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Un duo à la conquête des maharajahs

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Le violoniste Thomas Schrott et le pianiste Daniel Bosshard sont en tournée en Inde. C'est la 6ème fois qu'ils y jouent. Leur duo s'est formé il y a bientôt 15 ans, à Bombay. Depuis, les deux musiciens n'ont jamais tourné le dos au sous-continent.

C’est un palais digne des mille et une nuits : des jardins suspendus, des dizaines de terrasses et d’alvéoles illuminés à la bougie, une vue sur la campagne indienne à couper le souffle…Nous sommes à l’hôtel Neemrana, une ancienne forteresse du 15ème siècle censée protéger les portes du Rajasthan, aujourd’hui transformée en hôtel.

Voilà le cadre du concert de Daniel Bosshard et Thomas Schrott, ce soir. «Je crois que c’est un des plus beaux endroit qu’on ait vus en Inde», lance admiratif Thomas, le violoniste. «D’ailleurs, on a décidé de rester une nuit de plus ici, pour en profiter…» ajoute son acolyte, accompagné d’un petit clin d’œil.

Le duo a été invité à jouer pour unique représentation dans cet hôtel de luxe – la première étape de leur tournée en Inde. Au programme : Mozart, Kreisler et leur touche personnelle – Robert Gund, un compositeur suisse totalement inconnu du grand public. «A chaque fois, on tient à jouer un compositeur helvétique. C’est important pour nous de faire connaître ce patrimoine musical rarement joué mais très riche», explique Daniel Bosshard.

Du Lac des Quatre Cantons à l’Océan Indien

Les deux hommes se sont connus dans un ensemble de musique basé à Lucerne. Mais leur premier concert en duo, ils l’ont donné à Bombay. «C’est un hasard, je voulais venir en Inde. Je suis tombé sur des représentants du Taj Mahal et je leur ai demandé s’ils organisaient des concerts. Ils m’ont répondu que non mais qu’ils connaissaient des salles qui pouvaient être intéressées», se rappelle le violoniste.

C’est comme ça qu’ils ont pu jouer à New Delhi, Pune, Bangalore, Calcutta, Goa et maintenant au Rajasthan : «on se sent bien dans ce pays, les gens sont tellement accueillants envers les musiciens».

Mais pour travailler en Inde, il faut savoir s’adapter ! Les horaires locaux n’ont pas grand-chose à voir avec la ponctualité helvétique : «parfois une heure avant le concert, il n’y a toujours pas de piano. Il faut apprendre à ne pas s’en faire car il finit toujours par arriver et personne ne se plaint si le concert commence avec une heure de retard», sourit Daniel.

Juste pour la musique

Autre surprise pour les deux voyageurs : les répétitions à sept heures du matin. «Ici, c’est presque impossible pour les musiciens de vivre de la musique classique, du coup même les ensembles les plus prestigieux répètent avant leur journée de travail… certains vont au bureau après et les plus chanceux gagnent leur vie en jouant les bandes sons des films de Bollywood.»

Car rares sont les amateurs de « western classical music » – comme les indiens appellent notre musique classique, en opposition à la leur, à base de tablas et de cithares. «Il y a moins de douze dates par an pour écouter du classique dans une capitale comme Delhi !», s’exclame notre duo.

C’est justement cette démarche – faire découvrir – qu’apprécient les deux compères. « A la fin des concerts, les gens viennent nous voir, ils sont très émus. Les Européens baignent dans la musique classique depuis leur enfance, pour eux Mozart c’est un acquis, alors qu’ici c’est parfois une première » explique le pianiste. Et Thomas Schrott d’ajouter : «Chez nous, on va à un concert écouter tel nom, tel chef d’orchestre. Ici, le public vient juste pour la musique.»

A la découverte de Mozart

Ce soir le public est composé de novices : des indiens fortunés, en week-end dans la région profitent du concert du jour. «C’est la première fois que je vois quelqu’un se servir de l’espace entre son menton et son épaule pour jouer d’un instrument de musique», explique Prashant, un trentenaire encore charmé par le violon.

«Dans la musique classique indienne, il y a la même recherche d’harmonie, de complicité entre les deux musiciens» ajoute son épouse.

De l’andante de Mozart aux passages beaucoup plus tristes de Gund, les spectateurs néophytes apprécient. Abhishek est ravi : «J’avais déjà écouté des CD de musique classique européenne mais en concert, c’est la première fois. C’est tellement plus impressionnant !»

Son voisin, lui, s’excuse à l’avance : «On ne connaît pas cette musique, vous savez…Quand je vais à des concerts de musique classique indienne, je suis capable d’apprécier la technique, l’écriture musicale. Mais ici, pour moi, tout est nouveau.»

Le public n’était pas nombreux mais cela n’entame pas l’enthousiasme du duo : ils sont heureux d’être en Inde et de faire partager leur goût de la musique européenne. Daniel s’est même lancé dans l’apprentissage de l’hindi.

Au bout de dix séjours dans le pays, il a décidé de prendre des cours privés intensifs. «Maintenant, je connais les bases. Je peux même me débrouiller seul au marché !», s’exclame-t-il tout fier.

swissinfo, Miyuki Droz Aramaki, New Delhi

Originaire du canton d’Argovie. Il joue du piano depuis qu’il a six ans.
Instruments. Le musicien joue aussi de l’orgue et du clavecin.
Pendant dix ans il a été membre du «Festival Strings Lucerne».
Professeur. Aujourd’hui il enseigne à l’université de Zurich.

14 ans. Daniel Bosshard et Thomas Schrott ont commencé à jouer ensemble en 1995.

Pro Helvetia. Depuis, ils ont effectué six tournées en Inde et ont joué en duo en Suisse et au Bahrein, des voyages rendus possibles grâce au soutien économique de Pro Helvetia.

Naissance à Milan. Il a aussi commencé par jouer du piano à l’âge de cinq ans avant de se tourner vers le violon.
Lucerne. Après avoir étudié en Italie, à New York, Salzburg et Nice, il est arrivé en Suisse, pour jouer au « Festival Strings Lucerne ».
C’est là qu’il a connu Daniel Bosshard.
Concerts. Il partage son temps entre des cours de musique qu’il donne à Milan, le «Festival Strings Lucerne» avec lequel il joue depuis 15 ans et des concerts ou des tournées.

Bangalore: le 10 février 2009 à la St-Marks Cathedral
Pune: le 12 février 2009 au Mazda Hall, Dastur School

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