michael Moore aurait voulu interviewer Yeslam Binladin (à droite). Keystone

Le pamphlet du cinéaste américain est sorti mercredi dans les salles suisses. Alors que le demi-frère d’Oussama Ben Laden a vu «Farenheit 9/11» lundi à Genève en séance privée.

L’homme d’affaires saoudien et Michael Moore ont été en contact téléphonique ces derniers mois.

C’est l’histoire d’une rencontre qui n’a pas eu lieu. Celle entre le médiatique et iconoclaste Michael Moore, Palme d’or à Cannes avec «Farenheit 9/11», et le discret et réservé Yeslam Binladin, demi-frère du terroriste Oussama Ben Laden.

Michael Moore aurait voulu inclure dans son manifeste contre la Maison Blanche une interview de ce membre de la famille Ben Laden.

Ces derniers mois, le Saoudien et l’Américain ont échangé divers courriers, conversation téléphonique et invitations réciproques sans jamais réussir à se rencontrer.

Moore et Binladin à Cannes

Même à Cannes, lors du Festival du film, où les deux personnages ont arpenté pendant une semaine la Croisette au même moment, leurs chemins ne se sont pas croisés.

Naturalisé suisse et résident genevois, Yeslam Binladin a écrit au cinéaste fin 2003 suite à un article de Michael Moore dans Rolling Stone Magazine. Il souhaite y corriger trois points.

«Contrairement à ce que vous relatez, lorsque des membres de ma famille ont quitté les Etats-Unis juste après le 11 septembre 2001, l’espace aérien américain avait déjà été réouvert pour les vols civils», précise Yeslam Binladin.

Il ajoute que sa famille a été plusieurs fois contrôlée et entendue par les autorités américaines avant cette date.

Enfin, il dément catégoriquement que des frères ou des sœurs de sa famille aient été présents au mariage du fils d’Oussama Ben Laden. Le Saoudien termine sa lettre par une invitation à la soirée du cinéma suisse prévue pendant le Festival de Cannes.

Swiss Films sur la Croisette

Depuis quatre ans, la société lausannoise Almaz Film Productions, qui appartient à Yeslam Binladin, organise avec Swiss Films cet événement helvétique sur la Croisette.

Fin janvier, la réponse de Michael Moore est aussi amicale que la lettre du financier. Le réalisateur le remercie pour ses remarques et souhaite le rencontrer fin mars 2004 à Genève. Un rendez-vous qui ne sera jamais précisé.

Ecoute téléphonique en stéréo?

Mi-mars, lors d’une conversation téléphonique teintée d’humour, Yeslam Binladin décline la demande d’interview du cinéaste. «Vous êtes sous écoute téléphonique?», questionne Moore à son interlocuteur. Réponse: «Je ne sais pas, peut-être». Un brin ironique, la réponse de Moore: «Alors on nous écoute en stéréo».

En avril, Yeslam Binladin réitère son invitation à la soirée helvétique du 18 mai à Cannes, mais Michael Moore ne viendra pas et ne contactera plus le Saoudien.

Ce n’est que lundi matin, lors d’une projection privée à Genève, que Yeslam Binladin a vu «Farenheit 9/11». Plein d’ironie et de dérision, le documentaire dresse notamment des parallèles entre la famille Bush, les dirigeants saoudiens et le Ben Laden Group, liés par des relations d’affaires.

«Comme, malgré ma lettre, il y a toujours ces erreurs concernant ma famille, il m’est difficile de juger l’ensemble, explique Yeslam Binladin. Michael Moore jongle avec la réalité via un montage efficace». Il note que le film ne met pas en cause sa famille mais le président américain.

Fidèle à sa réserve, l’homme d’affaires n’en dira pas plus. C’est Gérald Morin, directeur d’Almaz Film, qui prend le relais.

L’assistant suisse de Fellini

«Ce documentaire est une excellente manipulation de l’image, le réalisateur crée des amalgames percutants, parfois dénués de fondements, mais c’est l’arme du pamphlet et on remarque la patte d’un grand professionnel de cet art», analyse le producteur suisse qui a été l’assistant particulier du réalisateur italien Federico Fellini.

«Mon film est un éditorial, pas un documentaire journalistique neutre et équilibré et j’espère que mon travail servira à faire perdre le sien à Georges W. Bush», a admis Michael Moore dans diverses interviews.

Au final, «Fahrenheit 9/11» est un génial condensé subjectif sur les errements du président américain. Un film qui ravira ses détracteurs.

swissinfo, Luigino Canal

Le cinéaste américain Michael Moore a obtenu la Palme d’or 2004 à Cannes avec «Farenheit 9/11», qui a déjà enregistré un taux record d’entrées aux Etats-Unis.
Naturalisé suisse, Yeslam Binladin, frère du terroriste Oussama Ben Laden, a souhaité rencontrer Michael Moore le 18 mai à Cannes, sans succès.

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