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Un vaccin qui fait monter la fièvre avant l’heure

Les effets secondaires du vaccin contre le virus H1N1 pourraient s'avérer dangereux, selon certains médecins. Reuters

Le gouvernement suisse va dévoiler vendredi son plan de vaccination contre le virus de la grippe A/H1N1. Mais comme dans d'autres pays, l'opinion est divisée sur la nécessité d'une vaccination collective de la population.

La Commission fédérale pour les vaccinations, la Fédération des médecins suisses (FMH) et Swissmedic, l’autorité suisse de contrôle des produits thérapeutiques, vont annoncer dans une conférence de presse commune les mesures qui seront mises en place pour faire face à la pandémie de grippe A/H1N1.

On s’attend à ce que deux vaccins obtiennent le feu vert de Swissmedic, qui a supervisé les essais dans les laboratoires suisses. Les détails concernant la campagne de vaccination seront gardés secrets jusque-là. Mais quel que soit le résultat de l’annonce de vendredi, un médecin a juré qu’il n’y participerait pas.

Pascal Büchler, médecin de famille à Yverdon-les-Bains et membre de Infovaccine, une association de médecins qui met en garde contre les effets de la vaccination, estime que le vaccin contre le H1N1 n’a pas subi de tests suffisants et a été introduit trop tôt sur le marché.

Conçu trop rapidement

«C’est un vaccin qui a été conçu très rapidement. Nous ne connaissons pas ses effets exactes et nous n’avons pas de preuve quant à sa réelle innocuité». Le docteur Büchler explique que l’agence européenne de médecine a autorisé le vaccin contre la grippe H1N1 dans «des circonstances exceptionnelles» et alors que l’état de pandémie a été proclamé par l’OMC. Les essais cliniques du vaccin contre le H1N1 ont été limités aux adultes et aux personnes âgées, et ses effets à long terme ne sont pas encore connus, estime-t-il.

En raison de cette méconnaissance des effets à long terme et des effets secondaires rares possibles, Swissmedic a créé un site internet où toutes les données concernant le vaccin seront publiées en temps réel. «Le problème, c’est qu’il ne s’agit pas de vacciner un petit nombre de personnes afin de déterminer les éventuels effets secondaires négatifs», affirme Pascal Büchler.

«En vaccinant 2000 à 3000 personnes, il est possible de stopper rapidement la campagne si des effets secondaires sérieux parmi cette population sont découverts. En revanche, si nous vaccinons immédiatement dix millions de personnes, le résultat pourrait s’avérer dramatique». Le docteur vaudois s’opposera donc à l’utilisation de ce vaccin, qui va «à l’encontre des règles élémentaires de la médecine et du principe de précaution».

13 millions de doses

La Suisse a commandé 13 millions de doses de vaccins auprès des laboratoires GlaxoSmithKline et Novartis. Jusqu’à présent, les autorités sanitaires n’ont recommandé la vaccination que pour les groupes à risque: les travailleurs de la santé, les femmes enceintes, les enfants âgés de six mois et plus, les adultes présentant des risques de complication et les personnes âgées souffrant de maladies graves.

La campagne suisse suivra les mesures de vaccination collectives déjà introduites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Samedi, Barack Obama a proclamé l’état d’urgence sanitaire, permettant aux centres médicaux de mettre en place des opérations d’urgence sans se conformer aux exigences fédérales. La pandémie a déjà fait près de 1000 morts aux USA.

La Grande-Bretagne a pour sa part lancé une campagne de vaccination jeudi dernier. C’est le pays européen le plus touché par le H1N1, avec près de 53’000 cas recensés la semaine dernière. En Suisse, 1400 cas ont été déclarés jusqu’ici, dont un sérieux. Mais aucun mort lié au virus n’a été enregistré.

Les adjuvants en cause

En amont de la campagne de vaccination, les médias suisses ont relayé les préoccupations concernant la sécurité des vaccins en raison de la rapidité avec laquelle ils ont été développés. En cause notamment, l’utilisation d’adjuvants, un composé chimique qui augmente le principe actif d’un vaccin et la réaction immunitaire du corps humain.

Les vaccins européens contre la grippe utilisent généralement des adjuvants, mais les données empiriques concernant la sécurité dans les groupes incluant les enfants et les femmes enceintes sont limitées. Aux Etats-Unis, aucun vaccin contre la grippe saisonnière avec adjuvant n’a encore été testé et approuvé.

Pietro Vernazza, directeur médical de l’hôpital cantonal de Saint-Gall, a testé sur sa propre personne un vaccin AS03 contenant des adjuvants. Il a constaté des douleurs dans son bras et des problèmes de sommeil lors de la nuit qui a suivi l’injection.

«Les vaccins disponibles ou ceux bientôt mis sur le marché produisent une réaction immunitaire excellente. Et pour atteindre ce but, un bon adjuvent est nécessaire», affirme Pietro Vernazza. Qui ajoute: «Bien sûr, vous pouvez également utiliser une dose plus importante de virus et obtenir une réaction immunitaire plus forte. Mais vous ne pouvez pas produire une bonne réaction immunitaire sans aucun effet secondaire local, c’est-à-dire sans stimulation immunitaire».

«Désagréable mais bénin»

Claire-Anne Siegrist, la présidente de la Commission fédérale de vaccination, affirme qu’il «est normal que ce nouveau vaccin soulève des interrogations. Il y a six mois, les gens ne savaient même pas ce qu’était un adjuvant. Certains ont peur que ce soit même plus dangereux que la grippe».

Claire-Anne Siegrist note que les études effectuées avec adjuvants au cours de l’année dernière et dans le cadre des tests sur le vaccin H1N1 cet été ont montré des effets secondaires allant du gonflement à l’endolorissement de l’endroit d’injection. Dans le pire des cas, le vaccin provoquait des maux de tête, de la fatigue et de la fièvre.

«C’est désagréable mais bénin en comparaison des risques de complications que présente le H1N1 pour certaines personnes». Selon la responsable sanitaire, le vaccin est également sûr pour les femmes enceintes et les bébés. «Si ma fille était enceinte ou si mes petits-enfants présentaient des problèmes de santé, je n’hésiterais pas à leur suggérer de prendre un vaccin avec adjuvant».

Jessica Dacey, swissinfo.ch
(Traduction de l’anglais: Samuel Jaberg)

Campagne. La Suisse a commandé 13 millions de doses de vaccin contre le virus H1N1 auprès des laboratoires Novartis et GlaxoSmithKline. Swissmedic, qui les a testés, doit annoncer le 30 octobre si ces vaccins sont approuvés pour une vaccination massive en Suisse, lors d’une campagne qui devrait débuter en novembre.

Adjuvants. Les deux vaccins contiennent un adjuvant nommé squalène, un lipide naturel qui produit de bons anticorps. Le vaccin de Novartis a été produit à partir de cellules de reins de chiens. Il consiste en une mixture d’eau et de squalène, un produit utilisé depuis 12 ans pour les vaccins de la grippe saisonnière.

Tests. Le vaccin de GlaxoSmithKline contient du squalène et du polysorbate, un dérivé de la vitamine E. Leur adjuvant a été testé lors de tests pratiqués sur le vaccin de la grippe aviaire, le H5N1.

Effets secondaires. Selon Novartis et GlaxoSmithKline, les effets secondaires de ces vaccins sont identiques à ceux de la grippe saisonnière: gonflement et rougeur à l’endroit de l’injection, fièvre, membres douloureux et maux de tête.

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