
Le Premier ministre français a remis sa démission à Macron

Déflagration politique: quelques heures à peine après avoir formé son gouvernement, Sébastien Lecornu a remis lundi sa démission au président français Emmanuel Macron. Il s'agit du gouvernement le plus bref de la Ve République, à peine plus d'une douzaine d'heures.
(Keystone-ATS) Le locataire de Matignon, nommé le 9 septembre et qui devait tenir son premier Conseil des ministres à la tête du gouvernement à 16h00, s’est rendu aux premières heures de la matinée à l’Elysée pour remettre sa démission au président, qui l’a acceptée, selon un communiqué de l’Elysée. Ce départ plonge la France dans une crise politique sans précédent depuis des décennies.
Sébastien Lecornu était le troisième Premier ministre désigné en un an, après que la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 a donné lieu à un hémicycle ingouvernable, divisé en trois blocs très polarisés. Très proche d’Emmanuel Macron, il s’est retrouvé fragilisé alors qu’il venait de composer dimanche soir un gouvernement de 18 ministres, dont 12 sortants reconduits dans leurs portefeuilles.
Républicains mécontents
Très remonté face à une composition qui «ne reflète pas la rupture promise», le patron de LR Bruno Retailleau, lui-même reconduit à l’Intérieur, avait immédiatement convoqué en urgence le comité stratégique du parti gaulliste, qui se tiendra à 11h30.
En cause, selon plusieurs sources: le retour surprise aux Armées de Bruno Le Maire, symbole pour la droite du dérapage budgétaire des dernières années de gouvernements macronistes; ou encore la large part réservée à Renaissance dans la répartition du gouvernement – avec 10 ministres, contre 4 à LR.
Plusieurs cadres du camp présidentiel envisageaient même déjà, dimanche soir, l’hypothèse de voir la droite sortir du gouvernement. Quant au chef des centristes de l’UDI, Hervé Marseille, il s’est montré très déçu auprès de l’AFP, estimant que «les choix effectués par le Premier ministre redonnent à l’UDI sa liberté».
Dissolution?
Mais plusieurs voix du camp central, comme le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot (Modem) ou la nouvelle porte-parole Aurore Bergé (Renaissance) avaient appelé lundi au calme, refusant sur France Inter «une forme de chantage» pour le premier, en appelant sur France 2 «au sens de l’Etat» de Bruno Retailleau pour la deuxième.
Presque simultanément à l’annonce de cette démission, le président du Rassemblement national Jordan Bardella a appelé Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale et provoquer de nouvelles législatives anticipées.
«Il ne peut y avoir de stabilité retrouvée sans un retour aux urnes», a-t-il déclaré en arrivant au siège du parti d’extrême droite pour évoquer la situation avec Marine Le Pen, avant une réunion de groupe prévue à 17h à l’Assemblée nationale.
Opposition scandalisée
Quant au leader de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, il a demandé l’examen «immédiat» d’une motion de destitution du président de la République.
«Recyclage», «provocation», «bras d’honneur», «déni de démocratie», choix «effarant et inexplicable» ou «insultant»… L’exaspération s’était fait sentir dans tous les partis d’opposition dimanche, avivant le spectre d’une censure rapide.
Le PS d’Olivier Faure avait à nouveau promis lundi matin de faire tomber le gouvernement sauf à obtenir un nouveau débat parlementaire sur la réforme des retraites. Jean-Luc Mélenchon avait dès dimanche dénoncé la nomination d’un «cortège de revenants à 80% de LR et anciens LR» qui «ne tiendra pas».
«A quoi jouent les macronistes? Leur obstination plonge chaque jour un peu plus le pays dans le chaos», avait pour sa part raillé le chef des députés PS Boris Vallaud.
La rupture du 49.3
Acculé, Sébastien Lecornu avait défendu, lui, un gouvernement sans «surprise», qui «rassemble et ressemble au socle commun qui nous soutient au Parlement».
Quant à la «rupture» promise dès son premier jour en poste, le Premier ministre avait tenu à clarifier: «Sans 49-3, le Parlement aura le dernier mot: la vraie rupture est celle-là», a-t-il écrit sur X dans la soirée de dimanche, en référence à sa volonté de se priver de l’outil constitutionnel permettant de faire passer des lois sans vote à l’Assemblée.