
Comment protéger les castors

Disparus au cours 19e siècle, les castors ont fait un retour discret à la fin des années 50 en Suisse. Réintroduits dans la Versoix, aux confins de Genève et de Vaud, ils se sont mieux réadaptés qu'on ne le pensait. Au point qu'ils ont, peu à peu, colonisé d'autres rivières et qu'on en compte aujourd'hui 350 à 400. Il s'agit maintenant de les protéger.
Les amis suisses du castor ont désormais entre les mains un rapport – élaboré par un service ad hoc de l’Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) – qui précise les buts et les données de base d’une protection coordonnée. Après la réintroduction de ce rongeur, il s’agit maintenant d’assurer sa conservation et celle de son habitat naturel.
Si le castor, il y a plus d’un siècle, avait quasiment disparu des cours d’eau du continent, à l’exception de quelques territoires du Sud de la France, du Nord et de l’Est de l’Europe, c’est parce qu’il était très recherché des chasseurs. Pour sa chair, sa fourrure ou encore son castoréum, une sécrétion glandulaire qui, paraît-il, aurait certaines propriétés de l’aspirine.
Son retour en Suisse, on le doit en particulier à l’initiative de deux naturalistes genevois, Maurice Blanchet et Robert Hainard, tous deux décédés. Leurs efforts pour la réintroduction du castor dans la Versoix, la rivière qui sert de frontière symbole entre Genève et Vaud, relevait du pari et d’une aventure jalonnée d’obstacles en tous genres.
Les castors qui survécurent aux tracas colonisèrent peu à peu la rivière. Quarante ans plus tard, on en trouve sur les rives du Rhône et de l’Arve, jusqu’au centre-ville de Genève. On ne dispose pas de données très précises sur leur population, mais on estime qu’il y en a une trentaine dans le périmètre genevois et environ 350 à 400 sur l’ensemble du territoire suisse.
Stratégies pour une «castor connection»
Les stratégies de protection des castors portent essentiellement sur trois impératifs: maintenir les effectifs existants, relier entre eux les habitats colonisés, et faire en sorte que les habitats potentiels qui ne sont pas encore colonisés leur soient accessibles.
A Genève, explique Denis Pattay, biologiste au Service cantonal des forêts, de la protection de la nature et du paysage, «le castor a trouvé ce qui lui convient en termes de milieux naturels, mais ce qui importe désormais, c’est de lui faciliter le passage d’un milieu à un autre».
Pourquoi? «D’abord pour protéger le patrimoine génétique des espèces, car si on veut pas qu’elles se reproduisent entre elles, il faut que de temps en temps des individus puissent passer d’une communauté à une autre.» Les spécialistes notent aussi que les petits effectifs sont plus vulnérables aux épidémies.
Comme les principales voies de communication du castor sont les cours d’eaux et que ceux-ci sont souvent régulés par des barrages, le coup de pouce écologique aux castors consiste donc à construire des passages, rampes ou aménagements spéciaux qui leur permettent de contourner ces obstacles ou d’autres comme les routes et les voies ferrées.
C’est tout profit pour les autres espèces
A l’Office fédéral de l’environnement, on précise encore que l’objectif de cette protection est de créer une population de castors qui puisse survivre à long terme dans les régions plates de basse altitude et dans les grandes vallées alpines comme celle du Rhône.
Les autres espèces, nous dit-on, en tireraient tout profit. C’est que le castor est très actif. Quand il abat des arbres, par exemple, il crée des conditions de lumière favorables à de nouvelles plantes qui à leur tour servent de nourriture à de nombreuses autres espèces.
Des dégâts? Certes le castor peut en causer. Mais on estime que cela reste dans des proportions tolérables. Les services de protection de la nature n’interviennent que dans des cas exceptionnels. Et rappellent au passage que ce rongeur est purement et simplement végétarien et que les pêcheurs n’ont pas à voir en lui un concurrent déloyal.
Bref, le castor fait un peu symbole de la reconquête paisible et discrète de la nature. A ceux qui lui demandaient à quoi donc sert cet animal, le naturaliste Maurice Blanchet, avait coutume de répondre: «à rien, comme Mozart».
Bernard Weissbrodt

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