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Un communiste lutte pour la justice fiscale

Josef Zisyadis sur la place centrale de Sarnen, le chef-lieu d'Obwald. Keystone

Le député Josef Zisyadis a recouru mardi contre la nouvelle loi fiscale dégressive du canton d'Obwald. Il l'estime anticonstitutionnelle, car favorisant les riches.

Vaudois, l’élu communiste a dû déménager à Obwald pour faire ce recours. Sur place, personne n’a osé contester la loi à visage découvert.

En décembre, le peuple obwaldien a accepté une modification de sa loi fiscale. La nouvelle mouture prévoit notamment un taux d’imposition dégressif à partir de 300’000 francs de revenus et de 5 millions de fortune. Le taux d’imposition sur le bénéfice des sociétés est également devenu le plus bas du pays.

Avec cette modification, les citoyens d’Obwald veulent attirer les riches contribuables et faire passer leur canton du statut d’«enfer» à celui de «paradis» fiscal.

Contre la constitution

Membre de la Chambre basse du Parlement suisse, le communiste Josef Zisyadis est fermement opposé à cette nouvelle loi. Il considère qu’elle va à l’encontre de la Constitution fédérale.

Le texte fondamental stipule en effet que chaque citoyen est taxé en fonction de sa capacité contributive. Or, en introduisant un taux dégressif pour les plus riches, le canton d’Obwald irait à l’encontre de ce principe.

Avec leur recours, Josef Zisyadis est ses trois cosignataires veulent que le Tribunal fédéral – la plus haute instance judiciaire du pays – se penche sur la question. «La population suisse est en droit de savoir si la décision d’Obwald est constitutionnelle ou non», a souligné le député communiste.

«J’espère que le Tribunal fédéral n’empruntera pas la sortie de secours en n’entrant pas en matière. Nous voulons une réponse», a pour sa part indiqué Peter Beutler, l’un des experts qui soutiennent la démarche et qui est par ailleurs élu socialiste au Parlement du canton de Lucerne.

Ce n’est pas la première fois qu’une loi fiscale cantonale sera examinée par le Tribunal fédéral. Ce dernier n’était pas entré en matière sur un recours contre la révision fiscale acceptée par les citoyens schaffhousois, basée sur le même concept qu’à Obwald.

Pour Josef Zisyadis, le recours doit maintenant permettre de clarifier la situation juridique et de poser des questions politiques de fond, qui amèneront peut-être ensuite des initiatives. Le Parti socialiste a d’ailleurs justement annoncé mardi qu’il lancera en septembre une initiative populaire pour une harmonisation matérielle des impôts.

Climat de pression

Les opposants à la nouvelle loi avaient jusqu’à fin janvier pour déposer un recours. Mais personne ne s’était présenté. Le Parti socialiste local avait jeté l’éponge en raison des pressions subies par ses membres prêts à se lancer dans cette procédure.

Cette situation a poussé Josef Zisyadis à déposer il y a quelques jours ses papiers dans le canton d’Obwald pour faire lui-même recours. Son statut de député et d’ancien membre du gouvernement vaudois, ainsi que le battage médiatique fait autour de ce déménagement le mettaient à l’abri d’éventuelles pressions.

L’homme politique a cependant eu quelques difficultés à trouver quelqu’un disposé à lui louer un appartement à Obwald. Quant aux trois personnes qui ont finalement accepté de cosigner le recours, elles ont préféré rester anonymes en raison de possibles représailles.

Cette affaire montre que le droit de recourir contre une décision populaire n’est pas reconnu partout, s’est inquiété Peter Beutler. Le socialiste lucernois a déploré que le président du gouvernement obwaldien n’ait pas soutenu la petite minorité de citoyens qui ont voulu s’opposer à la nouvelle loi.

Bruxelles s’inquiète

En Suisse, cantons et communes fixent leurs taux d’imposition de manière autonome. Ceci provoque une concurrence fiscale entre eux, le but étant bien sûr d’attirer les plus riches contribuables.

Cette situation provoque régulièrement un débat politique. Pour les partisans, la concurrence fiscale est saine et se fait à l’avantage des contribuables. Selon les opposants, elle est injuste pour les contribuables des régions les plus taxées et nuit à la solidarité nationale.

Mais la contestation vient désormais également de l’Union européenne. Bruxelles considère que les faveurs fiscales accordées aux entreprises par certains cantons équivaudraient à des aides étatiques non autorisées et violeraient l’accord de libre-échange conclu entre la Suisse et l’UE.

swissinfo et les agences

– La plus grande partie des impôts directs revient aux cantons et aux communes.

– L’impôt fédéral direct est plutôt léger, la Confédération tirant la plupart de ses revenus de la fiscalité indirecte.

– Cantons et communes sont autonomes en matière d’impôts. Cela conduit à une concurrence fiscale, le but étant d’attirer les entreprises et les riches contribuables.

– Certains cantons ont ainsi un impôt sur les entreprises qui est parmi les plus bas du monde. L’UE estime que les conditions fiscales qui règnent dans certains cantons, sont contraires à l’accord de libre-échange de 1972.

Les Obwaldiens ont accepté une baisse de la fiscalité le 11 décembre par 86% des voix.
Ce changement a pris effet au 1er janvier et les opposants avaient jusqu’au 31 janvier pour faire recours.
La nouvelle loi fiscale prévoit une dégression des impôts dès un revenu de 300’000 francs et une fortune de 5 millions.
L’impôt sur le bénéfice des sociétés a été fixé à 6,6%, le plus bas du pays.

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