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Le soutien ambigu de la Suisse au pacte mondial sur les migrations

Mur anti-migrant aux USA
En 2017 à San Diego, ville californienne frontalière du Mexique, des entrepreneurs présentent 8 prototypes pour le mur anti-migration proposé par le président Donald Trump. Par décret, son successeur Joe Biden a mis un terme à ce projet déjà fortement ensablé. Copyright 2017 The Associated Press. All Rights Reserved.

Le Conseil fédéral l’a annoncé ce mercredi: le pacte onusien concorde «avec les priorités de la politique migratoire de la Suisse».  Mais comme en 2018 lors de la signature du texte par 152 Etats, le gouvernement veut que le parlement se prononce avant de signer le Pacte. Un choix périlleux.

L’argumentaire du gouvernement présenté mercredi est quasiment le même que celui de 2018. «En approuvant le Pacte de l’ONU sur les migrations, la Suisse ne prend pas de nouvel engagement politique ou financier», souligne le ministère des Affaires étrangères (DFAE) dans sa communication. La Suisse est libre de décider de la forme que peut prendre l’engagement pris en signant cet accord international non contraignant. «Le Pacte de l’ONU sur les migrations constitue une plateforme commune et donc une bonne base de coopération», affirme le Conseil fédéral.

«C’est une bonne chose que cette question soit remise sur la table», reconnaît Carlo Sommaruga, député socialiste à la Chambre haute du Parlement suisse. Le parlementaire genevois conteste néanmoins la manière de faire, à savoir de conditionner une nouvelle fois la signature du pacte par le gouvernement au débat parlementaire sur le sujet.

Le communiquéLien externe du DFAE précise en effet qu’«à l’issue des délibérations parlementaires, le Conseil fédéral se prononcera définitivement sur l’approbation par la Suisse du Pacte de l’ONU sur les migrations, conformément aux prescriptions du droit constitutionnel.»

Image de la Suisse en jeu

Membre de la commission de politique extérieure du Conseil des États, Carlo Sommaruga rappelle que la signature de ce pacte non contraignant est une prérogative du gouvernement qui ne nécessite pas de ratification. «Que fera le gouvernement si le parlement se prononce contre l’adhésion de la Suisse au pacte onusien? L’image de la Suisse à l’ONU est une nouvelle fois en danger.»

«Tout ce qui vient de l’ONU n’est pas nécessairement bon à prendre», rétorque le parlementaire de l’Union démocratique du centre (UDC / droite souverainiste) Yves Nidegger, qui confirme que son parti combattra l’adhésion de la Suisse au pacte onusien.

Selon Carlo Sommaruga, les chambres fédérales pourraient achever l’examen du texte et se prononcer en septembre prochain. Mais rien ne dit qu’une majorité se dégagera en faveur de l’adhésion au Pacte. Berne aurait très bien pu, cette fois-ci, signer le texte avant le débat parlementaire, estime le sénateur socialiste.

«Malaise grandissant»

D’autant que ce pacte est le fruit d’un engagement résolu de la diplomatie suisse. L’ambassadeur Jürg Lauber s’était fortement mobilisé avec son homologue mexicain Juan José Gomez Gamacho pour faire aboutir un texte aussi consensuel que possible. Un chef d’œuvre de «soft law» dépourvu des contraintes d’un traité international classique.

C’est précisément ce type d’engagement non contraignant que dénonce Yves Nidegger: «Ces déclarations internationales ne nécessitant pas de ratification suscitent un malaise grandissant au sein du parlement. Elles finissent par s’imposer aux Etats comme une convention internationale, sans que les parlements puissent intervenir.»

Ce risque est particulièrement élevé avec le Pacte onusien sur les migrations, puisqu’il mélange, selon Yves Nidegger, les questions migratoires avec la Convention sur les réfugiés dans son préambuleLien externe.

Volte-face des Etats-Unis

Le Conseil fédéral constate, lui, que «les expériences faites jusqu’ici par les États européens ayant approuvé le Pacte mondial sur les migrationsLien externe montrent que le cadre d’action défini est un instrument efficace pour renforcer la coopération bilatérale et multilatérale dans le domaine migratoire.»

Autrement dit, aux yeux du gouvernement suisse, rien n’est venu confirmer les craintes exprimées en 2018Lien externe par certains parlementaires, à la suite d’une campagne internationale lancée par les milieux identitaires et alimentée par les États-Unis de Donald Trump.

La nouvelle administration américaine vient d’ailleurs d’annoncerLien externe son soutien à la cause en qualifiant le pacte et les instruments permettant d’en développer le potentiel «d’opportunités» permettant aux États-Unis de démontrer au monde qu’ils s’engagent désormais en faveur «des politiques migratoires humaines, ordonnées et justes.» La signature de Washington est donc en vue, d’autant que Joe Biden a soulignéLien externe sa détermination à remettre de l’ordre dans la politique migratoire des États-Unis mise à mal par son prédécesseur.

En 2018, le Conseil fédéral avait cité le refus de Washington de signer le pacte pour justifier sa position attentiste. Aujourd’hui, il n’y a plus guère que la Hongrie de Viktor Orban pour s’opposer au pacte onusien.

L’indécision de Berne sur le sujet (comme sur d’autres dossiers onusiens) n’est pas un atout en faveur de la candidature de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce qui préoccupe certains diplomates suisses, selon une source bien informée.

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