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Etude scientifique sur les internements abusifs dans les Grisons

Le conseiller d'Etat Martin Jäger et l'étude scientifique sur les mesures de coercition dans les Grisons du 19e siècle à aujourd'hui. Ruedi Lämmler/ats sda-ats

(Keystone-ATS) Le gouvernement des Grisons a présenté jeudi une étude scientifique sur les mesures de coercition pratiquées pendant plus de 150 ans dans le canton. On y apprend notamment que 1500 personnes ont été internées abusivement dans un établissement spécial à Cazis (GR).

Le canton est l’un des premiers à présenter une étude sur les internements administratifs, les placements et mises sous tutelle abusifs du 19e siècle à 1981. Elle s’intéresse plus particulièrement au camp de travail “Korrektionsanstalt Realta”, un des premiers du genre en Suisse.

En 1840, les autorités grisonnes ont ouvert ce camp “Realta” à Fürstenau pour y placer des “débauchés”, des “réfractaires au travail” et des “vagabonds”. Selon l’étude menée par l’historienne Tanja Rietmann, de l’Université de Berne, environ 1500 personnes, essentiellement des hommes, y ont séjourné pour y être éduquées et disciplinées, parfois pendant plusieurs années.

Malades mentaux, criminels, sauvages

L’établissement de Fürstenau se distinguait des autres camps de travail en Suisse par le fait qu’on y a aussi interné dès le début des “fous” et d’autres marginaux. En 1941, le “Realta” est décrit comme “un complexe d’internement pour malades mentaux, criminels et sauvages”.

Des milliers de personnes ont subi des internements et des mises sous tutelle abusifs, estiment les auteurs de l’étude, sans donner de chiffres plus précis. Les Grisons n’ont pas ordonné plus ou moins de mesures de coercition que les autres cantons, selon Tanja Rietmann.

Les décisions d’internements, placements et mises sous tutelle étaient prises par les autorités de tutelle des districts. Les lois en vigueur leur laissaient une très grande marge de manoeuvre. Les membres de ces autorités de tutelle n’étaient pas payés pour leur travail et la plupart n’étaient pas formés pour cette tâche, ce qui pouvait engendrer des décisions arbitraires.

Programme national de recherche

En février, le Conseil fédéral a lancé un programme national de recherche sur les placements abusifs et leurs effets sur la société. Les chercheurs disposent de 18 millions de francs sur cinq ans pour effectuer leur travail.

En septembre dernier, le Parlement a adopté une base légale en réponse à une initiative populaire sur la réparation qui demandait la création d’un fonds de 500 millions de francs pour les victimes de mesures de coercition prises à des fins d’assistance avant 1981. Le texte exigeait aussi une étude scientifique et un débat de société sur ce chapitre sombre de l’histoire suisse.

Les victimes de placements abusifs ont jusqu’au 31 mars 2018 pour demander une contribution de solidarité. Pour l’heure 1150 personnes se sont manifestées. L’enveloppe à disposition se monte à 300 millions de francs.

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