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Les musées, contemplation ou consommation?

Le Kunsthaus de Zurich a également placé sa boutique en ligne avec commande possible. Keystone

Les musées ne sont plus seulement des lieux de contemplation, d’apprentissage et de découvertes. Nombre d’entre eux agrandissent leur «shop» et le public en redemande, surtout avant Noël, surtout en Suisse alémanique. Petit tour d’horizon.

«Vous cherchez un cadeau? Jetez un coup d’œil dans nos deux Art Shops.» Non, ce n’est pas la petite annonce d’une échoppe connue ou méconnue. C’est la Fondation Beyeler de Riehen (Bâle-Ville) qui propose cette activité originale, sur son site Internet et par courriel auprès de ses abonnés.

Car les magasins de musées, souvent dits «shops», ont le vent en poupe. Et un vent digital certain. Le Kunsthaus de Zurich a également placé sa boutique en ligne avec commande possible. Le Musée du design Vitra à Weil-am-Rhein, la célèbre institution dédiée aux meubles de Charles et Ray Eames et au design contemporain, tout près de Bâle, aussi. Or c’est là qu’une nouvelle conception du magasin de musée a été inaugurée, en février dernier.

La «Maison Vitra» ou «VitraHaus» est en effet d’abord une galerie d’exposition, colorée à souhait, ludique et… suffisamment commerciale puisque le visiteur peut commander, grâce à une carte digitale personnalisée, dans chaque espace, le meuble, l’objet, qui lui plaît.

Au bout du parcours, une boutique l’attend, puis le café et ses délicieux gâteaux. Résultat: le nombre de visiteurs est passé de 80’000 en moyenne à 300’000 pour 2010.

Dessinée par les architectes Herzog & de Meuron, impressionnant avec ses maisons habilement superposées, le nouveau bâtiment offre un parcours coloré et ludique. Devant le succès, le café a déjà dû s’agrandir, explique Manuela Jennings, chargée de communication.

Les spécialistes du design ne sont pas les seuls – ni les premiers – à proposer des articles à la vente dans un «shop» spécialement conçu pour coller au contenu de l’institution. Dans son édition de juin, le magazine Museen Basel rappelait que les premières boutiques avaient fait leur apparition dans les musées européens dans les années 60.

Pour mettre en œuvre «sa vaste ambition de réunir art, design et architecture», le Museum of Modern Art (MoMA) de New York l’avait fait dès son ouverture, explique – dans le magazine cité – le commissaire d’exposition Martin Schwander. Actuellement, nul besoin d’aller à New York: les articles du MoMA sont en vente, pour la période de Noël, dans une luxueuse chaîne suisse…

Pièces spécialement aménagées

A la Fondation Beyeler de Riehen, qui présente l’exposition «Vienne 1900» autour de Klimt et Schiele, une pièce entière a été transformée en boutique spéciale, en plus de l’échoppe usuelle. Idem au Kunsthaus de Zurich, pour l’exposition Picasso: un espace spécial accueille le visiteur à l’entrée. La boutique officielle reste au rez-de-chaussée.

Tant Catherine Schott, porte-parole de la Fondation Beyeler, que Björn Quellenberg, son homologue du Kunsthaus de Zurich, soulignent l’importance de ces vitrines en termes de rentrées financières, mais aussi d’image auprès des visiteurs. «Nous nous autofinançons à plus de 70%, explique Catherine Schott. Il est donc très important de pouvoir compter sur ces revenus.»

En 2009, chez Beyeler, la boutique a rapporté 3,8 millions de francs, sur des rentrées totales de 17,4 millions. Près de la moitié des ventes du magasin sont générées par les livres et 26% par les cartes postales, les posters et les éditions spéciales – le reste n’est pas précisé dans le rapport annuel. Au Kunsthaus de Zurich, les «ventes de marchandises» ont rapporté 1,3 million en 2009 sur des rentrées totales de 18 millions de francs.

Soupes et friandises

En comparaison, la boutique consacrée à Andy Warhol (installée dans la librairie du Kunstmuseum de Bâle) est bien plus foisonnante. Grâce à l’artiste américain, le musée peut en effet vendre … des soupes Campbell ou des boîtes de confiseries en forme de banane.

«Les boîtes de soupe ont toutes été vendues en une semaine dès l’ouverture, dit le responsable de la librairie, Dario Galloni. Les confiseries sont peut-être, en revanche, trop chères. Nous faisons nos choix en fonction des expositions, et toujours en fonction de la qualité des objets. Avec Warhol, nous avions une offre surabondante. Pour une exposition sur les vieux maîtres flamands, c’est plus difficile…».

Le responsable insiste: «La surface des livres a diminué, mais elle ne doit en aucun cas disparaître!»

L’extension de ces points de vente ne se fait-elle pas au détriment des surfaces d’exposition? «Non, répond Catherine Schott. Le concept architectural de Renzo Piano, qui a prévu la boutique dès le départ, est très flexible et nous pouvons, selon les besoins de l’exposition temporaire, montrer plus ou moins de pièces de la collection permanente.»

Et si le musée vendait… ses oeuvres?

Mais où est la limite entre promotion de l’art, voire message didactique, et commercialisation à outrance, surtout lorsque les objets en vente se mangent ou se boivent? Les responsables interrogés insistent tous sur la nécessité de proposer des objets de qualité.

Dans Museen Basel, Martin Schwander espère qu’on n’en viendra pas, en Europe, au phénomène déjà en cours aux Etats-Unis de «deaccession», soit la vente des biens du musée lui-même…

L’emblème du Vitra Design Museum de Weil-am-Rhein (Allemagne), près de Bâle, était jusqu’ici le bâtiment de Frank Gehry. Un nouveau bâtiment est apparu en février: la «VitraHaus», dessinée par Herzog & de Meuron, habile superposition de surfaces qui sont autant de maisons.

Le nouveau bâtiment héberge la collection Vitra, mais est aussi un voyage à travers l’histoire du design.

Au rez-de-chaussée, une boutique offre des souvenirs exclusifs et différents articles, pour plus ou moins toutes les bourses.

Le café a un succès tel qu’il a déjà dû s’agrandir.

Le campus Vitra est ainsi conçu qu’il invite les architectes de renom à concevoir chacun un bâtiment. Outre Herzog & de Meuron et Frank Gehry, Tadao Ando, Nicholas Grimshaw, Alvaro Siza et Sanaa, entre autres, ont dessiné pour Vitra.

La Fondation de l’Hermitage à Lausanne a aussi sa boutique. «Mais nous préférons une sélection très pointue, axée sur les livres, aux produits dérivés, qui comptent pour environ 20% de notre assortiment», explique Emmanuelle Boss, porte-parole.

Le musée pour la photographie l’Elysée à Lausanne donne aussi la priorité aux livres. Mais cela pourrait changer. L’aménagement d’une cafétéria, au printemps prochain, permettra d’élargir le choix des articles vers du non-livre, dit-on à l’Elysée, sans plus de détails.

Même le Musée romain d’Avenches, malgré une entrée des plus menues, a une mini-boutique en face de la caisse.

«Nos articles rencontrent un grand succès, explique la nouvelle directrice du musée Marie-France Meylan-Krause. L’accueil du public est très important aujourd’hui, de même que d’offrir la possibilité de consulter livres, revues, dans un cadre agréable.»

«La boutique est la vitrine du musée, poursuit la directrice. Nous aimerions bien l’améliorer, mais pour l’heure, c’est impossible!»

Ici, pas de Père Noël en toge, mais, par exemple, des centurions taille-crayons… 

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