
En Valais, une procession religieuse se réinvente face au recul des glaciers

Dans le petit village haut-valaisan de Fiesch, une procession séculaire s'est adaptée au changement climatique, reflétant l'évolution du lien entre l'être humain et la nature dans les Alpes. Autrefois, les fidèles demandaient la protection de Dieu face à la progression des glaciers; aujourd'hui, on prie pour la sauvegarde des glaces.
Pendant des siècles, à Fiesch, dans la vallée de Conches, on a craint l’avancée des glaciers, et non leur disparition. Ces rivières de glace représentaient une menace pour les pâturages et les maisons. Face à ce phénomène jugé incontrôlable, la population s’en est remise à la foi et a instauré une procession. Mais depuis quelques décennies, c’est désormais le recul des glaces qui inquiète. La procession « anti-glacier » s’est ainsi transformée en un rituel « pro-glacier ».
Un nouveau sens pour une vieille tradition
Herbert Volken, 76 ans, est issu d’une longue lignée familiale de guides de montagne. Lui-même a choisi cette voie. Il raconte à RSI l’origine de la procession, qui se déroule chaque année le 31 juillet: « Un membre de notre famille, Johann Josef Volken, était prêtre à Fiesch. En voyant les glaciers gagner du terrain, il a pris peur et a dit: ‘La technique est impuissante, seul Dieu peut nous venir en aide.' »
« Nous avons commencé à nous demander ce que nous pouvions faire pour que le glacier recommence à grandir. La réponse a été: continuons à prier, à faire la procession, mais changeons le voeu », poursuit le Haut-Valaisan. En 2009, après un long parcours bureaucratique, Herbert Volken a obtenu une audience auprès du pape Benoît XVI et l’approbation pour réorienter l’aide divine.
Aujourd’hui, la procession prie pour la préservation du glacier. « Les glaciers sont très importants. La glace, c’est de l’eau, et l’eau, c’est la vie. On ne peut pas survivre sans cette ressource essentielle. Le tourisme dépend des glaciers, tout comme la production d’énergie et notre travail à nous, guides de montagne », poursuit Herbert Volken.

L’importance de la religion dans les régions alpines
Le rapport entre les populations des régions alpines et la religion est un sujet complexe, souligne Daria Pezzoli-Olgiati, historienne des religions et professeure à l’Université de Munich: « Les Alpes sont un environnement hostile pour la vie quotidienne. Les expressions religieuses, dans leur diversité, montrent comment on essaie de donner un sens à cette tension entre la beauté des Alpes et la fragilité du corps humain dans cet univers. »
Les pratiques religieuses s’adaptent au fil du temps, note aussi Daria Pezzoli-Olgiati: « L’idée que la religion est quelque chose d’immuable ne correspond pas à ce qu’on observe. Tout comme chaque génération s’adapte à son environnement, la religion suit les gens et fait preuve d’une grande capacité d’innovation. »
La procession de Fiesch, passée d’un rite visant à freiner l’avancée du glacier à une prière pour sa sauvegarde, incarne de manière concrète la façon dont les communautés alpines donnent un sens aux bouleversements environnementaux, en adaptant leurs traditions séculaires aux défis actuels.

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Traduit par la rédaction de la RTS

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