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La loi sur l’asile frustre la gauche et la droite

En Suisse, les requérants d'asile sont confrontés à une politique toujours plus sévère. Keystone

Les députés ont décidé mercredi de serrer la vis en matière de droit d’asile. Seul signe d’ouverture: ils ont accepté que l’admission pour raisons humanitaires soit inscrite dans la loi.

Pourtant, cette révision de la législation ne convainc ni la gauche ni la droite.

La députée socialiste Hildegard Fässler est catégorique. «Par rapport à la situation actuelle, la nouvelle loi sur l’asile induit un durcissement massif».

Cela étant, ce constat de la présidente du groupe parlementaire PS n’a pas empêché la majorité de son parti d’avaliser la révision de la loi. Révision acceptée par 98 élus du Conseil national (Chambre du peuple) contre 49, et 30 abstentions.

Trop molle ou trop dure

Si son parti a avalé la pilule, c’est pour une bonne raison, estime la socialiste. La majorité du Parlement a en effet accepté de reconnaître l’admission pour raisons humanitaires.

«Ce point était tellement important pour nous, explique Hildegard Fässler, qu’en l’occurrence, il nous a semblé souhaitable d’accepter la révision de la loi – malgré son durcissement».

Ce durcissement, l’Union démocratique du centre (UDC – droite dure) le trouve insuffisant. «Le bilan est largement négatif», estime le président du groupe parlementaire UDC.

Aux yeux de Caspar Baader, le centre et la gauche ont mis tout leur poids pour empêcher que le plénum ne durcisse le projet de la commission préparatoire. Et ce, «sur des points importants».

«Selon nous, l’admission pour raisons humanitaires offerte aux requérants d’asile déboutés est simplement inacceptable», martèle aussi Caspar Baader.

Celui-ci craint en effet qu’une large partie des requérants puissent bénéficier de ce statut. Un argument qui a poussé nombre de députés UDC à voter blanc sur l’ensemble de la révision.

Une admission humanitaire

Concrètement, l’admission pour raisons humanitaires concerne des gens qui n’ont pas obtenu l’asile en Suisse, mais qui ne peuvent raisonnablement être renvoyés dans leur pays d’origine (guerre, persécutions).

L’Office fédéral des réfugiés pourra ainsi ordonner une admission humanitaire qui permettra à ces personnes de travailler et de faire venir leur famille. Environ 3000 hommes et femmes devraient entrer dans cette catégorie chaque année. Ce qui correspond à quelque 15% des requérants d’asile.

C’est au Parti démocrate-chrétien (PDC – centre-droit) qu’il revient d’avoir donné l’impulsion nécessaire pour permettre à ce nouveau principe de passer la rampe des députés.

«En introduisant l’admission humanitaire, la majorité du Conseil national a montré son souci humanitaire», indique Ruedi Lustenberger, président du groupe parlementaire PDC.

Un moyen de pression

Reste que dans l’ensemble, les députés ont donné un sérieux tour de vis à la politique d’asile helvétique.

Au centre de ce durcissement: la suppression de tout ou partie de l’aide au développement pour les pays qualifiés de non-coopératifs. Autrement dit, les Etats qui rechignent à reprendre leurs ressortissants.

Une petite majorité s’est prononcée en faveur de cette mesure. Mais les services du Conseiller fédéral Christoph Blocher travailleront encore à en préciser la définition avant son passage devant le Conseil des Etats (Chambre des cantons).

Autre précision: en fonction de la décision de mercredi, le Conseil fédéral sera contraint de conclure des accords de rapatriement avec tous les Etats d’origine des requérants.

Le principe de l’Etat tiers

La Chambre du peuple a également entériné le principe de l’Etat tiers. En clair, Berne n’entrera plus en matière sur les dossiers des demandeurs d’asile qui auront tenté sans succès d’obtenir l’asile dans les pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen.

L’UDC aurait voulu davantage. Comme dans sa dernière initiative sur l’asile (2002), le parti souhaitait élargir la mesure à l’ensemble des requérants ayant transité par un pays jugé sûr. Mais la majorité a rejeté la proposition.

Par contre, les députés ont accepté de serrer la vis aux requérants se plaçant dans l’illégalité. Le permis d’établissement (obtenu après un séjour de cinq ans) leur sera refusé dans ce cas.

Entrent dans cette catégorie les personnes condamnées à une privation de liberté d’au moins un an (condamnation pour crime, viol, trafic de drogue ou d’humains, blanchiment d’argent ou terrorisme).

Un débat difficile

Ces dix-huit heures de débats ont donné lieu à de belles empoignades entre gauche et droite et à pas moins de 80 motions.

«La rage contre ces gens (les requérants, ndlr) m’étonne», confiait, à l’issue de ce marathon, la nouvelle députée des Verts, Geri Müller.

Pour leur part, les œuvres d’entraide se disent indignées par le durcissement de la loi sur l’asile. Le Conseil national n’a montré aucune compréhension pour les plus faibles, estime l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR).

La loi sur l’asile révisée devra maintenant passer devant le Conseil des Etats, où elles pourrait encore subir quelques modifications.

Du côté de la droite, on place de grands espoirs en Christoph Blocher. Le ministre de la justice a en effet promis d’apporter des corrections sur plusieurs points en vue de l’examen par la Chambre des cantons.

Et au cas où cette chambre ne corrigeait pas le tir, l’UDC a déjà annoncé qu’elle lancera un référendum, voire une nouvelle initiative sur l’asile.

swissinfo, Christian Raaflaub
(traduction: Pierre-François Besson)

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