Le graphisme romand se dévoile à Genève
Le Centre d’art contemporain à Genève expose les œuvres d’une soixantaine de graphistes. De 1943 à nos jours, affiches, dépliants, flyers, brochures… parcourent la vie graphique, ses tendances stylistiques et ses liens avec la société suisse.
Rolex, fierté de la Suisse. C’est donc une horloge qui accroche le regard du visiteur lorsqu’il entre dans la grande salle du Centre d’art contemporain à Genève. L’horloge est représentée sur une affiche, elle-même suspendue à un câble. Elle flotte dans l’espace, comme ces dizaines d’autres affiches exposées dans la salle. Mais on ne voit qu’elle, du moins au début.
En s’en approchant, on peut lire: «Tudor. By Rolex of Geneva». Les aiguilles marquent… quelle heure déjà ? on ne sait pas, on ne sait plus. On se souvient néanmoins de la petite notule, qui précise à l’adresse du visiteur: «Date non connue». Heureux hasard ! Rolex appartient à tous les temps. Elle est éternelle, un peu comme Pierre Monnerat, auteur de cette pub stylisée pour la plus célèbre marque horlogère au monde.
Rolex et Secours suisse d’hiver
Pierre Monnerat appartient au panthéon helvétique du graphisme. Il a signé, entre autres, certaines affiches du Secours suisse d’hiver. En voici une qui date de 1943. On y voit de dos une petite fille. A ses pieds, un panier plein de pains. Sur un tableau noir elle écrit: «merci». Ses lettres se couchent sur un «secours» qui est à la Suisse humanitaire ce que Rolex est à la Suisse commerciale.
De 1943 à nos jours, affiches, affichettes, flyers, dépliants, brochures, livres et magazines parcourent la vie graphique sous nos latitudes. Proposée sous le titre «Panorama. Design graphique en Suisse romande», l’exposition réunit les travaux d’une soixantaine de créateurs et bureaux de communication visuelle. Parmi eux, beaucoup d’Alémaniques établis en Romandie, à commencer par notre interlocuteur Gregor Schönborn qui a créé, avec Stéphane Hernandez et Niels Wehrspann, le studio Schönherwehrs à Genève. Les trois graphistes ont donc conçu ce «Panorama» en collaboration avec l’ex-directrice du Centre d’art contemporain, Katya Garcia-Antòn.
«Le Centre nous a permis de donner une visibilité à une pratique méconnue, confie Gregor Schönborn. On assiste aujourd’hui à une démocratisation de notre métier grâce aux outils informatiques. La création d’une affiche est facile si on dispose chez soi du logiciel qu’il faut. Il nous a donc semblé intéressant de donner des clés de lecture aussi bien au public amateur qu’aux commanditaires des affiches: banques, hôpitaux, organismes politiques, festivals, théâtres, opéras…».
Dans une salle d’exposition, les œuvres acquièrent un statut privilégié. «Voir une affiche dans la rue, sous la pluie ou sous la neige, a forcément quelque chose de hâtif», poursuit Gregor Schönborn qui estime que le regard prend différentes densités, selon le lieu et le contexte.
De Genève à Fribourg en passant par Lausanne et Bienne, les villes que traversent les affiches n’entretiennent pas les mêmes rapports avec l’art graphique. «Tout dépend de la vie locale, explique Schönborn. A Neuchâtel, par exemple, il n’y a pas beaucoup de débouchés. A Genève en revanche, l’horizon est riche et varié, cela va du luxe à l’underground, des banques et des joailleries à la culture alternative».
Abstraction géométrique
La culture justement occupe une place de choix dans l’exposition. Mais avant d’en parler, quelques mots sur deux affiches électorales de Claude Luyet. Réalisées en 1989 et 1992, elles passent par le style BD pour dire respectivement «Non à la loi patronale contre la Fonction publique» et «Oui à l’édifice social contre l’égoïsme». Ici, l’édifice est une plateforme off shore menacée par des requins, mais soutenue par des bâtisseurs solidaires et zélés, petits bonhommes que l’on dirait échappés d’un album d’Hergé. Le trait ludique est un peu forcé. Mais depuis, le style a changé.
L’abstraction géométrique a la cote aujourd’hui. Si carrés, cercles et lignes droites déroutent les lecteurs, ils enchantent vraisemblablement les graphistes qui en font usage dans des affiches à l’enseigne des festivals notamment. Ainsi de Francis Baudevin et Nicolas Eigenheer qui imaginent un dessin à la Mondrian pour l’édition 2011 du Montreux Jazz Festival. Quant à Eva Rittmeyer, elle choisit pour Archipel 2005 le motif de petits sillons parallèles. Voilà pour le local.
Car «Panorama» propose aussi des affiches réalisées par des artistes suisses sollicités à l’étranger, Roland Aeschlimann en tête, qui, lui, a longtemps œuvré au Japon. «Nous avons voulu montrer également le travail de ceux qui ont véhiculé l’image de la Suisse à l’étrange», explique Gregor Schönborn.
Un arrangement floral, où le rouge domine, égaie l’affiche de «Tell me Swiss», spectacle donné en 2010 au pavillon helvétique de l’exposition universelle de Shanghaï L’affiche est de Schaffter Sahli. Ici, le nom de Tell s’inscrit sur un fond bucolique. L’Histoire de la Suisse est indissociable de son paysage.
«Panorama. Design graphique en Suisse romande». Exposition présentée au Centre d’art contemporain, 10, rue des Vieux-Grenadiers à Genève. Jusqu’au 26 juin 2011.
L’exposition vise à explorer le paysage graphique romand: ses racines, ses références et ses leitmotivs.
Elle propose une réflexion sur une discipline en constante évolution.
Elle tente de redéfinir le métier de graphiste en tenant compte des outils informatiques et du contexte économique et culturel.
Elle réunit les travaux (affiches, dépliants, brochures, magazines…) d’une soixantaine de graphistes et de bureaux de communication visuelle.
Elle est conçue par Schönherwehrs, studio de communication visuelle établi à Genève.
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