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Nouvelle loi radio-TV: chaud débat en perspective

Bisbilles autour de la future loi au Palais fédéral. Keystone

La nouvelle loi sur la radio et la télévision a pour but de tenir compte de la réalité actuelle des médias. Pourtant, le message sur lequel le Parlement se prononce la semaine prochaine est très contesté.

Droite et droite dure veulent renvoyer le gouvernement à sa copie.

Presque 90% des foyers suisses sont connectés au réseau câblé. Les consommateurs de médias ont ainsi le choix entre une cinquantaine de programmes.

Et avec l’arrivée de la technique digitale, cette offre pourrait bientôt représenter une centaine de programmes.

Au cours des dix dernières années, les satellites et Internet ont également bouleversé les médias électroniques, qui se retrouvent de fait dans un monde en pleine évolution.

Ces changements techniques font que les habitudes de consommation du public sont en train de changer. Ce d’autant que le public suisse, de par la multiplicité des langues nationales, semble prédestiné à regarder les chaînes des télévisions françaises, italiennes ou allemandes.

Une loi contre l’érosion

Le marché suisse est beaucoup trop petit pour assurer la survie d’une multiplicité de programmes. Depuis que les grands pays européens ont dérégulé le marché des médias, dans les années 80, la production nationale suisse a sensiblement perdu du terrain.

La nouvelle loi sur la radio et la télévision (LRTV) vise à assurer le maintien d’une production nationale de programmes de radio et de télévision de haute qualité. Par ailleurs, bien que le principe d’un service public fort soit réaffirmé, il s’agit également d’assouplir les règles pour les diffuseurs privés.

Actuellement, en Suisse, il n’est pas possible de rentabiliser un diffuseur privé. En effet, le droit en vigueur leur impose des handicaps très importants par rapport à leurs concurrents étrangers.

Ces dernières années, trois diffuseurs privés ont tenté de proposer une offre pour l’ensemble de la Suisse alémanique (Tele 24, TV3, RTL-PRO7). Aucun n’a survécu.

«Il s’agit de créer de meilleures conditions pour les privés», dit Martin Dummermuth, vice-directeur de l’Office fédéral de la communication (OFCOM). Comme le diffuseur national SRG SSR idée suisse, ces privés devraient pouvoir profiter de la redevance de réception pour la radio et la télévision (splitting de la redevance).

La LRTV prévoit en plus de permettre aux privés de trouver de nouvelles méthodes de financement. Les règles en matière de publicité seraient ainsi adaptées aux normes européennes, par exemple en ce qui concerne les interruptions de programme ou la publicité pour l’alcool.

Last but not least, la LRTV permet de «gérer les nouvelles technologies avec des règles adéquates», plaide Martin Dummermuth. Notamment en matière d’infrastructures et de multiplication des programmes.

Selon lui, la critique qui voudrait que les nouvelles technologies ne soient pas prises en compte par la nouvelle loi est infondée. «Elle permet justement de se pencher sur toutes les technologies, même sur celles que l’on ne connaît pas encore à l’heure actuelle», juge le vice-directeur de l’OFCOM.

Une loi attaquée de tous les côtés

La semaine prochaine, la nouvelle loi connaîtra son épreuve du feu. Et le premier obstacle sera le plus difficile. Il s’agira en effet de savoir si le projet sera traité par le parlement ou s’il sera renvoyé au gouvernement.

«Beaucoup trop de paragraphes», clament à l’unisson le Parti radical (PRD, droite) et l’Union démocratique du centre (UDC, droite dure). Ces deux partis se sont donc prononcés pour un renvoi du dossier au gouvernement.

Selon l’UDC, la nouvelle loi est trop bureaucratique et ne va pas dans le sens d’une approche libérale du marché. Le PRD craint de son côté de trop grandes restrictions pour la publicité. A ses yeux, les règles risquent d’être renforcées plutôt qu’assouplies, ce qui serait préjudiciable, même à la SSR.

La SSR, justement, ne cache pas qu’elle n’est pas très satisfaite de ce projet, qui limiterait ses possibilités dans le secteur publicitaire, principalement dans le domaine du sponsoring.

La SSR ne veut cependant pas d’un renvoi au gouvernement, car elle juge que les grandes lignes de la LRTV sont judicieuses. «C’est pourquoi nous allons mettre l’accent sur des corrections ponctuelles lors du débat à la Chambre basse, puis, éventuellement, plus tard, à la Chambre haute», déclare Armin Walpen, directeur général de SRG SSR idée suisse.

Les privés réclament davantage

Les privés ne sont pas non plus satisfaits de la LRTV. Ils ont en effet le sentiment qu’ils n’obtiendront que les «miettes» de la redevance.

Les privés réclament par ailleurs davantage de liberté dans le domaine de la publicité. A leurs yeux, le projet de nouvelle loi est encore trop éloigné des réalités actuelles du marché.

L’Association suisse de la presse s’est quant à elle clairement prononcé contre un renvoi au gouvernement. Mais, comme la SSR, les éditeurs demandent eux aussi quelques modifications.

Finalement, seuls les Socialistes, les Démocrates-chrétiens (PDC, centre-droit), les écologistes et les deux petits partis d’inspiration chrétienne se battront pour le projet de loi tel qu’il est soumis au Parlement.

Sera-ce suffisant pour sauver le projet? Pour l’heure, personne ne se risque à un pronostic.

swissinfo, Christian Raaflaub
(traduction: Olivier Pauchard)

– En Suisse, le marché des médias se distingue de celui des pays limitrophes.

– Première grande différence: le taux d’écoute des chaînes étrangères y est proportionnellement bien plus important. Grâce à la diffusion par câble, les programmes étrangers représentent 60% de la consommation télévisuelle.

– Deuxième grande différence: en Suisse, le service public a réussi à conserver une position prédominante.

– SRG SSR idée suisse propose sept programmes TV et 18 programmes radio (10 généralistes et 8 thématiques).

– La concurrence privée est beaucoup moins développée qu’à l’étranger. Il existe une dizaine de TV privées. Mais elles ne disposent souvent pas d’une programmation complète.

– La plupart d’entre elles ne produisent qu’un peu plus d’une heure de programmes par jour, qui est ensuite diffusée en boucle. Les radios privées enregistrent davantage de succès, notamment grâce à leur traitement de l’actualité locale.

– Le marché publicitaire suisse est également convoité par les chaînes étrangères. Concernant le marché francophone, la chaîne privée française M6 pratique des «décrochages» publicitaires spécifiques pour la Suisse. Des chaînes allemandes font de même en Suisse alémanique.

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