
Législatives en Tchéquie: le milliardaire «trumpiste» Babis en tête

Le parti de l'ancien premier ministre tchèque Andrej Babis est arrivé largement en tête des législatives tchèques samedi, un retour gagnant pour ce milliardaire autoproclamé trumpiste qui avait perdu de peu le pouvoir il y a quatre ans.
(Keystone-ATS) Le mouvement ANO («Action des citoyens mécontents», «OUI» en tchèque) de M. Babis a obtenu 34,6% des voix, selon des résultats portant sur près de 99,5% des bulletins dépouillés. Ce qui lui promet autour de 80 des 200 sièges de l’assemblée tchèque.
Triomphant, les bras levés et tout sourire, il a salué un «résultat historique», «le summum absolu» de sa carrière politique.
Il devance largement le mouvement «Ensemble» du chef du gouvernement de centre droit sortant Petr Fiala, qui a rassemblé 23,3% des suffrages dans ce scrutin ayant vu une participation en hausse à 68,89% contre 65,43% en 2021.
Les libéraux de STAN, présents dans la coalition de M. Fiala, sont troisièmes avec 11,2% des voix.
Alliances
Sans majorité, M. Babis aura besoin de partenaires pour gouverner le pays d’Europe centrale, membre de l’Otan et de l’Union européenne. Mais il a annoncé vouloir former un gouvernement avec son seul parti, tout en cherchant des appuis.
«Nous chercherons à former un gouvernement avec un seul parti dirigé par ANO», a immédiatement réagi M. Babis, qui a souligné qu’il discuterait cependant d’alliances avec le parti d’extrême droite SPD, qui a eu 7,8% des voix, et le parti de droite Motoristes (6,8%).
«Je félicite le vainqueur des élections Andrej Babis,» a déclaré de son côté M. Fiala, rejetant l’idée de tenter de reconstruire la coalition gouvernementale sortante.
M. Babis, 71 ans, qui a déjà dirigé la République tchèque de 2017 et 2021, a fait campagne sur la promesse d’augmenter les prestations sociales et de réduire l’aide à l’Ukraine, pour faire passer les Tchèques d’abord.
Il dit vouloir réexaminer l’initiative internationale dirigée par son pays pour fournir des obus d’artillerie à l’Ukraine, et qu’il en «discuterait» avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky si nécessaire.
Son retour au pouvoir pourrait signifier un rapprochement avec la Hongrie et la Slovaquie, qui ont refusé toute aide militaire à l’Ukraine et entravent les sanctions contre la Russie.
M. Babis a cofondé avec le premier ministre hongrois Viktor Orban le groupe parlementaire eurosceptique «Patriotes pour l’Europe», et le premier ministre hongrois l’a très vite félicité sur X: «la vérité a prévalu!» a-t-il écrit. «Un grand pas pour la République tchèque, une bonne nouvelle pour l’Europe. Félicitations, Andrej!»
Marine Le Pen, la dirigeante du parti d’extrême droite français Rassemblement national, a également salué son score sur X, estimant que «partout en Europe, les partis patriotes sont appelés au pouvoir par les peuples, désireux de retrouver leur liberté et leur prospérité !».
Le SPD réclame un référendum sur la sortie de l’Union européenne, ce que M. Babis a cependant catégoriquement rejeté.
Consultations dimanche
«Nous sommes clairement pro-européens et pro-Otan», a-t-il martelé samedi soir.
Le président tchèque Petr Pavel, qui nommera le prochain premier ministre conformément à la Constitution, a annoncé qu’il entamerait les discussions avec les chefs de parti élus dimanche.
M. Pavel, un ancien chef des forces de l’Otan, résolument pro-européen, a rencontré M. Babis en début de semaine pour évoquer les risques de conflit d’intérêts avec ses activités d’homme d’affaires, à la tête d’un conglomérat chimique et alimentaire, ainsi que des poursuites engagées contre lui pour fraude aux subventions européennes.
Jusqu’ici, la République tchèque, un pays de 10,9 millions d’habitants, a soutenu sans ambiguïté Kiev face à l’invasion russe. Elle a aussi accueilli plus de 500’000 réfugiés ukrainiens, dont 300’000 y vivent toujours.
Intérêts commerciaux
Toutefois, de nombreux électeurs reprochaient au gouvernement de Petr Fiala d’avoir négligé sa propre population.
Josef Mlejnek, un analyste à l’Université Charles, a confié à l’AFP qu’il ne s’attendait pas à «un changement fondamental» dans la politique étrangère tchèque sous M. Babis, qui a des intérêts commerciaux en Europe occidentale. «Babis est un homme d’affaires pragmatique et la seule chose qui l’intéresse est d’être premier ministre», a-t-il ajouté.
Mais Peter Just, de l’Université métropolitaine de Prague, pense qu’il «n’est pas certain que la rhétorique restera pro-occidentale très longtemps» si l’ANO gouverne, nombre de ses représentants «affichant une position faussement neutre» sur l’Ukraine.
La campagne a suscité l’intérêt de réseaux prorusses. Le Centre tchèque de recherche sur les risques en ligne a signalé une activité accrue sur TikTok, avec des contenus favorables aux partis antisystème.
Par ailleurs, selon un rapport de l’organisme de vérification des faits American Sunlight Project publié vendredi, le SPD a dépensé au cours des dernières années des milliers de dollars en publicités sans les mentions légales requises sur Meta, soit dix fois plus que les formations de MM. Babis et Fiala.
Meta a déclaré à l’AFP «enquêter sur ces signalements» et avoir «déjà pris des mesures concernant plusieurs publicités pour non-respect de nos règles».