La voix de la Suisse dans le monde depuis 1935
Les meilleures histoires
Démocratie suisse
Les meilleures histoires
Restez en contact avec la Suisse

«The Deal»: quand la diplomatie devient un thriller

Keystone-SDA

Avec "The Deal", projeté sur la Piazza Grande du Festival de Locarno, le réalisateur lausannois Jean-Stéphane Bron signe une série sur les négociations autour du nucléaire entre les USA et l'Iran vers 2015. Un projet né d'un goût marqué pour les coulisses du pouvoir.

(Keystone-ATS) C’est un pari ambitieux que Jean-Stéphane Bron a relevé: reconstituer, dans une série de fiction, les discussions ultra-sensibles autour du programme nucléaire iranien. «J’ai toujours été fasciné par les coulisses», a-t-il confié à Keystone-ATS quelques jours avant le début du Festival de Locarno. «Ce qui se passe hors-champ dit souvent bien plus que les conférences de presse.»

Une négociation en huis clos

L’idée de «The Deal» a germé dès les négociations menées en Suisse romande et qui ont abouti à l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. Le réalisateur se demande comment un compromis de cette ampleur se construit-il, loin des caméras? «Je me souviens de ces images de journalistes assis dans les couloirs des hôtels, attendant qu’on leur dise quelque chose… J’ai eu envie de raconter ce qui se joue de l’autre côté des portes closes.»

La série, coproduite par la RTS et Arte, concentre sur dix jours l’essentiel de ces négociations marathons dans un hôtel genevois, créé avec des images tournées dans cinq hôtels différents. «En réalité, les rounds se sont étalés sur deux ans. On a condensé le tout dans une dramaturgie resserrée,» explique Jean-Stéphane Bron. Le résultat: une plongée en apnée dans un huis clos tendu, où chaque geste et chaque silence comptent.

Pour bâtir son scénario, le cinéaste a croisé les récits disponibles dans la presse internationale, les mémoires de diplomates comme celles de Wendy Sherman («Not for the faint of heart»/»A déconseiller aux âmes sensibles») et les analyses d’experts. «Pas d’accès aux sources internes, mais un tissu assez dense de témoignages indirects, de chercheurs notamment, qui nous a permis de recréer des situations crédibles», a-t-il dit.

Ni bons ni méchants

L’un des défis majeurs était d’éviter une lecture manichéenne du conflit. «L’Iran est souvent caricaturé dans les fictions occidentales, regrette le cinéaste romand. Nous avons voulu donner à voir une complexité réelle, humaine, dans chaque camp.»

Le point d’ancrage: un personnage de diplomate suisse, observateur neutre et pivot du récit. «On est vraiment dans une tentative de compréhension de l’autre,» insiste-t-il. «C’est aussi ça, la diplomatie: se mettre dans les chaussures de l’adversaire pour entrevoir un compromis.»

Un tournage discret

Si la série s’autorise une réinvention narrative, notamment avec une histoire d’amour imaginaire, elle a été tournée dans une grande discrétion. «Pas pour cacher quoi que ce soit,» précise Jean-Stéphane Bron, «mais afin d’éviter toute pression politique ou diplomatique, notamment pour les acteurs iraniens.»

Tous les comédiens incarnant des membres de la délégation iranienne vivent en exil. «C’était un choix pragmatique. Il aurait été trop délicat de faire jouer des rôles aussi sensibles à des acteurs vivant encore en Iran», estime le réalisateur.

Le mot «deal», entre deux mondes

Le titre de la série, «The Deal», semble résonner avec la rhétorique commerciale du président américain Donald Trump. Jean-Stéphane Bron s’en amuse: «Pour Trump, un deal, c’est imposer par la force. Nous, on raconte un deal fondé sur l’écoute, la diplomatie, la subtilité.»

La série devient ainsi un témoignage d’une époque révolue. «Entre 2013 et 2015, on est juste avant le basculement,» observe le réalisateur. «Avant le Brexit, avant Trump, avant le retour de la loi du plus fort.»

Un regard de documentariste

Jean-Stéphane Bron n’en est pas à sa première incursion dans les coulisses du pouvoir. Du «Génie helvétique» (2003) à «L’expérience Blocher», il filme avec patience la parole politique. «J’ai passé des milliers d’heures dans des salles de négociation, à observer les corps en action, les échanges tendus, les silences.»

Cette expérience nourrit sa mise en scène: «Je savais comment les corps bougent, comment la parole s’incarne dans l’espace. Faire venir une voiture officielle dans une fiction, c’était presque naturel pour moi, parce que je l’avais déjà vue arriver mille fois dans la réalité.»

Les deux premiers épisodes seront diffusés sur la Piazza Grande le lundi 11 août. Les quatre épisodes suivants, d’une durée de 46 minutes chacun, seront à découvrir le lendemain à La Sala, dans la section «Fuori concorso» en première mondiale. «The Deal» sera disponible dès le 13 août sur Play RTS, puis diffusée chaque jeudi soir dès le 28 août sur RTS 1.

Les plus appréciés

Les plus discutés

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision