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L’homme qui essaye de rendre la Suisse moins chère

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Avocat et membre du Parti démocrate chrétien (PDC / centre-droit), Stefan Meierhans est Monsieur Prix en Suisse depuis 10 ans. swissinfo.ch

Lutter contre l’îlot de cherté en Suisse. Telle est la mission de Stefan Meierhans, préposé à la surveillance des prix. Les coûts des transports publics et de la santé font partie de ses principales préoccupations. Portrait. 

Stefan Meierhans reçoit beaucoup de courrier: environ 2500 lettres ou courriels par année, adressés par des consommateurs inquiets ou en colère. 

Certains lui envoient aussi des produits achetés à l’étranger pour l’informer sur la différence de prix entre deux objets, parfois identiques ou de qualité similaire. Son office a déjà «tout expérimenté», dit-il. 

Par exemple, il a un jour reçu des protections contre l’incontinence achetées de l’autre côté de la frontière. Des produits beaucoup plus chers en terres helvétiques. «La législation est trop stricte ici. Seuls des magasins spécialisés peuvent vendre ces produits, ce qui fait grimper les prix», explique-t-il. 

Stefan Meierhans est à la tête de la Surveillance des prix depuis 10 ans, plus longtemps que ses prédécesseurs. Il a constaté une baisse significative des prix des biens de consommation domestiques et importés, en partie grâce à la force du franc suisse par rapport à l’euro et au dollar. 

Il y a toutefois de nombreux cas, où les consommateurs n’ont pas d’alternative et ne peuvent pas comparer les prix pour dénicher la meilleure affaire. Par exemple, les transports ferroviaires sont en grande partie assurés par les Chemins de fer fédéraux (CFF). 

«Notre Constitution stipule que lorsqu’il y a dominance sur le marché et que le prix n’est pas le résultat d’une concurrence effective, le consommateur a le droit d’être protégé, explique Stefan Meierhans. Mon rôle est de protéger le consommateur lorsque la concurrence ne fonctionne pas.» 

Achats personnels 

La Surveillance des prix à Berne emploie 17 personnes. Stefan Meierhans, l’homme qui dirige cet office de la Confédération, est plutôt chaleureux et bavard. Il semble apprécier d’avoir un visiteur dans son bureau lumineux, dominé par une gigantesque peinture abstraite. 

Lorsqu’on lui demande ses premiers souvenirs négatifs en tant que consommateur, il se souvient que, lorsqu’il était enfant, il était déçu, car il avait l’impression que son argent de poche n’était pas suffisant pour acheter des sucreries. Au cours de ses études en Norvège, il avait aussi surnommé le magasin d’alimentation local «l’arnaqueur 24h/24h». 

Aujourd’hui, à 49 ans, ce sont les prix des aliments biologiques en Suisse qui le font sourciller. «Jadis, tout était biologique. Aujourd’hui, il faut un label spécial pour l’indiquer et vous le payez très cher. Dans certains cas, je pense même que c’est beaucoup trop cher. Mais tant qu’il y a assez de demande, ce sont les règles du marché», souligne le surveillant des prix. 

Lorsqu’il fait du shopping ou qu’il prend le tram, les gens le reconnaissent souvent. Les plus audacieux l’approchent pour bavarder. «Les gens me disent que je devrais regarder de plus près tel ou tel prix. Mais ce n’est pas étouffant; les Suisses sont des gens discrets.» Quant aux 2500 auteurs de lettres, chacun reçoit une réponse d’une ou deux pages. «Nous essayons de montrer aux gens des voies alternatives. Nous leur disons s’il y existe des concurrents ou leur demandons s’ils ont essayé ceci ou cela. Nous essayons vraiment de soutenir les consommateurs et les citoyens.» 

Des décisions informées 

Dans des secteurs comme les soins de santé et les transports, Stefan Meierhans estime qu’il est difficile de savoir si le prix est correct en raison d’un manque de transparence. «Lorsque les gens ne savent pas quels sont les choix à leur disposition, ils ne peuvent pas vraiment se décider. La transparence est un élément essentiel d’une concurrence qui fonctionne. Je considère qu’il s’agit d’une partie très importante de mon travail – créer de la transparence là où il n’y en a pas, et donner aux consommateurs l’accès à cette information.» 

Par exemple, en février, il a mis en ligne un site internet Lien externedétaillant le coût de 20 interventions courantes effectuées dans les hôpitaux suisses. Les utilisateurs peuvent trier les données par lieu de résidence ou par assurance maladie. 

Même si les patients ne comparent pas nécessairement les prix pour les interventions couvertes par l’assurance, Stefan Meierhans note qu’il est important que le public soit conscient de la façon dont les coûts varient, puisque c’est la société qui doit ensuite supporter la charge globale. 

Selon la Surveillance des prix, environ 13% du PIB suisse sont consacrés aux soins de santé, les dépenses augmentant cinq fois plus vite que les salaires. «C’est une bombe à retardement. Ça va nous exploser au visage si on ne fait rien», commente Stefan Meierhans. 

