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Formés, qualifiés et… pauvres

Les signes extérieurs de l'aisance ne sont plus incompatibles avec le statut de 'working poor'! Keystone

En Suisse, le nombre de «working poor» ne cesse d’augmenter. Une bombe sociale, selon une étude du Fonds national de la recherche.

Désormais, les personnes qualifiées sont aussi touchées. Un phénomène nouveau.

Un «working poor», selon les auteurs de l’étude, est une personne qui travaille et dispose de moins de 1000 francs par mois pour vivre, après paiement de son loyer et de sa prime d’assurance maladie.

En 2001, 250’000 personnes de 20 à 59 ans répondaient à cette définition en Suisse. Si on tient compte des membres de la famille du travailleur pauvre, le chiffre grimpe à 553’000 personnes, dont 232’000 enfants.

Phénomène nouveau

Or ces «working poor» ne sont pas forcément ceux qu’on imagine. Désormais, une bonne formation ne garantit plus un bon salaire. Les personnes qualifiées ne parvenant pas à subvenir à leurs besoins sont de plus en plus nombreuses.

Face à la mauvaise conjoncture économique, ces employés ont fini par accepter peu à peu n’importe quel travail et se sont déqualifiés au cours des années.

En première ligne, on trouve les femmes seules avec enfants, et les étrangers dont les diplômes ne sont pas reconnus en Suisse. Selon l’étude, 59% des «working poor» sont des étrangers et 61% des femmes.

Les chiffres du Fonds national de la recherche correspondent à ceux publiés en novembre 2004 par l’Office fédéral de la statistique. L’OFS constatait alors qu’un travailleur pauvre sur cinq est à la tête d’une famille monoparentale.

Augmenter les salaires

Les «working poor» étant considérés comme des personnes intégrées socialement, leurs problèmes sont souvent sous-estimés ou méconnus.

De plus, l’aide sociale dispose de capacités limitées. Une situation qui ne s’arrange pas avec l’augmentation du nombre de cas.

D’ailleurs, les travailleurs sociaux eux-mêmes confirment les conclusions des chercheurs. Mais, selon eux, réformer l’aide sociale ne suffit pas, il faut aussi augmenter les salaires les plus bas et améliorer les assurances sociales de base.

«Bien sûr, un salaire devrait permettre de vivre décemment, reconnaît Hubert Barde, vice-président de l’Union patronale suisse. Mais il ne faut pas oublier que les entreprises sont confrontées à un certain nombre de limites, comme la rentabilité.»

Une formation mieux adaptée

Interrogé par la Radio suisse romande (RSR) sur les mesures à prendre pour lutter contre le problème spécifique des «working poor» qualifiés, Hubert Barde souligne que «la formation devrait être mieux adaptée aux besoins du marché.»

«Les entreprises ne sont pas responsables des formations inadéquates, ajoute-t-il. En revanche, elles doivent réorienter leurs employés qui occupent un poste ne correspondant pas à leurs qualifications et assurer une formation continue à leurs salariés.»

Le vice-président de l’Union patronale évoque aussi des mesures de politique familiale. «Les crèches peuvent, par exemple, permettre aux couples d’envisager un deuxième salaire ou aux familles monoparentales d’obtenir un salaire plus conséquent.»

swissinfo

En dix ans, le taux de «working poor» est passé de 11% à 17% dans les familles avec plusieurs enfants.
Le taux a doublé chez les célibataires avec enfants, passant de 15% à 30%.
Aujourd’hui, 61% des «working poor» sont des femmes.
59% sont des étrangers.
Le Fonds national a réalisé son étude auprès de 255 travailleurs pauvres et 140 anciens «working poor» à Bâle-Ville et Fribourg.

– «Working poor»: personnes actives et occupées dont le ménage vit sous le seuil de pauvreté (définition de l’OFS).

– Ce seuil atteint 2100 francs par mois pour un ménage d’une personne et 4000 francs pour une famille avec deux enfants.

– En 2003, la part des travailleurs à plein temps qui n’arrivaient pas à subvenir à leurs besoins atteignait 7,4% de la population active, selon l’Office fédéral de la statistique.

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