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Young Gods, Woodstock sur Paléo

ork.ch

Vous n'y étiez pas? Nous non plus. Eux non plus d'ailleurs. Ce qui n'empêche pas les Young Gods de revisiter la matrice de tous les festivals. A leur manière, parfois proche de l'original, parfois expérimentale et déjantée.

Bien sûr, il y avait eu Monterey deux ans plus tôt, et Miami l’année d’avant. Mais c’est le rassemblement de Woodstock – tenu en réalité à Bethel, dans l’Etat de New York, du 15 au 17 août 1969 – que l’histoire a retenu comme archétype du «festival pop» en plein air. Et 40 ans après, tous les autres s’en réclament encore.

Les Young Gods aussi reconnaissent l’héritage de Woodstock, même s’il étaient encore en culottes courtes lorsque «la chose» s’est vraiment passée.

«C’est mon grand frère qui m’a fait écouter ça, c’est le premier vinyle qu’il s’est acheté, se souvient Franz Treichler, le chanteur. C’est quelque chose qui nous a marqués, Hendrix ou Santana, c’est un peu les modèles, les gens qui nous ont motivés à faire de la musique».

Lorsqu’en 2005, la Ville de Genève demande au groupe de monter, pour la Fête de la Musique, un spectacle à partir d’un film dont il recréerait la bande-son en live, le choix de Woodstock s’impose donc assez rapidement.

«Mais on avait envie de faire quelque chose d’un peu plus décalé que juste une bande-son d’un film muet», précise Franz. A vérifier le mercredi 22 juillet, au Paléo Festival de Nyon…

On- et off stage

Décalé… c’est le mot. Si certaines chansons sont rejouées pratiquement à l’identique, d’autres en revanche sont complètement réinventées à la sauce Young Gods, avec ce mélange de rock dur, de sons industriels et d’envolées lyriques qui est la marque du groupe.

«A certains moments, on joue ce que les gens voient à l’image, à d’autres on joue avec le son du film, on remixe en live, on joue par-dessus, on coupe. Si bien que le public ne sait pas toujours ce qui se passe. C’est assez drôle…», résume Franz.

Classé dans la catégorie «documentaire», le film Woodstock ne montre pas que des musiciens en action. Il inclut nombre de scènes d’ambiance: bouchons monstres sur les routes, fermiers du coin incrédules, foules en transe, hippies se baignant dans les étangs alentour ou fumant toutes sortes de plantes qui ne sont pas dans le livre des plantes.

Ces moments sont aussi présents dans le show des Young Gods. Comme on écrirait une musique de film, ils leur ont donné un habillage sonore original.

Clins d’œil

A la fois «frontal, brutal, arraché et psychédélique», pour reprendre une formule que Franz associe à la musique du groupe, le résultat ne manque ni d’énergie ni d’humour.

Ainsi, les Young Gods utilisent une des chorégraphies les plus burlesques du film pour y placer, en forme de clin d’œil, une (et une seule) de leurs propres chansons: Gasoline Man (1992). Juste histoire de dire «oui, c’est bien nous»…

Et lorsqu’à l’aube du quatrième jour, devant une foule déjà bien clairsemée et plus vraiment bondissante, Jimi Hendrix triture sa version apocalyptique de l’hymne US, c’est en fait l’hymne national suisse que l’on entend. Autre détournement musical: Joe Cocker se contorsionne sur une version de With a little help from my friends qui ne ressemble en rien à la sienne, mais bien plus à l’originale, celle des Beatles.

Ils n’étaient pas à Woodstock ? Qu’à cela ne tienne, les Doors non plus. Pourtant, le show inclut aussi un de leurs titres (lequel ?, chut, c’est une surprise), chanté de manière fort convaincante par Franz Treichler.

Histoire de donner raison à ceux qui le comparent à Jim Morrison ? «Ce n’est pas qu’on veut se mesurer à ces gens qui sont quand même nos grands frères, précise l’intéressé. Mais disons que c’est une manière de leur rendre hommage».