Bien que son office ne puisse pas réglementer les prix des primes ou des interventions, ses opinions ont du poids. L’an dernier, Stefan Meierhans a siégé au sein d’une commission qui a présenté 38 propositions concrètes pour réduire les dépenses de santé. «Le gouvernement décidera ce printemps quelles sont les mesures à suivre et comment. J’espère que nous pourrons au moins éviter une augmentation plus substantielle de ces dépenses.» 

Se déplacer 

Le coût des transports publics est une cible permanente pour Stefan Meierhans. Ce dernier n’est pas satisfait de la répartition de l’argent généré par les abonnements ferroviaires annuels. Il souligne qu’alors que les dépenses ferroviaires sont à la hausse, les services d’autobus profitent de la baisse des coûts du diesel. Idéalement, le rail devrait donc toucher une part plus importante des recettes. 

Mais comprendre ce qui est équitable n’est pas si simple. En outre, il n’existe pas encore de statistiques précises sur combien de personnes utilisent quels services. «De nouveaux systèmes sont en cours de développement avec des GPS, une billetterie automatique et des téléphones portables qui calculeront le prix du billet à la fin du voyage. Cela viendra, je n’en doute pas», dit Stefan Meierhans. 

Économiser de l’argent 

Comme tout le monde, le surveillant des prix apprécie les bonnes affaires en matière de voyage. «Je vais à un mariage en France cet été, et j’ai obtenu un bon prix sur le billet d’avion, se réjouit-il. Le prix des billets d’avion est pour tout le monde une énigme, mais il y a une règle simple: réserver bien à l’avance si possible!» Dans son cas, environ neuf mois à l’avance. 

Il ne se donne pas la peine de collectionner des miles aériens, par contre, il fait le plein de points Cumulus dans le cadre du programme de fidélisation de la chaîne de supermarchés Migros. Il n’a que deux cartes de crédit, l’une d’entre elles étant la carte gratuite offerte par Migros. «J’utilise la deuxième à l’étranger avec de meilleurs taux de change. Je n’ai donc pas les frais que j’aurais avec une carte de crédit nationale», explique Stefan Meierhans. 

«Vous devez surveiller de près ce que vous utilisez, parce que vous pouvez avoir des surprises très désagréables. Par exemple, le taux d’intérêt en cas de paiement en retard. Parfois, vous n’avez que 15 jours pour payer, le 16e jour, un taux d’intérêt de 50% s’applique. Il faut être très prudent», prévient-il. 

Stefan Meierhans reste modeste quant aux épargnes que son action a permis aux Suisses de réaliser. «Je garde les statistiques, mais je ne les publie pas habituellement parce que lorsque je fais une proposition ou une suggestion de révision de la loi, je ne prends pas la décision. Je me contente de faire une recommandation», argue-t-il. 

On sait toutefois que son office permet d’économiser environ 300 millions de francs par an dans les domaines où il a une influence directe, comme les transports publics, les services postaux, les services publics et l’élimination des déchets. 

Les tarifs hospitaliers, eux, ont baissé d’environ un dixième depuis 2012, lorsqu’un nouveau système est entré en vigueur. Cela équivaut à un milliard par an. «Je ne peux pas m’en attribuer le mérite, même si j’ai contribué à plusieurs millions d’économies», affirme le surveillant des prix. 

Donc pas de bonus sur la base des économies réalisées? «Je l’ai suggéré au ministre de l’Economie, mais il n’était pas vraiment enthousiaste», plaisante Stefan Meierhans.

Surveillant des prix

Le premier surveillant des prix, qu’on appelle aussi Monsieur Prix, a pris ses fonctions en 1973. Stefan Meierhans, en fonction depuis 2008, est la septième personne à occuper ce poste et celui qui est resté le plus de temps en place. C’est un rôle unique qui n’a pas d’équivalent à travers le monde, à l’exception de l’Italie qui a mis en place un «Mister Prezzi» il y a dix ans. D’autres pays ont des commissions de monopole, des commissions commerciales ou des organes chargés de la protection des consommateurs qui exercent des fonctions similaires. 

En Suisse, la Surveillance des prix contrôle en permanence l’évolution de ceux-ci, afin d’éviter les abus des monopoles publics ou privés. Par le biais d’accords mutuels, il essaie de fixer des prix équitables. Si cela ne fonctionne pas, il y a la possibilité d’émettre une directive qui peut être contestée devant le Tribunal administratif fédéral. 

Lorsqu’il s’agit de prix fixés par l’Etat, la Surveillance des prix dispose d’un «droit de recommandation». Les autorités doivent consulter Monsieur Prix avant d’annoncer l’augmentation d’un prix, et il peut suggérer des alternatives. Les autorités doivent citer la recommandation du surveillant et expliquer pourquoi elles ont décidé de ne pas la suivre. 

En 2017, Stefan Meierhans et son équipe se sont penchés sur diverses questions telles que les dépenses hospitalières, les médicaments génériques, l’eau et les eaux usées, le traitement des ordures et les frais de télévision et de radio.

(Adaptation de l’allemand: Katy Romy)

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