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Haro sur l’illettrisme à l’ère de l’information

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30 % des Suisses risquent d'échouer face aux nouvelles exigences du monde du travail. Le gouvernement orchestre la lutte contre l'illettrisme.

Un Suisse sur dix et six étrangers sur dix ont du mal à lire un texte courant comme la posologie d’un médicament. Cette inquiétante conclusion d’une étude du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation (CSRE).

«L’ère de l’information’ impose aux individus de toujours mieux saisir et utiliser les informations écrites, même dans leur vie quotidienne», précise le CSRE.

Une société à deux vitesses

Explication de Stéphanie Vanhooydonck, co-auteur: «Les études comparatives internationales de l’OCDE, menées depuis le début des années 90, montrent qu’il existe des écarts entre la demande sociale pour des compétences en lecture et celles effectives de la population.»

Ce constat inquiétant a décidé l’Office fédéral de la culture à lancer une vaste opération contre un phénomène dangereux qui risque de creuser encore les inégalités d’une société à deux vitesses.

Le Conseil fédéral avait été alerté en 1999 par une pétition de 25 000 signatures. Elle émanait de «Lire et écrire», association active depuis 1988 dans la lutte contre l’illettrisme des adultes, inquiète de l’aggravation du phénomène depuis le début du «tout ordinateur».

Pour Brigitte Pythoud, coordinatrice romande de ‘Lire et Ecrire’, «le décalage entre les exigences croissantes de la société et les personnes concernées s’aggrave».

«Cette réalité est vécue douloureusement puisque ces personnes ne peuvent prendre part à toutes sortes d’activités simples, comme aider leurs enfants à faire leurs devoirs, remplir des formulaires ou utiliser une cabine téléphonique informatisée», souligne encore Brigitte Pythoud.

Les jeunes aussi concernés

Mais il n’y a pas que les adultes. A ce constat s’ajoute celui de l’étude PISA, publiée en décembre par l’OCDE sur l’école. Celle-ci révélait que 20% des élèves ayant achevé leur scolarité obligatoire en Suisse étaient à peine capables de comprendre un texte simple.

Ces chiffres, comme ceux de l’étude parrainée par l’Office fédéral de la culture, montrent que la Suisse se situe dans la moyenne des pays industrialisés.

Stéphanie Vanhooydonck définit un «phénomène selon lequel des personnes ayant fréquenté l’école pendant neuf ans maîtrisent mal les compétences à traiter les informations écrites». Alors que l’analphabétisme concerne ceux qui n’ont jamais été alphabétisés (ce qui est de plus en plus rare), l’illettrisme est un problème de société.

Continuer les recherches

Ce qui rend la lutte contre ce phénomène difficile, c’est que ses causes sont difficiles à cerner, car elles dépendent de relations multiples entre des facteurs familiaux, scolaires, personnels, relationnels, etc.

Et les conséquences, tout aussi difficiles à définir, ne sont pas seulement personnelles, mais sociales. Pour Stéphanie Vanhooydonck, «les exigences professionnelles augmentent et les illettrés ont une peine grandissante à trouver leur place dans la société et le monde du travail».

Les remèdes évoqués sont encore plus complexes. Les experts demandent de poursuivre les recherches, d’améliorer la prévention chez les adultes comme à l’école et de mettre en place une stratégie concertée. Il s’agit aussi d’informer le public, car l’illettrisme est souvent caché, honteux et tabou.

Appel du pied au monde politique

Cette étude publiée lundi à Berne constitue donc un outil de travail. L’objectif, selon Christoph Reichenau, directeur suppléant de l’Office fédéral de la culture, est de «tisser des liens entre les domaines de l’économie, de l’intégration des étrangers et des formations – scolaire, professionnelle, continue». Et donc de trouver des crédits rapidement et à long terme.

Ruth Dreifuss se dit «particulièrement concernée» comme chefe du Département de l’intérieur et comme citoyenne». Elle s’est déjà exprimée devant le parlement et souhaite que «l’ensemble des acteurs intéressés: cantons, milieux économiques, organisations non-gouvernementale et la Confédération» développent une stratégie globale.

En attendant la mise en place de mesures concrètes, c’est-à-dire l’octroi de crédits importants, la balle est donc dans le camp politique. A ce dernier de définir ses priorités. Ce qui est sûr, c’est que la tâche est titanesque.

swissinfo/Isabelle Eichenberger

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