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La Fnac rate son implantation en Suisse alémanique

Le mélange littérature-musique-DVDs-jeux vidéo a peut-être déconcerté la clientèle bâloise. Keystone

Le groupe français va fermer son magasin de Bâle à fin mars, moins d'un an après son ouverture. «Problème d'emplacement et de notoriété», explique la Fnac. Les quatre magasins romands, par contre, ne sont pas menacés.

Le 17 avril 2008, les grands patrons de la Fnac avaient fait le voyage de Bâle pour couper un nouveau ruban d’inauguration. Ils venaient d’en faire de même dans deux nouveaux magasins en Grèce et au Portugal.

Moins d’une année plus tard, les rayons bâlois seront à nouveau vides, tandis que les enseignes grecques et portugaises continuent d’accueillir des clients. La Fnac fermera en effet son magasin rhénan le 31 mars. Soixante et une personnes perdront leur emploi.

Depuis son implantation en Suisse en 2000, le groupe appartenant à PPR (Pinault-Printemps-Redoute) annonçait son intention de s’implanter en Suisse alémanique. «L’emplacement à Bâle était notre première opportunité réelle», rappelle la porte-parole suisse de Fnac.

Que s’est-il donc passé? «La configuration du magasin n’a pas convaincu le public, ajoute la porte-parole. Tous nos magasins sont disposés sur plusieurs étages mais, à Bâle, nous n’avons pas réussi à expliquer le concept.»

La configuration était, de fait, particulière, avec un rez-de-chaussée presque vide, des disques au sous-sol, des livres au 5e étage et l’électronique et les rayons photos entre deux. Peut-être le mélange de livres français et allemands a-t-il aussi surpris.

Quartier «trop culturel»

Fnac explique encore que sa notoriété est restée trop faible et que l’emplacement n’était pas adéquat. A un jet de pierre de la très fréquentée Barfüsserplatz et tout près du théâtre de la ville, le lieu semblait pourtant parfait. «C’est un quartier plus culturel que commerçant», selon la responsable.

Le chiffre d’affaires des livres est resté «très en dessous des objectifs», explique la Fnac. Si ce rayon rapporte (selon les chiffres 2007) 18% du chiffre d’affaires de la Fnac, contre 37,8% pour la microélectronique, «c’est un chiffre d’affaires très important pour nous, maintient la porte-parole.

Un concept «non-alémanique»

L’Association des libraires et éditeurs alémaniques (SBVV) n’est «pas étonnée» de la décision de fermeture. «Les autres librairies de Bâle n’avaient pas perdu de clients», indique la présidente Marianne Sax.

La fermeture n’est pas pour autant une bonne nouvelle pour les libraires: «Lorsqu’une librairie ferme, ses ventes ne sont pas intégralement compensées dans les librairies existantes, il y a toujours une perte.»

Selon Marianne Sax, le concept Fnac, avec son mélange de produits culturels et électroniques, n’est pas adapté à la Suisse alémanique. Aucune autre enseigne ne propose d’assortiment semblable.

«Les librairies ont aussi, aujourd’hui, ce que l’on appelle des produits ‘non-books’, comme les supermarchés ont leurs rayons ‘food’ et ‘non-food’, mais cela vient toujours après les livres, de façon plutôt marginale.»

Comme Carrefour dans la distribution, l’ancienne marque «soixante-huitarde» est-elle victime de la difficulté à s’implanter sur le marché suisse? «Non, car les grandes chaînes de librairies sont allemandes!», rétorque Marianne Sax.

Ainsi, à deux pas de la Fnac de Bâle, l’Allemand Thalia accueille les clients avant leur éventuelle visite au Kunstmuseum. Et Orell Füssli, très présente en Suisse alémanique, appartient à 49% à l’Allemand Hugendubel.

«Nous réessayerons!»

Les petites librairies suisses, elles, continuent à souffrir. «Les fermetures sont régulières», dit Marianne Sax. Les libraires attendent impatiemment la discussion parlementaire sur le projet de prix réglementé du livre, qui devrait avoir lieu en juin.

Fnac ne veut néanmoins pas parler d’échec en Suisse alémanique, ou dans le monde germanophone en général. Une filiale ouverte à Berlin en 1992 avait aussi dû fermer.

«Berlin, juste près la chute du mur, et Bâle sont des situations complètement différentes», affirme la porte-parole. Le groupe annonce qu’il se remettra en quête d’emplacement d’ici quelques années.

La filiale de Bâle est la seule des 144 enseignes de Fnac dans sept pays à fermer, précise une porte-parole à Paris. Mais le groupe a annoncé mercredi la suppression de quelque 400 emplois en France.

Les quatre magasins romands (deux à Genève, un à Lausanne et un à Fribourg) ne sont pas menacés. «Les résultats ont progressé en 2008», indique la porte-parole sans donner d’autres chiffres.

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

Fondée en 1954, la Fnac (pour Fédération nationale d’achat des cadres) propose un assortiment de livres, de disques et de produits électroniques. En 1994, la chaîne a été rachetée par PPR (Pinault, Printemps, Redoute), devenu actionnaire unique en 1996.

La Fnac a ouvert 10 magasins en 2008, dont celui de Bâle. A fin 2008, elle comptait 144 magasins dans le monde, 81 en France et 63 à l’étranger. Elle est implantée en Belgique, au Brésil, en Espagne, en Italie, au Portugal, en Suisse et en Grèce.

Le 18 février, la Fnac a annoncé un plan d’économies de 35 millions d’euros qui pourrait avoir un impact sur quelque 400 postes en France, soit 3,4% des effectifs.

La Fnac dit vouloir s’efforcer de ne procéder à aucun licenciement.

En Suisse, Fnac a ouvert son premier magasin en 2000 (Genève Rive). Genève Balexert a suivi en 2001, puis Lausanne en 2002 et Fribourg en 2003. Bâle était la première filiale alémanique.

Le chiffre d’affaires suisse s’est monté à 189 millions de francs en 2007. soit 2,5% du chiffre d’affaires global de la Fnac. La Fnac emploie 430 personnes en Suisse.

La Fnac, selon qui le potentiel de la Suisse est de 12 à 15 magasins, a désormais gelé, mais «pas annulé» ses projets d’implantation en Suisse alémanique.

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