La musique et bien plus encore

«Quand on voit dans le film cette foule immense, comme un tableau pointilliste, et qu’il n’y a pas une seule publicité, pas un seul sponsor, tout ce qu’on voit aujourd’hui dans tous les festivals, ça fout un sacré coup de pied au cul…», poursuit Franz.

Car ces gens s’étaient déplacés «non seulement pour la musique, mais aussi pour une cause, contre le conservatisme, contre la guerre du Vietnam»… S’il est nostalgique, c’est de cet aspect-là de Woodstock. La musique ? Aucun regret, elle est plus vivante que jamais.

Jusqu’ici, le groupe n’a donné ce spectacle que trois fois: à Genève et au Festival de jazz de Willisau en 2005, puis l’année suivante à Zurich. Un succès à chaque fois, autant pour les aficionados de Woodstock que pour ceux qui le découvrent à cette occasion.

Et cette année, The Young Gods play Woodstock sera joué aux Nuits de Fourvière à Lyon, au Paléo, puis à la Cité de la Musique à Paris. Ceci en alternance avec les concerts acoustiques que ce groupe-caméléon donne aussi désormais.

«C’est un défi à chaque fois, conclut Franz. Il faut se faire peur, ça fait du bien. On apprend des tas de trucs en se confrontant à des choses qui sont des fois un peu plus grosses que nous-mêmes. Et puis ça pimente l’activité artistique, on a joué avec la Sinfonietta de Lausanne, on passe de l’électrique à l’acoustique, on fait Woodstock… C’est cool, et enrichissant.»

Marc-André Miserez, swissinfo.ch

Formé en 1985 entre Genève et Fribourg, nommé d’après une chanson des Swans, groupe expérimental et industriel new-yorkais, le trio prend au départ le pari de faire du rock dur sans guitare – mais avec moult samplers.

Un premier album très abouti, qui multiplie les ambiances sonores, un second qui confirme en évitant la redite, et des concerts qui s’enchaînent vont rapidement établir la réputation du groupe. Au début des années 90, sa tournée mondiale est un triomphe. David Bowie ou The Edge, guitariste de U2, le citent comme référence.

Par la suite, les Young Gods bifurquent vers une musique plus introspective et explorent de nouveaux territoires: hommage à Kurt Weill, ambiances sonores pour l’exposition nationale expo.02 ou les conférences de l’anthropologue Jeremy Narby sur le chamanisme, alliance avec la formation classique Sinfonietta de Lausanne, et… projet Woodstock.

En 2008, désormais formé du chanteur Franz Treichler (seul membre d’origine), du clavier Al Comet, du batteur Bernard Trontin et du guitariste Vincent Hänni, le groupe qui avait banni les guitares sort Knock on Wood, un album «unplugged», plein de cordes acoustiques.

«Six jours de paix et de musique» – pour paraphraser le slogan de Woodstock -, le Paléo est le plus grand open air de Suisse, et le deuxième d’Europe. La 34e édition se tient cette année du 21 au 26 juillet.

Au menu, Placebo, Sophie Hunger, Julien Doré, Franz Ferdinand, The Prodigy, Amy McDonald, Snow Patrol, Peter Doherty, Charlie Winston, Francis Cabrel, Tracy Chapman, Ayo, Benabar, Raphaël, Abd Al Malik, et beaucoup, beaucoup d’autres, avec un Village du Monde dédié aux musiques de l’Inde.

Tous les billets sont vendus (comme d’habitude). Ils sont partis cette année en un temps record. Pour lutter contre le marché noir, Paléo ouvre une bourse d’échanges sur son site dès le 5 mai et met en vente chaque jour du festival à partir de 9 heures 1000 billets pour le soir même, sur son site et dans les points de vente habituels. Attention, ils filent très vite. Aucun billet n’est vendu sur place – du moins légalement.

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