Des perspectives suisses en 10 langues

Young Gods on the road

Alain Monod, Vincent Hänni, Franz Treichler, Bernard Trontin. SP

Avec un nouvel album dans leurs flight-cases («Everybody Knows») et 25 années d’existence à leur compteur, les Young Gods attaquent en décembre une nouvelle tournée européenne. Première partie de notre entretien avec le membre «historique» du groupe, le chanteur Franz Treichler.

L’aventure a commencé au milieu des années 80. Du rock, dont les guitares avaient disparu au profit de machines à échantillonnage encore relativement méconnues alors, les samplers. En studio comme sur scène. Soutenant le magma industriel, une batterie. Et devant, ou dedans, une voix, celle de Franz Treichler.

Electrochoc dans les milieux alternatifs et la presse rock: un phénomène musical était né, il s’appellait les «Young Gods», et venait de Suisse, une fois n’est pas coutume.

Vingt-cinq ans plus tard, après moult tournées et albums, dont des changements de registre osés, après des expériences artistiques tous azimuts (spectacle avec l’anthropologue Jeremy Narby, relecture live du film «Woodstock» etc.), les Young Gods sont toujours là.

Des membres de la formation originelle ne reste que Franz Treichler, entouré depuis belle lurette par Alain Monod et Bernard Trontin. Auquel s’ajoute désormais le guitariste Vincent Hänni.

C’est donc en version quatuor que les Young Gods vont partir promener leur nouveau répertoire en Europe – Grande-Bretagne, Suisse, Italie, Espagne, Portugal, Tchéquie, et France. Avec en particulier une longue escale au Centre culturel suisse de Paris, du 9 au 12 décembre, pour y fêter les 25 ans du groupe… et ceux du Centre, nous y reviendrons.

swissinfo.ch: Vous vous lancez dans une tournée européenne qui inclut de nombreux pays. Y en a-t-il qui ont un lien affectif particulier avec les Young Gods?

Franz Treichler: Oui, définitivement. Le Portugal, la Tchéquie et l’Angleterre…

swissinfo.ch: Cela s’explique comment? Par le marketing ou par le cœur?

F.T.: Je crois que c’est le cœur… Parce que l’Angleterre, franchement, dès le début, même à une époque où je ne chantais qu’en français, il y a eu un truc spécial. Le Portugal et la Tchéquie, c’est peut-être davantage par le fait qu’on est allé là-bas à une époque où peu de groupes y allaient. Il y a donc une fidélité, un lien affectif qui s’est créé.

swissinfo.ch: Dans le cas des Young Gods, album et spectacle se conçoivent-ils ensemble, comme un tout audiovisuel?

F.T.: Non: l’album a été conçu bien avant les concerts. En studio, on ne s’est donc pas donné de contraintes, on y est vraiment allé pour faire de la musique. L’album était terminé en mai dernier, et c’est en septembre qu’on a commencé à se demander comment on allait jouer les morceaux en public, qui allait jouer quoi.

swissinfo.ch: Vous jouerez également des titres plus anciens. Fidélité aux arrangements originels ou réécriture?

F.T.: Les deux. Il y a des titres où on se retrouve en trio, plutôt dans les rappels. Pour la plus grande partie du répertoire, Vincent est avec nous maintenant, donc on rhabille des morceaux. Les basses qu’Alain jouait au clavier, c’est maintenant Vincent qui les faits. Et il joue des parties de guitare qui n’existaient pas dans les versions originales…

swissinfo.ch: Il y a donc un quatrième ‘Young God’ titularisé, le guitariste Vincent Hänni. Qu’est-ce que cela change dans votre approche de groupe?

