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La Suisse aussi vulnérable que l’Islande?

Keystone

Le spectre de la faillite islandaise doit-il effrayer la Suisse? Le parallèle peut surprendre, et pourtant plusieurs articles publiés dans la presse anglo-saxonne font allusion à la fragilité des petits pays en période d'instabilité financière.

A la suite de l’annonce du plan de sauvetage d’UBS par la Confédération, le journal britannique The Independent pose la question sans détour dans son édition du 17 octobre: «La Suisse est-elle la prochaine Islande?», faisant référence à l’importance du secteur banquier helvétique par rapport à la taille de son économie.

Selon le quotidien, la totalité des dépôts en Suisse s’élève à 3460 milliards de francs, soit 7 fois son Produit intérieur brut. «C’est moins que l’Islande, ajoute l’article, dont l’ensemble des dépôts représente 9 fois son PIB, mais bien plus que la Grande-Bretagne, où les dépôts avoisinent 2 fois le PIB.»

Dans les colonnes du Financial Times, Richard Portes, professeur à la London Business School et président du Centre for Economic Policy Research, observe que les banques suisses sont, à l’instar des établissement islandais et britanniques, très fortement exposées aux actifs à risques.

Vulnérable car hors de l’Eurozone

Lors d’un entretien avec swissinfo, le spécialiste évite les propos alarmistes, mais expose les faits: «Les obligations à court terme des banques suisses, c’est-à-dire les plus risquées, sont de l’ordre de 13 fois le PIB helvétique. Dans le cas de l’Islande, le ratio était de 5, donc moins élevé. Cette situation est potentiellement dangereuse pour la Suisse. Son secteur bancaire est, dans les conditions actuelles, trop important pour être sauvé par la Banque Nationale Suisse.»

Richard Portes note par ailleurs que la Suisse, à l’instar de l’Islande, ne fait pas partie de l’Eurozone et que cette situation la rend plus vulnérable par les temps qui courent: «c’est un handicap, c’est sûr, car la Banque centrale européenne est l’une des deux plus grandes banques centrales du monde et l’euro donne une sécurité aux pays qui l’utilisent. Par exemple, si l’Islande avait adopté l’euro, elle n’aurait pas été confrontée aux problèmes actuels.»

Un plan ingénieux et décisif

D’autres experts interrogés estiment au contraire que la Suisse n’est pas en danger. George Magnus, Senior Economic Adviser d’UBS à Londres, exclut catégoriquement un scénario du type islandais en Suisse.

«Beaucoup d’économistes émettent l’hypothèse de la banqueroute pour les pays qui sont trop petits pour venir à la rescousse de leurs banques. Bien entendu la Suisse est modeste par sa taille, mais son économie est très solide, elle n’est pas du tout en position vulnérable. Et même si le pire devait arriver, elle jouit d’un statut suffisamment important hors de ses frontières pour ne pas être abandonnée.»

George Magnus salue par ailleurs le plan de sauvetage de la Confédération, qui selon lui est très ingénieux et décisif: «je crois que ce plan est encore plus convaincant que celui de la Grande-Bretagne. La Confédération a fait en sorte que tous les paramètres soient pris en compte pour garantir la stabilité financière.»

David Harvey, chef du Swiss Desk auprès du cabinet international Watson, Farley & Williams, estime également que la réaction du gouvernement suisse a été saine. «Il s’agissait de donner un signal fort. Le gouvernement a voulu restaurer la confiance des ménages suisses et stabiliser le système dans son ensemble.»

Place financière suisse ternie

Si la Suisse semble pour le moment à l’abri d’un gouffre islandais, il est indéniable que la réputation de sa place financière a souffert. En particulier celle d’UBS, remarque Richard Portes, de la London Business School. «Il faudra plusieurs années pour qu’elle retrouve sa crédibilité.»

David Harvey pense aussi qu’il faudra du temps pour redorer l’image de la finance helvétique. Mais en cela, précise-t-il, la Suisse ne diffère pas des autres grands centres financiers, tous frappés par la crise. «Il faudra du temps pour restaurer la confiance en général et la gestion du risque.»

swissinfo, Catherine Ilic à Londres

Ce petit pays scandinave de quelque 310’000 habitants avait fait de son secteur financier sa principale source de croissance ces 10 dernières années.

Touchée de plein fouet par la crise financière mondiale, l’Islande est quasiment ruinée. Sa monnaie, la couronne, a perdu 40% de sa valeur depuis janvier et ses trois principales banques, qui ont accumulé des dettes gigantesques, ont dû être nationalisées.

Classée parmi les pays les plus riches du monde il y a encore quelques mois, le pays a été contraint de solliciter un prêt de 2,1 milliards de dollars du Fonds monétaire international pour desserrer l’étau de sa dette.

Le gouvernement a annoncé jeudi dernier plusieurs mesures en faveur du secteur bancaire.

La Confédération décharge le bilan d’UBS d’actifs illiquides pour un montant maximal de 60 milliards de dollars. Ces éléments seront transférés dans une société ad hoc, contrôlée par la Banque nationale suisse (BNS).

Les autorités ont également demandé à Credit Suisse d’augmenter ses fonds propres d’environ 10 milliards de francs.

Enfin, le gouvernement a annoncé qu’il souhaitait mieux protéger les dépôts d’épargne qui ne sont pour l’heure protégés qu’à hauteur de 30’000 francs. Un message au Parlement est en cours d’élaboration en vue de la prochaine session d’hiver.

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