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Un «pylône de 300m de hauteur» devenu Tour Eiffel

Keystone

En marge des 120 ans de la vénérable «Dame de fer», l'Hôtel de ville de Paris propose dès ce 7 mai une exposition consacrée à Gustave Eiffel. L'occasion de rappeler que derrière le nom de Eiffel se cache celui de Koechlin, un ingénieur franco-suisse à l'origine du projet.

La Tour Eiffel, des origines suisses? Au vu de la dimension symbolique qu’a ce monument pour la France, ce serait presque de mauvais goût que de le prétendre…

Et pourtant: les connexions helvétiques existent, puisque c’est bel et bien l’ingénieur «franco-suisse» Maurice Koechlin qui fut le concepteur de cette géante de poutrelles et de rivets.

Né à Buhl, en Alsace, en 1856, Maurice Koechlin se maria à la Suissesse Emma Rossier en 1886 à Vevey, eut six enfants de cette dame, et mourut en 1946 à Veytaux, à côté de Montreux.

Maurice Koechlin avait fait ses études au lycée de Mulhouse, puis au Polytechnikum de Zurich. A titre professionnel, il travailla d’abord pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est, puis dès 1879, auprès de l’entreprise de constructions métalliques et de travaux publics fondée par Gustave Eiffel en 1868, entreprise dont il devint le chef du bureau d’études.

A Levallois-Perret, siège de l’entreprise, Maurice Koechlin va travailler à de nombreux projets. Le viaduc métallique de Garabit, dans le Cantal. Ou la Statue de la Liberté. Quoi, celle de New York? Oui… c’est lui qui va dessiner l’armature métallique de l’œuvre conçue par Frédéric Auguste Bartholdi, «La Liberté éclairant le monde».

Et puis, un jour, il va s’attaquer à un drôle de pylône…

«Donner de l’attrait à l’Exposition»

1884. La décision a été prise: c’est Paris qui accueillera l’Exposition universelle de 1889. Maurice Koechlin et son collègue Emile Nouguier réfléchissent à la construction d’une immense tour métallique visant à «donner de l’attrait à l’Exposition». Un avant-projet est alors soumis au patron, Gustave Eiffel, qui ne se montre pas très chaud.

Celui-ci autorise néanmoins ses deux ingénieurs à poursuivre leur étude. Ce qu’ils s’empressent de faire. Un premier plan est réalisé en juin 1884. Le pylône en question ne brillant pas par son élégance, c’est l’architecte en chef des projets de l’entreprise, Stephen Sauvestre, qui lui apportera l’esthétique qu’on lui connaît aujourd’hui.

Gustave Eiffel va alors changer d’attitude… et s’approprier le projet. Il dépose une demande de brevet d’invention intitulé «Brevet pour une disposition nouvelle permettant de construire des piles et des pylônes métalliques d’une hauteur pouvant dépasser 300 mètres». Et passe, avec ses deux ingénieurs, un contrat qui lui assure la propriété exclusive du projet.

En contrepartie, Gustave Eiffel prend à sa charge les frais entraînés par le brevet et s’engage – si la tour est réalisée, même avec des modifications – à verser à chacun d’eux une «prime» de 1% des sommes qui «lui seront payées pour les diverses parties de la construction».

La Tour Koechlin-Nouguier est morte, vive la Tour Eiffel!

Un concours en vue de L’Exposition universelle est lancé en 1886. Et le 8 janvier 1887, Eugène Poubelle, préfet de la Seine, peut confier officiellement à Gustave Eiffel le projet d’une tour de fer de trois cents mètres de hauteur, qui durera le temps de l’Exposition universelle, du 6 mai au 31 octobre 1889. Elle est inaugurée le 31 mars 1889.

Du provisoire qui dure

Une tour provisoire. Un provisoire qui, au vu du succès de l’édifice et de la solidité de sa construction, a duré. Malgré ses détracteurs. En 1887 déjà, une «pétition des artistes» – parmi lesquels Guy de Maupassant, Charles Garnier ou Charles Gounod – criait au scandale.

Aujourd’hui, la Tour Eiffel est le monument payant le plus visité au monde. Elle a battu un nouveau record de fréquentation en 2008 avec 6.930.000 visiteurs. Et un certain nombre d’événements marquent l’anniversaire de ses 120 ans.

Une nouvelle «campagne de peinture» de l’édifice, par exemple, la 19ème depuis son édification. «Soixante tonnes de peinture sont nécessaires pour la recouvrir, ainsi que 50 km de cordes de sécurité, 2 hectares de filets de protection, 1.500 brosses, 5.000 disques abrasifs, (…)», lit-on sur le site de la Tour Eiffel. Une tour qui a changé de couleurs à plusieurs reprises, brun-rouge, ocre, bronze.

Et une exposition à l’Hôtel de Ville de Paris, à voir du 7 mai au 29 août: «Gustave Eiffel, le magicien du fer». Au programme, des œuvres d’artistes (Robert Delaunay, Raoul Duffy, Henri Rivière), des photos illustrant les étapes de l’édification, des maquettes de la Tour…

Il semblerait que Maurice Koechlin, qui prit la succession de Gustave Eiffel en 1893 à la tête de la «Compagnie des établissements Eiffel», n’ait pas tenu rigueur à son patron de s’être approprié le projet. Cité sur le site koechlin.net, il déclara, beau joueur, à propos de son patron: «Il fit tout le nécessaire, avec la persévérance qui le caractérisait, pour faire adopter le projet et le réaliser».

Bernard Léchot, swissinfo.ch

Juin 1884: Le premier plan de la Tour est réalisé par Maurice Koechlin, puis amélioré par Stephen Sauvestre, l’architecte en chef des projets de l’entreprise.

Mai 1886: Le ministre du Commerce et de l’Industrie signe un arrêté qui déclare ouvert «un concours en vue de L’Exposition universelle de 1889»

Janvier 1887: Eugène Poubelle, préfet de la Seine, confie officiellement à Gustave Eiffel le projet d’une tour de fer de trois cents mètres de hauteur.

1887-1889: La construction dure deux ans, deux mois et cinq jours; 250 ouvriers y travaillent.

31 mars 1889: Inauguration officielle

Etages: trois étages
– 1er étage à 57 mètres
– 2e étage à 115 mètres
– 3e étage à 276 mètres

Visiteurs: presque 244 millions de visiteurs depuis son ouverture au public le 15 mai 1889, et 6,93 millions de visiteurs en 2008, dont 75% d’étrangers.

Hauteur: 324 mètres (avec antennes)

Poids: 7300 tonnes pour la charpente métallique, poids total de 10’100 tonnes

Pièces: 18’000 pièces métalliques assemblées par 2’500’000 rivets

Projecteurs: 336 lampes à sodium

Scintillement: 20’000 ampoules (5000 par face), qui scintillent cinq minutes au début de chaque heure, de la tombée de la nuit à une heure du matin (02h00 l’été).

Exposition à voir du 7 mai au 29 août 2009.

Hôtel de Ville – Salle Saint Jean (5, rue de lobau – 75004 Paris).

Ouvert tous les jours (sauf dimanche et fêtes) de 10h à 19h.

Entrée libre.

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