
Forces et faiblesses de l’ONU sous la loupe suisse
Discuter de la position future de la Suisse face à l´ONU est un exercice qui passe forcément par un bilan de l´organisation mondiale. Le colloque organisé sur ce thème à Genève a pour cela donné la parole à des acteurs venus de l´intérieur de la Maison.
Retracer l’histoire des idées qui ont fait les heurs et malheurs des Nations unies est un travail auquel des spécialistes s’attellent depuis quelque temps déjà. Leurs chroniques commencent à être publiées. Ancien secrétaire général adjoint de l’ONU, le Français Yves Berthelot s’en inspire pour apporter un premier éclairage dans ce colloque organisé fin septembre par le Forum suisse de politique internationale.
Les idées fortes de la Charte de l’ONU, qu’il résume sous les quatre titres de paix, indépendance, droits de l’homme et développement, n’étaient pas forcément nouvelles. Mais, précise-t-il, «pour la première fois, elles étaient incarnées dans une institution avec la volonté de faire de ces principes la fondation d’une ère nouvelle».
Dans ces domaines, le bilan est selon lui loin d’être négligeable: «depuis 1945, il y a eu de par le monde 165 guerres, mais on ne peut compter les conflits qui ont été évités grâce à la diplomatie préventive des diplomates de l’ONU, dont certains ambassadeurs de Suisse… On ne peut dénier à l’Organisation un certain succès dans la construction de la paix».
Sur ce thème, Cornelio Sommaruga fournit un intéressant contrepoint. Ce n’est pas que l’ex-président du Comité international de la Croix-Rouge fasse resurgir à la mémoire les terribles tragédies humanitaires qu’il a dû affronter pendant son mandat. Non. Il rend simplement compte d’un travail critique auquel il vient de participer à la demande de Kofi Annan.
Le secrétaire général de l’ONU l’avait en effet impliqué dans un groupe d’experts internationaux chargés de passer sous la loupe la façon dont les Nations unies gèrent leurs opérations de paix. On n’ira pas dans le détail de leur rapport, mais, à en croire Cornelio Sommaruga, ils ont eu droit à «beaucoup de surprises» et à «quelques frustrations devant la bureaucratie onusienne». Ils y ont découvert des «incohérences intolérables».
«Pour donner une chance à la paix, explique Cornelio Sommaruga, il faut avoir la volonté de changer vite et bien.» Il faut que le Conseil de sécurité donne des «mandats clairs, crédibles et réalistes» et que les États démontrent «des engagements effectifs et non seulement de vagues promesses verbales».
Dans un autre registre, c’est à peu près le même langage que tiennent deux diplomates invités par le Forum suisse de politique internationale. Le ministre japonais Makoto Katsura, par exemple, n’hésite pas à prédire que le Conseil de sécurité ne fonctionnera plus si on ne change pas ses structures qui datent d’une autre époque.
Selon lui, des réformes s’imposent au sein du Conseil de sécurité qui doit mieux refléter les nouvelles donnes géostratégiques du monde actuel. A réformer aussi le système de cotisations de l’ONU tout comme ses activités dans le domaine du développement.
L’ambassadeur brésilien Celso Amorim, qui a personnellement présidé ce Conseil en janvier 1999, constate lui aussi que l’ONU connaît des problèmes de légitimité et d’efficacité. Les volontés politiques y sont asymétriques: là on intervient, ailleurs on reste passif. D’où sa conclusion: «la force des Nations unies, c’est le droit; la faiblesse, c’est le pouvoir».
Bernard Weissbrodt

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