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Procès Swissair: un verdict qui ne surprend personne

L'ex-président du conseil d'administration et directeur du groupe Eric Honegger répond aux questions des médias. Reuters

L'acquittement général prononcé dans le procès Swissair n'a surpris pratiquement personne, ni dans le monde politique, ni parmi les syndicats, ni du côté des experts qui attendent le procès civil.

Si le verdict était attendu, il n’en va pas de même des trois millions de francs d’indemnités qui sont très critiqués.

S’il reconnaît qu’ «une mauvaise gestion n’est pas pénalement répréhensible» et que son issue était attendue, Urs Eicher, le président de Kapers, le syndicat du personnel de cabine de l’aviation, considère que les dédommagements versés aux acquittés sont incompréhensibles aux yeux des «petites gens».

Si le procès n’avait pas eu lieu, les frustrations auraient été amplifiées, estime pour sa part le député radical (PRD / droite) Gerold Bührer, également président de l’organisation patronale economiesuisse.

Selon lui, l’intérêt à suivre scrupuleusement le droit est plus important que les coûts engendrés par le procès.

Le député vert Daniel Vischer, par ailleurs responsable du secteur aérien auprès du Syndicat du service public (SSP/VPOD), est d’un avis diamétralement opposé. Il pense qu’un procès «n’était pas le bon moyen de faire la lumière sur le grounding» de 2001.

«Un château de cartes»

L’affaire relève à ses yeux du droit civil ainsi que de considérations politiques et morales.

L’écologiste, qui a suivi de l’intérieur toutes les étapes du naufrage, estime que l’accusation était «construite comme un château de cartes» et que «l’Etat n’avait pas à s’engager» dans une telle aventure.

L’Union démocratique zurichoise (UDC, droite populiste) est sur la même longueur d’onde. Elle a réagi en demandant la tête du procureur Daniel Weber, qui était chargé du dossier. Elle le tient pour responsable de ce qu’elle considère comme «une débâcle exemplaire», courue d’avance, payée par des fonds publics (3 millions de francs de dédommagement, plus l’instruction et les frais de tribunal, soit largement plus de 10 millions en tout).

Le professeur zurichois de droit pénal Daniel Jositsch prend en revanche la défense du Ministère public.

Les magistrats n’ont fait que leur travail, estime-t-il. Il reconnaît toutefois qu’il ne leur appartenait pas «d’écrire l’histoire de la tragédie Swissair» mais de voir si le droit pénal a été violé. Et le mauvais travail des administrateurs n’est pas délictueux s’il n’y a pas intention de nuire.

«Une farce»

«Une farce», a commenté de son côté le liquidateur de la compagnie aérienne belge Sabena Christian Van Buggenhout. Il estime que le procès n’a pas fait toute la lumière sur le naufrage et mise maintenant beaucoup sur la procédure civile.

Cette attente est celle de nombreux observateurs. Il faut voir le procès comme «un échauffement» qui ne préjuge en rien de l’issue sur le plan civil, a dit le sénateur Hansruedi Stadler, par ailleurs président de la Commission de gestion qui a mené l’enquête sur la débâcle de Swissair.

Il souligne que les acquittements signifient l’absence d’actes pénalement répréhensibles, ce qui ne préjuge rien de leur part en matière de responsabilité stratégique.

A cause de la mauvaise gestion, de nombreuses personnes ont perdu leur emploi
et leurs perspectives professionnelles et certaines se sont même retrouvées dans de graves difficultés, a relevé le président du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre) suisse, Christophe Darbellay.

Du côté socialiste (PS / gauche), on semble ne pas espérer beaucoup du procès civil puisque celui-ci n’a de sens que s’il y a eu condamnation au pénal.

Jean-Claude Rennwald, vice-président de l’Union syndicale suisse (USS), partage cette déception. Il espère néanmoins que le procès civil permettra quand même de mieux établir les responsabilités.

«Des gros privilégiés par rapport aux petits»

Si l’UDC zurichoise s’en prend au procureur, le députél Hans Kaufmann, issu de cette section, pense lui qu’ «on attrape les petits tout en laissant filer les gros». Ce procès a montré l’indulgence des experts vis-à-vis du monde des affaires, selon lui.

Les 19 accusés ont pour leur part tous fait état de leur satisfaction et de leur réhabilitation sur le plan pénal.

Le dernier patron de Swissair, Mario Corti, ne s’est toutefois pas encore exprimé personnellement. Le banquier genevois Bénédict Hentsch rappelle avoir «toujours dit que l’accusation était infondée».

swissinfo et les agences

La conclusion de la procédure pénale contre les anciens responsables du groupe Swissair n’aura pas d’effet direct sur la procédure civile.

Le liquidateur de Swissair a en effet déjà intenté trois procédures civiles à l’encontre d’anciens responsables du groupe de transport aérien.

Au total, Karl Wüthrich leur réclame pas moins de 590 millions de francs.

Selon lui, il n’est pas nécessaire au civil de prouver que les accusés ont agi avec préméditation. Il suffit de prouver l’existence d’un lien de causalité entre leurs actions et le dommage subi par Swissair.

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