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Zurich: dada ou pas dada?

Depuis février, un Cabaret Voltaire new look. Keystone Archive

Zurich tente de récupérer le Cabaret Voltaire, lieu où fut fondé le mouvement dada. Se transformera-t-il en pharmacie ou en centre culturel?

1 Spiegelgasse, quartier du Niederdorf, Zurich. 1916. Le poète Hugo Ball et sa compagne fondent un lieu nommé le Cabaret Voltaire. Ils vont servir de catalyseurs à un mouvement qui marquera la culture du 20e siècle. Autre agent déclencheur: Tristan Tzara, poète secoué et perturbateur d’origine roumaine, qui a quitté sa France adoptive pour cause de Première guerre mondiale.

C’est au Cabaret Voltaire que Tzara et ses amis (Arp, Janco, Huelsenbeck) vont créer le «dadaïsme». Mouvement artistique et subversif, qui, politiquement, s’oppose à la grande boucherie mondiale comme au matérialisme ambiant et, culturellement, prétend se couper de toutes références au monde ancien. Leurs armes: le doute, la rupture, la provocation, la dérision, voire le nihilisme.

Moment-charnière de la culture du siècle dernier: car même si les surréalistes ont rompu avec le mouvement dada en 1922, c’est bien du dadaïsme qu’est né le surréalisme.

Retour au matérialisme

Longtemps, le bâtiment du 1 Spiegelgasse a abrité bistrots et night-clubs. Mais en 2001, une compagnie d’assurance, la Rentenanstalt/Swiss Life, achète l’immeuble. Elle veut en faire des logements, et au rez-de-chaussée, une pharmacie.

Résultat: depuis février de cette année, c’est l’effervescence dans les milieux culturels et underground zurichois. Des artistes suisses et étrangers occupent la maison et y organisent lectures, concerts et autres expositions – dans le ton libertaire requis par les lieux. Leur but: faire de l’ensemble de la maison un lieu consacré à la culture dada, avec des ateliers aux étages supérieurs.

Mais voilà. Les travaux de rénovation doivent commencer le 2 avril. Les jeunes artistes qui occupent et animent le lieu se réjouissent déjà à l’idée d’assister à un «grand spectacle policier», a confié à l’ats leur porte-parole, qui se fait appeler «Santa Lucia». La police pourrait effectivement intervenir «manu militari».

La réaction zurichoise

La ville de Zurich n’a pas été sourde aux appels des fils et des filles de dada. Elle tente de récupérer le Cabaret Voltaire pour en faire un centre culturel. Le propriétaire de la maison, la Rentenanstalt/Swiss Life, lui a donné jusqu’à fin avril pour présenter un concept «convaincant».

Celui-ci doit détailler les institutions responsables de la gestion, les moyens de financement et les formes données à cette utilisation culturelle, ont indiqué mercredi la municipalité et le propriétaire dans un communiqué commun. Toutefois, seuls les deux étages inférieurs pourront être réservés à la culture.

Tout en regrettant que la ville ne les ait pas encore contactés pour prendre connaissance de leur concept, les artistes-squatters trouvent «positif» que la municipalité cherche des solutions pour une utilisation culturelle du Cabaret Voltaire.

A leurs yeux, la compagnie d’assurance devrait faire cadeau du bâtiment à Zurich, car «il fait partie du patrimoine culturel mondial». Qu’auraient pensé Tristan Tzara et ses copains frappadingues du concept de «patrimoine culturel mondial»?

swissinfo/Bernard Léchot

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