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Nilda Fernandez, profession: électron libre

Nilda Fernandez, c'est tout à la fois la conjugaison de la chanson et de la danse, de la France et du Flamenco, du féminin et du masculin. Keystone

Les sixièmes Francomanias se sont achevées samedi soir avec les Parisiens de Tryo. Pour le plaisir de l’émotion, retour sur le concert que Nilda Fernandez et ses musiciens ont donné à Bulle.


Le récital s’ouvre par «Les anarchistes», de Léo Ferré. Tout un symbole. Puis continue par «Dis, quand reviendras-tu» de Barbara, avant de bifurquer sur «J’y pense et puis j’oublie» de Claude François. Oui, Clo-Clo, l’homme du «Lundi au soleil». Et c’est, de la part du chanteur franco-espagnol, une provocation assez réjouissante que d’oser faire se côtoyer, sur scène comme sur son dernier disque intitulé «Mes hommages», les fantômes de l’anar imprécateur, de la louve solitaire et de l’énervé de la variété.

C’est alors que le spectacle bascule dans un répertoire franchement hispanique, avec notamment plusieurs chansons tirées de «Castelar 704», le disque que Nilda Fernandez a consacré au poète Federico Garcia Lorca. Un guitariste et une danseuse de flamenco, loin des clichés touristiques du genre, font monter la température dans la salle.

En 1992, lors du premier passage de Nilda Fernandez, un journaliste avait écrit: «On le sait depuis vendredi soir, le plus grand chanteur français vivant mesure 1m60 et il est espagnol». Et il est vrai que ce soir-là, Nilda Fernandez avait déjà fait exploser la salle, et convaincu les plus réticents, même ceux qui le prenaient pour une ballerine ibérique perdue dans les méandres du show-biz français.

Huit ans plus tard, son talent est intact. Avec, toutefois, un peu moins de cette fragilité à fleur de peau qui rendait sa puissance scénique si paradoxale, si prenante.

Par ailleurs, il le reconnaît lui-même, il vient de traverser une crise créative. Plutôt que de «courir les modes et le format, comme on dit dans les radios», plutôt que de jouer le jeu de la variété actuelle qu’il semble exécrer, il a donc préféré se ressourcer ailleurs. D’où Lorca, Ferré et les autres… Honnêteté qui l’honore.

Nilda Fernandez est l’homme du libre choix. Profondément espagnol, mais optant pour la chanson française. Puis chanteur français revenant à l’espagnol. Né homme, mais se choisissant un prénom à consonance féminine. Voix féminine, mais prenant des attitudes de torero quand les projecteurs s’allument.

«Electron libre? Je préfère ça à neutron, je n’aimerais pas être neutre. Libre, oui. Mais je n’en ai pas toujours été sûr: il ne suffit pas de le dire, il faut en être capable. La plus grande liberté qu’on puisse acquérir, c’est déjà de se libérer de soi-même. On est prisonnier de soi avant d’être prisonnier des autres». Nilda Fernandez, un électron libre, donc. Et lucide.

Bernard Léchot

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