
Pourquoi la Suisse ne reconnaît pas la Palestine en tant qu’État

Presque 160 pays reconnaissent la Palestine comme État, mais pas la Suisse. En voici les raisons.
À l’Assemblée générale de l’ONU à New York, fin septembre 2025, plusieurs États ont reconnu la Palestine comme un État indépendant. Parmi eux figuraient la France et le Royaume-Uni, ce qui signifie que quatre des cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU reconnaissent désormais un État palestinien. Les États-Unis sont à présent le seul membre du Conseil de sécurité à ne pas reconnaître la Palestine comme un État.
La Suisse se prononce depuis longtemps en faveur de la solution à deux États. À l’heure actuelle, elle exclut toutefois toute reconnaissance de la Palestine. Voici les réponses aux questions les plus importantes sur le sujet.
Qu’en est-il de la reconnaissance de la Palestine en Suisse?
La Suisse soutientLien externe la solution à deux États telle qu’esquissée par l’ONU, sur la base des frontières de 1967 et avec Jérusalem-Est comme capitale. Si elle est parfois jugée irréaliste ou impossible, cette solution reste la seule vision largement soutenue par le droit international pour Israël/Palestine. À ce jour, 157 des 193 États membres de l’ONU (environ 81%) ont reconnu la Palestine en tant qu’État.
Lors de la conférence de haut niveau de l’ONU sur le Proche-Orient, en juillet 2025, la représentante du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), l’ambassadrice Monika Schmutz Kirgöz, a résuméLien externe la position suisse en ces termes: «La reconnaissance d’un État palestinien doit s’inscrire, (aux yeux de la Suisse), dans la perspective d’une paix durable fondée sur la solution à deux États.»
Cette reconnaissance pourra être envisagée «lorsque des mesures concrètes de mise en œuvre – garantissant à la fois la sécurité d’Israël et le droit à l’autodétermination du peuple palestinien – auront été engagées».
Cela signifie que la Suisse ne reconnaîtra un État palestinien qu’après la mise en place d’une solution de paix globale et d’une feuille de route politique correspondante, en collaboration avec Israël.
La Suisse emprunte ainsi une voie différente de celle de nombreux autres États, qui veulent faire pression sur Israël en reconnaissant la Palestine afin de faire avancer la solution à deux États.
Il n’est pas certain que cette pression a des effets: l’année dernière, la Knesset (le Parlement israélien) a déclaré dans une résolutionLien externe qu’un État palestinien constituerait «une menace existentielle pour Israël» et s’est «fermement» opposé à sa création.
Comment la Suisse reconnaît-elle les autres États?
Depuis la Seconde Guerre mondiale, la Suisse ne reconnaît que des États, et non des gouvernements, comme le font de nombreux autres pays. Le droit international ne précise pas si et quand un État reconnaît un autre État. La reconnaissance est considérée comme l’expression d’une déclaration de volonté unilatérale; elle est l’expression de la souveraineté étatique. Chaque État a donc ses propres règles et traditions quant à la manière dont il reconnaît les autres États en tant que sujets de droit international.
Pour la Suisse, l’élément central est l’effectivité (nécessité d’une souveraineté effective de l’État à reconnaître). Dans sa pratique, elle s’inspire de la théorie des trois éléments: un territoire, un peuple et un gouvernement. Selon le contexte politique général, elle s’est toujours laissé une grande marge de manœuvre dans l’application de ces critères: la décisionLien externe de reconnaissance relève de «l’appréciation politique de la Suisse». D’autres éléments tels que «l’attitude de la communauté internationale des États ou d’un groupe d’États important pour elle» peuvent être pris en compte.
La reconnaissance d’un État se fait par le Conseil fédéral, le gouvernement suisse étant responsable de la politique étrangère du pays. Des discussions sur la nécessité d’impliquer davantageLien externe le Parlement se sont tenues à plusieurs reprises dans le passé, notamment lors de la reconnaissance du Kosovo, que la Suisse a été l’un des premiers pays à reconnaître. Cela ne s’est pas produit jusqu’à présent.
En ce qui concerne le Proche-Orient, la position du gouvernement suisse est de toute façon la même que celle du Parlement: en 2024, un postulatLien externe déposé au Conseil national a demandé la reconnaissance de la Palestine. La question a fait l’objet d’un débat animé, mais elle a finalement été rejetée par 131 voix contre 61. Lors du débat, le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a déclaré que, du point de vue du gouvernement, «ce n’était pas le moment» pour reconnaître la Palestine. Il avait alors également été dit qu’une telle reconnaissance devait faire partie d’un plan de paix.
Quelques mois plus tôt, la Suisse s’était abstenue lors du vote sur la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU (depuis 2012, la Palestine y a un statut d’État observateur). «La Suisse estime qu’eu égard à la situation très instable au Proche-Orient et dans une perspective globale de politique de paix, l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU n’est pas appropriée à l’heure actuelle», avait alors écritLien externe le Conseil fédéral.
Quand la Suisse a-t-elle reconnu Israël – et quelles conclusions peut-on en tirer?
À ce jour, 164 des 192 États membres de l’ONU (environ 85%) ont reconnu l’État d’Israël. Selon le plan de partage de la Palestine adopté par l’ONU en novembre 1947, le territoire devait être divisé en un État arabe et un État juif. La déclaration d’indépendance d’Israël a eu lieu le 14 mai 1948, et le pays a été admis à l’ONU un an plus tard.
La Suisse a officiellement reconnu Israël le 18 mars 1949. «Soucieux de maintenir de bonnes relations avec les pays arabes du Proche-Orient, le Conseil fédéral attendit la décision d’autres États avant de (le) reconnaître», peut-on lire à ce sujet dans le Dictionnaire historique de la SuisseLien externe.
Quelle est la politique de la Suisse au Proche-Orient?
La reconnaissance d’États a donc toujours dépendu de divers facteurs politiques, notamment des développements mondiaux et des considérations de politique intérieure. Malgré la dynamique internationale actuelle en faveur de la reconnaissance de la Palestine afin de permettre la paix dans la région, la Suisse officielle s’y oppose toujours.
La Suisse a souligné à maintes reprises qu’elle «soutenait résolument» les efforts internationaux visant à mettre en œuvre la solution à deux États. À Genève, plusieurs discussions se sont tenues sur le sujet, et des initiatives ont été lancées. Si la Suisse reconnaissait un État palestinien – ce qu’Israël refuse catégoriquement –, Genève pourrait ne plus être considérée comme un lieu approprié pour les discussions.
Toutefois, la Suisse fait généralement preuve de retenue dans sa politique au Proche-Orient. Elle a certes clairement condamnéLien externe l’«escalade militaire» et les violences perpétrées «en toute impunité» en Cisjordanie. Contrairement aux États-Unis et à l’UE, elle n’a toutefois pas encore imposé de sanctions à l’encontre des colons israéliens extrémistes. Le Conseil fédéral se réserveLien externe toutefois cette possibilité.
Cet article avait été originellement publié le 31 juillet 2025, puis mis à jour après l’Assemblée générale de l’ONU du 23 septembre 2025.
Texte relu et vérifié par Benjamin von Wyl/vdv, traduit de l’allemand par Albertine Bourget/sj

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