
«Un enthousiasme qui n’aura duré que le temps de la fête»
Il y a dix ans, l’une de nos journalistes vivait dans l’ancienne capitale est-allemande. Elle a donc vécu la folle nuit où le Mur de Berlin s’est effondré. Et des lendemains qui ont très vite déchanté.
Il y a dix ans, l’une de nos journalistes vivait dans l’ancienne capitale est-allemande. Elle a donc vécu la folle nuit où le Mur de Berlin s’est effondré. Et des lendemains qui ont très vite déchanté.
La chute du Mur a été un événement spectaculaire et d’une émotion intense. Mais, pour les Berlinois de l’Ouest notamment, cela n’a pas été véritablement une surprise.
Plusieurs mois avant la chute du Mur, les autorités et la presse ouest-allemandes avaient remis au goût du jour la Grande Allemagne, celle d’avant la guerre. Et la population, elle, évoquait de plus en plus fréquemment ces frères de l’Est qui allaient bientôt retrouver le goût de la liberté. Au point qu’on s’était même préparé à les accueillir.
Ainsi, on avait déjà ouvert, à plusieurs reprises, la frontière entre les deux Berlin. Des moments privilégiés pendant lesquels les magasins étaient restés ouverts tard le soir et même le dimanche. En fait, ceux de l’Ouest voulaient montrer aux «Ossies» leur paradis capitaliste et sa société de consommation.
Le rêve en question deviendra une réalité pour tous le jour de la chute du Mur. Un événement dont profitera la planète entière grâce à une opération médiatique soigneusement orchestrée.
Les Berlinois de l’Est ont alors commencé à déferler en masse sur Berlin-Ouest… à pied. Alors que le ciel était d’un gris d’acier, qu’un vent froid soufflait, les foules en délire hurlaient de joie, chantaient dans les rues, les Allemands – ceux de l’Ouest comme de l’Est – s’embrassaient. Et la bière coulait à flot.
C’était comme si on venait d’annoncer la fin de la guerre. Les Berlinois de l’Ouest invitaient leurs frères de l’Est dans les bistrots. Tout le monde racontait sa vie jusqu’à plus soif.
Mais l’enthousiasme n’aura duré que le temps de la fête. Très vite, les patrons ont compris qu’ils pouvaient disposer d’une main d’oeuvre meilleur marché. Très vite, les Berlinois de l’Ouest ont eu peur pour leurs places de travail. Et très vite les frères du Grand Soir sont devenus des faux frères.
Les Allemands de l’Ouest se méfiaient à nouveau de ceux de l’Est. Ils les traitaient comme des voleurs qu’il fallait surveiller. Et c’était facile, car une quarantaine d’années seulement avaient suffi à faire des «Ossies» un autre peuple, pas seulement vêtu différemment, mais aussi physiquement plus petit et râblé, parlant un autre allemand, avec un autre accent.
Bref, une fois passé l’enthousiasme suscité par le vent de la liberté, ceux de l’autre côté du Mur sont redevenus des Allemands de l’Est.
Catherine Miskiewicz

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