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Quel avenir pour la «Villa Favorita» à Lugano?

La vue depuis l’une des nombreuses terrasses de la Villa Favorita Keystone

Propriété de la famille Thyssen-Bornemisza et ex-pinacothèque de prestige, la Villa Favorita à Lugano-Castagnola intéresse sérieusement la ville de Lugano et le canton du Tessin.

Qui viennent d’entamer des pourparlers avec la baronne Carmen Thyssen-Bornemisza et lancent un appel à la Confédération.

Il y a 12 ans, en 1992, ni la ville de Lugano, ni le Tessin, ni même la Confédération n’étaient parvenus à empêcher que la prestigieuse collection d’art du baron Heinrich Thyssen-Bornemisza soit transférée au Musée Villahermosa de Madrid.

Aucune proposition suffisamment alléchante n’avait été faite au mécène et industriel suisse d’origine allemande. Au bout du compte, la volonté de sa cinquième épouse, l’ex-reine de beauté espagnole, Carmen Cervera avait été déterminante.

En fait, l’installation en Espagne de la seconde collection privée la plus importante au monde – après celle de la reine Elisabeth d’Angleterre – avait permis au couple Thyssen de s’attirer les bonnes grâces de la maison royale espagnole.

Dès lors, les Thyssen abandonnaient leur résidence luganaise pour s’installer définitivement en Espagne. Où Hans-Heinrich Thyssen-Bormemisza, fils du fondateur de la collection, est mort en avril 2002, à l’âge de 81 ans.

Fermeture de la pinacothèque

Entre-temps, la Villa Favorita, sise dans le golfe de Lugano-Castagnola, perdait lentement de son importance. Les quelques manifestations organisées jusqu’au milieu des années 90 par la fille du baron, Francesca, devenue archiduchesse von Habsbourg après son mariage avec le petit-fils du dernier empereur d’Autriche-Hongrie, ne suffisaient pas à justifier son ouverture au public.

Les années passant, plusieurs acheteurs potentiels ont manifesté leur intérêt pour cette propriété qui comprend, outre la bâtisse principale, onze autres édifices éparpillés dans un parc de 50’000 m2! Un groupe italien notamment, proche du Premier ministre Silvio Berlusconi, était sur les rangs.

Aujourd’hui, la ville de Lugano et le canton du Tessin sortent enfin de leur léthargie. Ils ont annoncé officiellement, jeudi à Lugano, l’ouverture de négociations pour la reprise de Villa Favorita.

«Nous discutons de la possibilité de reprendre la propriété, si possible par le biais d’un contrat de location-vente à long terme, depuis que la baronne a déposé une demande de construction pour la transformation de la propriété» explique Giorgio Giudici, maire de Lugano.

En effet, en mai 2003, Carmen Thyssen-Bornemisza demandait à la ville d’accepter un projet d’agrandissement signé par un architecte de Bellinzone. Le projet prévoyait la transformation de la zone proche du lac, et la construction, dans le haut du parc, de quatre villas destinées à être louées ou vendues.

Le canton est aussi sur les rangs

«La zone vers le lac est placée sous la protection de la commission cantonale des biens culturels ainsi que des commissions fédérales de protection des monuments historiques et du paysage. Cette zone est d’intérêt public et c’est celle que nous convoitons», ajoute le maire de Lugano.

Le canton aussi est sur les rangs. Marco Borradori, directeur du département cantonal du territoire, a indiqué jeudi que la baronne Thyssen a accepté de renoncer à une partie de son projet d’agrandissement pour laisser la zone proche du lac disponible. «La baronne, a déclaré M. Borradori, est prête à traiter avec la ville et le canton même si des privés sont sur les rangs».

La Confédération doit participer à l’opération

Reste à savoir à quelles conditions. Tant la ville et le canton ont hâte de trouver un accord. Mais les finances communales et cantonales sont loin d’être florissantes. «La Confédération doit participer à l’opération vu qu’elle a mis la propriété dans les sites à protéger» estiment Giorgio Giudici et Marco Borradori.

Des contacts ont déjà été pris avec David Streiff, chef de l’Office fédéral de la culture jusqu’à la fin de l’année et avec Pascal Couchepin, directeur du département fédéral de l’intérieur.

A ce propos, le maire de Lugano a rappelé que dans une lettre adressée en décembre dernier à la propriétaire de l’ex-pinacothèque, Pascal Couchepin exprimait ses doutes sur une éventuelle vente à des privés. «La Confédération est aussi intéressée à la Villa, il suffira de voir comment elle interviendra».

Si la Villa Favorita devenait effectivement une propriété publique, elle pourrait être utilisée pour accueillir le musée que la ville de Lugano avait prévu d’édifier sur l’emplacement de l’ex-hôtel Palace. Le projet dans ce sens a été momentanément suspendu. Elle pourrait aussi organiser des manifestations culturelles et des expositions temporaires.

«Les coûts de gestion d’une telle propriété s’élèvent à environ un million de francs par année» ajoute Marco Borradori, «il faut être sûrs de parvenir à les assumer». Dix personnes à plein temps, dont cinq jardiniers, s’occupent actuellement de l’entretien de la villa, dont le prix oscille entre 50 et 60 millions de francs.

Un mécène offre un million

«Une location-vente à long terme serait idéale» concluent les représentants du canton qui sont bien décidés « à ne pas faire de cadeau à la propriétaire. «D’autant plus, lance Giuliano Bignasca, conseiller municipal de Lugano, qu’il y a une dizaine d’années, la baronne est partie en claquant la porte, sa collection sous le bras!»

Entre-temps, un mécène tessinois octogénaire a annoncé jeudi qu’il mettait un million de francs à la disposition des autorités communales et cantonales pour entamer les pourparlers.

«Ce serait une honte que Lugano et le Tessin ne réussissent pas à mettre la main sur la Villa Favorita», constate-t-il.

swissinfo, Gemma d’Urso à Lugano

La Villa Favorita a été construite en 1678 par la famille von Beroldingen.
Elle s’étend le long de la rive du lac de Lugano sur près d’un kilomètre.
La propriété comprend la bâtisse principale, ex-pinacothèque, et 11 autres édifices éparpillés dans un parc de 50’000 m2 à la végétation méditerranéenne.

– La Villa Favorita appartient aux Thyssen-Bornemisza depuis 1930. Le père du baron Hans-Heinrich Thyssen-Bornemisza l’avait achetée pour y installer sa collection de tableaux de maîtres, alors à ses débuts.

– En 1992, la plus grande partie de la collection a été transférée à Madrid. Elle est devenue propriété de l’état espagnol.

– Vers la fin des années 90, la pinacothèque a été définitivement fermée au public.

– La Villa Favorita est placée sous la protection cantonale des biens culturels et sous celle des commissions fédérales du patrimoine historique et de protection du paysage.

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