
L’église de Kiruna installée dans son nouvel emplacement

Magnifique église en bois rouge, considérée comme l'un des plus beaux bâtiments de Suède, l'église de Kiruna est arrivée mercredi à son nouvel emplacement au terme d'un périple de deux jours sur des roulettes causé par l'exploitation du gisement de minerai de fer.
(Keystone-ATS) Le développement de cette mine, la plus grande d’Europe, par le suédois LKAB, augmente le risque d’effondrement dans certaines zones, ce qui oblige la cité arctique à déménager. Le groupe a proposé soit de compenser financièrement toutes les personnes affectées par la relocalisation, soit de reconstruire leurs maisons ou bâtiments.
Elle a choisi de déplacer Kiruna Kyrka, une imposante église luthérienne suédoise de 672 tonnes datant de 1912, en une seule pièce. Prouesse technique, ce déménagement de cinq kilomètres a été réalisé sur des remorques télécommandées, qui avançaient à 500 mètres par heure.
Fort intérêt
Retransmise en direct à la télévision suédoise SVT, l’opération commencée mardi matin s’est terminée sans accrocs mercredi en début d’après-midi. L’église est désormais située à côté du cimetière de la ville. «Tout s’est déroulé incroyablement bien», a déclaré le chef de projet Roy Griph.
Alors que la structure progressait encore, la pasteure de Kiruna, Lena Tjärnberg, a célébré un office religieux pour les dignitaires dans une tente ressemblant à un «laavu», la tente traditionnelle du peuple autochtone Sami.
Cette migration s’est opérée sous le regard d’une foule de 10’000 touristes ayant fait le déplacement. Le roi Carl XVI Gustaf était également présent. Il a notamment conversé avec l’un des responsables du déménagement, l’Argentin Sebastian Drucker, qui contrôlait l’avancement du convoi avec une manette.
Le souverain devait également participer à une tentative de battre le record du monde du nombre de personnes assistant à un «kyrkkaffe», une pause-café traditionnelle à l’église.
Des décennies
Le processus de déménagement de la ville a commencé il y a près de deux décennies et devrait encore se poursuivre pendant des années. Le nouveau centre-ville a été officiellement inauguré en septembre 2022.
Beaucoup d’habitants sont toutefois critiques de la compagnie minière, à l’instar d’Alex Johansson et Magnus Fredriksson, qui animent un podcast sur les actualités locales. «LKAB n’a peut-être pas bien pris le pouls de la population lorsqu’ils ont détruit toute la ville et ensuite organisé cette immense fête populaire pour les habitants», a déclaré M. Fredriksson à la télévision SVT.
«C’est comme s’ils avaient dit ‘voici un peu d’espace où ranger Kiruna, maintenant, nous, on continue à engranger des milliards ici'», a renchéri M. Johansson. Ils se montrent toutefois soulagés que l’église ait été sauvée. «C’est bien qu’elle n’ait pas fini en copeaux de bois comme le reste de Kiruna», lâche M. Fredriksson.
Près de 700 tonnes
A lui seul, le déplacement de l’église, entièrement financé par LKAB, devrait coûter 500 millions de couronnes (environ 42 millions de francs).
Large de 40 mètres et pesant 672 tonnes, l’imposant édifice, conçu par l’architecte suédois Gustaf Wickman, mêle différentes influences architecturales. Des motifs d’inspiration sami ornent notamment les bancs.
Les fenêtres de l’église, en verre soufflé à la main, ont été retirées avant le déplacement. Le clocher, qui se tenait séparément à côté de l’église, sera quant à lui déplacé la semaine prochaine.
Gisement de terres rares
LKAB, qui extrait du minerai de fer à une profondeur de 1365 mètres à Kiruna, a annoncé en 2023 avoir découvert le plus grand gisement connu d’éléments de terres rares en Europe, juste à côté de la mine de minerai de fer. Les terres rares sont essentielles à la transition verte, utilisées dans la fabrication de véhicules électriques.
Le directeur-général du groupe, Jan Moström, a précisé à l’AFP que ce gisement était «très important pour l’Europe», à l’heure où le continent cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis des importations en provenance de Chine.
Les militants écologistes estiment pour leur part que les opérations minières détruisent forêts et lacs immaculés de la région, tout en perturbant l’élevage traditionnel de rennes par le peuple Sami.