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L’Allemagne veut acheter des chars Leopard suisses hors-service

L'Allemagne a demandé à la Suisse d'acheter des chars de combat Leopard 2 hors service. PHOTO : un Leopard 2A6 du bataillon de chars 203 de la Bundeswehr allemande. KEYSTONE/dpa/Federico Gambarini sda-ats

(Keystone-ATS) L’Allemagne a demandé à la Suisse d’acheter des chars de combat Leopard 2 mis hors-service. Ils pourraient remplacer des blindés que l’Allemagne et d’autres pays de l’UE ont livrés à l’Ukraine. Une vente nécessiterait l’approbation du Parlement.

Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius et le ministre de l’Economie Robert Habeck ont écrit à la conseillère fédérale Viola Amherd pour lui demander de revendre les chars Leopard 2 de l’armée suisse au fabricant Rheinmetall. La lettre date du 23 février, a indiqué un porte-parole du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) à Keystone-ATS, revenant sur une information du “Blick” vendredi.

Un transfert des chars de combat à l’Ukraine n’est pas envisagé, a encore indiqué le porte-parole. Une destination finale de l’équipement de guerre en Allemagne ou chez les partenaires de l’alliance de défense nord-atlantique OTAN et de l’UE serait garantie. Les chars devraient permettre de remplacer ceux cédés à l’Ukraine et d’améliorer l’approvisionnement en pièces de rechange.

Une douzaine

Le Département fédéral de la défense n’a pas voulu préciser combien de chars l’Allemagne souhaite acheter. Interrogé à la radio publique alémanique SRF, le chef de l’armée Thomas Süssli a parlé d’une douzaine d’engins environ.

La revente de chars Leopard 2 à l’Allemagne est possible; un nombre limité pourrait être cédé, après déduction de tous les besoins de l’armée suisse, a-t-il ajouté, non sans préciser que, d’un point de vue militaire, l’armée suisse a besoin de chaque char. Mais c’est finalement la politique qui décidera de l’armée du futur.

Vente possible, selon l’armée

Du point de vue de l’armée suisse, il est possible, selon des études préliminaires, de renoncer à un nombre limité de chars de combat. La condition pour cela est que le Parlement les mette hors-service, peut-on lire dans la prise de position.

Dans une réponse datée du 1er mars, la ministre de la Défense Viola Amherd a fait savoir à l’Allemagne qu’il n’y avait pas de décision du Parlement concernant une mise hors-service formelle. Des discussions à ce sujet sont actuellement en cours au Parlement. Elle ne peut pas préjuger d’une éventuelle décision du Parlement.

Le Conseil fédéral entend prendre position sur ce sujet lors de l’heure des questions des Chambres fédérales lundi.

L’exportation de matériel de guerre mis hors-service nécessite une autorisation du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco), a indiqué ce dernier en réponse à une question. Des discussions sont aussi en cours au Parlement pour établir des règles moins strictes en matière de réexportation d’armes.

Refusé par la commission

Le commerce de matériel de guerre dans le contexte de la guerre en Ukraine est une affaire politiquement délicate en Suisse, pays officiellement neutre. Début février, la commission de politique de sécurité du Conseil des Etats a clairement rejeté une demande similaire.

La commission a rejeté une initiative parlementaire par 8 voix contre 2. Celle-ci demandait la mise hors-service et la restitution à l’Allemagne de jusqu’à 30 des 96 “chars Leopard 87”.

La majorité de la commission souhaitait conserver ces chars en tant que réserve stratégique. De plus, une telle vente constituerait une sorte d’opération circulaire dans laquelle la Suisse favoriserait une partie belligérante, ce qui, toujours selon cette majorité, serait contraire au principe de neutralité. La minorité voyait en eux une possibilité de contribuer à la sécurité européenne.

L’attitude négative de la majorité devrait avoir peu changé. Le président de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats, Werner Salzmann (UDC/BE), ne croit pas que le vent ait tourné depuis que le sujet a été débattu en février, a-t-il déclaré vendredi à la radio et à la télévision suisses (SRF).

Comme les commissions se sont déjà penchées sur le sujet, elles devraient charger le Conseil fédéral de proposer au Parlement une mise hors-service des chars en question, a indiqué le Département de la défense. Une telle démarche pourrait faire l’objet d’un message et d’un arrêté fédéral.

Entreposés en Suisse orientale

Le Leopard 2 à quatre places est un char de combat lourd de fabrication allemande. Il est construit en série depuis 1978. Il en existe une multitude de variantes. De 1987 à 1993, la Suisse a introduit environ 380 “Leos” auprès des troupes. Entre-temps, l’armée a vendu des dizaines de véhicules à l’Allemagne et au Canada.

Elle a en outre retiré 96 d’entre eux du service. Ils étaient entreposés en dernier lieu dans un entrepôt en Suisse orientale. A la fin de l’année, l’armée était encore équipée de 134 chars de ce type.

L’Ukraine se défend depuis plus d’un an contre l’invasion russe. Le président ukrainien Volodymyr Selenskyj a lancé plusieurs appels à la communauté internationale pour qu’elle lui fournisse notamment des avions de combat et des chars. L’Ukraine doit recevoir 18 chars modernes Leopard 2 provenant des stocks de l’armée allemande.

En collaboration avec les pays partenaires que sont la Suède et le Portugal, l’Allemagne veut mettre à la disposition de l’Ukraine un bataillon de chars modernes de type Leopard 2 comprenant 31 chars. La Pologne coordonne un autre bataillon avec des chars Leopard 2 de type plus ancien.

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