F.T.: Cela amène 25% d’idées en plus! Vincent a ses propres idées, c’est aussi pour cela qu’on lui a demandé de rejoindre le groupe: ce n’est pas qu’un guitariste, c’est aussi un excellent bidouilleur de computers. Il a apporté des idées, des thèmes qu’on a développés à quatre. Au niveau des guitares, il a joué ces solos un peu hendixiens du dernier album. Il amène donc à la fois un côté très électronique, très froid, et parallèlement, des vrais sons de guitare, alors que jusque là on employait nos propres samplings.

Cela enlève peut-être cette caractéristique ‘tranchante’ des Young Gods, ce côté trio, samplers-batterie-voix, mais cela ouvre d’autres possibilités puisque «l’instrumentarium», comme dit Vincent, est plus large.

swissinfo.ch: Le nouvel album s’intitule «Everybody Knows». Référence à Leonard Cohen?

F.T.: Oui et non. Disons que c’est une chanson que j’ai beaucoup écouté à sa sortie, j’adore l’album «I’m You Man». Alors c’est une référence qui m’est restée. J’avais d’ailleurs déjà utilisé «Everybody Knows» dans le refrain de «Kissing The Sun», un album de 1995. Mais là, c’est plutôt une utilisation indirecte. Parce que les textes de Cohen rejoignent beaucoup ce que je pense de ce qui se passe maintenant. Ce que nous avons voulu dire à travers la pochette de notre dernier album: on vit dans un monde à l’envers, un monde qui a perdu son bon sens, tout le monde le sait, mais personne n’agit ou ne sait comment agir. Si les gens ne sont pas au courant, c’est qu’ils ne veulent pas le voir!

swissinfo.ch: Ce constat, c’est le cœur de cet album?

F.T.: Non, cette idée se retrouve essentiellement dans la pochette. L’album va ailleurs, il y a des choses abstraites, et des chansons d’amour. Même si deux chansons abordent des thèmes sociaux. «No Land’s Man» évoque le fait qu’on reconstruit les frontières, que les nationalismes se réveillent. Comment se situe-t-on en tant qu’humain dans une période comme celle-là? Il y a aussi «Tenter le grillage», une référence aux Africains et Nord-Africains qui essaient de passer illégalement en Europe via la frontière marocaine et espagnole. J’avais entendu cette expression, «tenter le grillage», dans un documentaire. Et cela m’a marqué. Ces thèmes-là me touchent.

A SUIVRE…

Samplers. Formé en 1985 entre Genève et Fribourg, le trio prend au départ le pari de faire du rock dur sans guitare – mais avec moult samplers.

Réputation. Albums et concerts vont rapidement établir la réputation du groupe. Au début des années 90, sa tournée mondiale est un triomphe. David Bowie ou The Edge, guitariste de U2, le citent comme référence.

Nouveaux territoires. Par la suite, les Young Gods bifurquent vers une musique plus introspective et explorent de nouveaux territoires: hommage à Kurt Weill, ambiances sonores pour l’exposition nationale Expo.02 ou les conférences de l’anthropologue Jeremy Narby sur le chamanisme, alliance avec la formation classique Sinfonietta de Lausanne, et «Woodstock», une relecture musicale du célèbre film de Michael Wadleigh.

Unplugged. En 2008, désormais formé du chanteur Franz Treichler (seul membre d’origine), du clavier Al Comet, du batteur Bernard Trontin et du guitariste Vincent Hänni, le groupe qui avait banni les guitares sort Knock on Wood, un album «unplugged» rempli de cordes acoustiques.

2010. En novembre sont sortis « Everybody Knows», leur nouvel album, et une série de live (DVD et CD) inédits.

Coffrets. Parallèlement à la sortie de l’album, pour célébrer 25 ans d’une carrière protéiforme, les Young Gods publient une série de coffrets audiovisuels.

Live. Ils s’agit de trois performances live en CD et DVD: le concert du Montreux Jazz Festival en 2005 avec le Lausanne Sinfonietta Orchestra, le concert des Eurockéennes de Belfort (‘Griots & Gods’) en 2007 avec Dälek, et un concert à la Rote Fabrik de Zurich.

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision