
Les Farc parachèvent leur mue politique en Colombie

(Keystone-ATS) L’ex-guérilla des Farc a parachevé sa mue en parti politique vendredi en Colombie à l’issue de son premier congrès. Son chef Rodrigo Londoño a publiquement demandé pardon et proposé un gouvernement de transition pour 2018, destiné à bétonner l’accord de paix.
Sur la place Bolivar, au coeur de Bogota et à quelques mètres du palais présidentiel, des milliers de sympathisants de ce qui fut la principale rébellion du continent américain ont souhaité la bienvenue à ce parti Fuerza Alternativa Revolucionaria del Común (Farc – Force alternative révolutionnaire commune, ndlr). Le mouvement rebelle marxiste a ainsi modifié son nom tout en conservant son acronyme.
Accueilli par la foule scandant « Timo, Timo », le chef suprême des Farc, Rodrigo Londoño alias « Timochenko », a reçu sur scène un bouquet de roses rouges, le nouvel emblème du parti de l’ex-guérilla marxiste. « Nous laissons les armes pour faire de la politique par des voies pacifiques et légales, nous voulons construire avec vous tous et toutes un pays différent », a-t-il déclaré.
« Paix et amour fraternel »
Rodrigo Londoño a de nouveau demandé pardon pour les milliers de crimes commis durant plus d’un demi-siècle de confrontation fratricide. « Nous n’hésitons pas à tendre la main en signe de pardon et de réconciliation, nous voulons une Colombie sans haine, nous venons prôner la paix et l’amour fraternel entre compatriotes », a-t-il affirmé.
Il a réitéré la proposition d’un gouvernement de transition. Il entend appuyer à l’élection présidentielle de 2018 un candidat qui garantisse l’application de l’accord de paix signé en novembre avec le président Juan Manuel Santos, après quatre ans de négociations à Cuba. « Nous soutiendrons résolument (un candidat) qui sera disposé à blinder (l’accord), à empêcher qu’il soit affecté », a-t-il rappelé.
Les mêmes causes
Réunis en congrès depuis dimanche à Bogota, plus de 1200 délégués ont défini la ligne, les statuts, le nom et l’emblème du mouvement, une rose rouge avec une étoile à cinq branches en son centre et les lettres Farc en vert. Ce parti aura un « caractère global », consacré à tous les secteurs de la société, avait déclaré plus tôt l’ex-commandant guérillero Pablo Catatumbo lors d’une conférence de presse.
Rodrigo Londoño a appelé à former « un mouvement de mouvements » pour les causes de l’ex-guérilla: justice sociale, réforme agraire, éducation et santé gratuites pour tous. Il a mis l’accent sur la lutte contre la corruption et le patriarcat, pour l’intégration des populations marginalisées, comme les noirs et les indigènes, sans toutefois se réclamer du communisme des ex-Farc.
Pablo Catatumbo a précisé que les candidats seraient désignés prochainement par la direction nationale du parti, puis inscrits en novembre auprès des autorités électorales. Elue par le congrès, la direction compte 111 membres.
Justice spéciale de paix
L’accord de paix garantit à la Farc cinq sièges dans chacune des deux chambres du Parlement, pour deux mandats. Mais ces députés et sénateurs désignés devront se présenter aux élections, l’ex-guérilla espérant alors accroître sa représentation.
« Nous avons intégré la vie politique légale parce que nous voulons être un gouvernement ou en faire partie », a ajouté Ivan Marquez, ex-chef négociateur de l’accord de paix.
Tout en intégrant la vie politique, les ex-guérilleros vont devoir répondre de leurs crimes devant la justice spéciale de paix. Celle-ci prévoit des peines alternatives à la prison s’ils disent la vérité, dédommagent les victimes et s’engagent à ne plus avoir recours à la violence.
Fondées en 1964, les Farc ont abandonné la lutte armée et remis plus de 8000 armes aux termes des accords de paix conclus il y a un an avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos. L’accord a mis fin à un conflit qui aura duré un demi-siècle et coûté la vie à plus de 220’000 personnes.