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Le Parlement veut davantage de contrôle sur la politique étrangère suisse

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Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis pendant le débat sur la politique étrangère au Parlement. © Keystone / Alessandro Della Valle

La politique étrangère est lente par nature. C'est particulièrement vrai pour la Suisse. Mais lorsqu'une crise survient, le pays peut sembler inerte. La session actuelle montre clairement l’ambition du Parlement d'intervenir.

Lorsque la Russie a attaqué l’Ukraine, le gouvernement suisse a semblé surpris et dépassé. Pendant des jours, il a cherché une position claire et lisible. Et il a fait de même lorsque des émeutes ont éclaté dans les rues d’Iran fin 2022.

La situation est délicate, car la Suisse représente l’Iran aux États-Unis – et inversement. Doit-elle, en tant que puissance protectrice, nommer et condamner publiquement les brutalités? Elle hésite encore, et préfère mettre en avant les effets d’un dialogue discret.

En 2021, la Suisse a aussi agi de manière totalement illisible vis-à-vis de l’Union européenne. Pendant des années, elle avait négocié amicalement avec Bruxelles, avec un souci du détail frisant l’obsession. Puis elle a tout laissé tomber, mettant fin unilatéralement aux négociations sur un accord-cadre. Bruxelles ne comprenait plus Berne.

Plus de participation demandée

En Suisse aussi, on s’est frotté les yeux, en particulier dans les commissions de politique extérieure du Parlement. Les politiciens et politiciennes bien connectés au niveau international ont vu dans cette rupture brutale des négociations un acte erratique du Conseil fédéral, qui a créé une situation irréversible, sans tenir compte du peuple et de ses représentants et représentantes.

Est-ce encore démocratique?

La rupture des négociations a eu lieu pendant la pandémie de Covid-19. Peu avant, le Conseil fédéral avait mis en place un régime de droit d’urgence afin de pouvoir édicter rapidement des décrets de crise. Mais pour la plupart des parlementaires, la politique étrangère devait être différente. Consolidée, ou mieux encore: pilotée.

Lors de la session de printemps en cours, le Parlement s’est penché sur ce malaise. Quatre interventions ont été déposées, toutes sur le même ton: le gouvernement doit se concerter plus étroitement avec les parlementaires.

Reflet de l’état d’esprit suisse

Dans le dossier européen, «la Commission de politique extérieure s’est sentie ignorée», a déclaré sa porte-parole Christa Markwalder. Elle a exigéLien externe qu’à l’avenir, la stratégie européenne du Conseil fédéral ne soit plus simplement communiquée au Parlement. Celui-ci devrait également pouvoir donner formellement sa bénédiction – ou la refuser.

C’était en prélude à un débat de fond sur les avantages et les inconvénients d’un rapprochement plus ou moins grand avec l’Europe. «Dans ce dossier, nous manquons de temps», a argumenté Christa Markwalder.

Le vote a été extrêmement serré: 96 oui contre 94 non, confirmant un diagnostic du géographe politique Michael Herrmann: «Le débat sur l’Europe reflète l’état d’esprit de la Suisse. C’est toujours environ 50/50».

Le débat sur l’Europe s’est poursuivi avec la deuxième intervention de la Commission de politique extérieure. Celle-ci demande que la Suisse entame immédiatement des négociations avec l’UELien externe. «Les conséquences choquantes du Brexit montrent ce qui se passe en Suisse au ralenti», a averti le porte-parole de la Commission, Roland Fischer (Verts libéraux).

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Le conseiller national vert libéral Roland Fischer veut des négociations avec l’UE. © Keystone / Alessandro Della Valle

Pour beaucoup, cela va trop lentement

Actuellement, la Suisse ne mène que des entretiens exploratoires avec l’UE. Elle veut savoir ce qui pourrait faire l’objet de négociations. Pour beaucoup, c’est trop lent.

Dans l’autre camp, c’est surtout la droite qui appelle à la patience: «La Commission de politique extérieure essaie toujours de mener elle-même les négociations au lieu de laisser faire le Conseil fédéral», a déclaré le PLR Christian Wasserfallen, volant à la rescousse de son conseiller fédéral Ignazio Cassis. «La lenteur est un atout pour notre pays», a ajouté Roger Köppel, UDC. Une fois de plus, la décision a été prise de justesse: 98 non contre 90 oui et 8 abstentions.

Et ce n’est pas tout: la Commission de politique extérieure a encore demandé plus de participationLien externe. La répartition des compétences en matière de politique étrangère entre le Parlement et le Conseil fédéral «fait l’objet de discussions depuis de nombreuses années», a rappelé le Socialiste Fabian Molina. «En règle générale, le Conseil fédéral s’est opposé avec succès à un suivi plus étroit par l’Assemblée fédérale», a-t-il ajouté.

Sur le fond, le Conseil fédéral avait déjà accédé à la demande en amont de cette session. Cela a conduit à une adoption sans discussion de la motion.

Durcissement de la position contre le régime iranien?

Finalement, le Parlement a encore remis le Conseil fédéral à sa place dans un autre dossier. Le gouvernement devrait soutenir la société civile iranienneLien externe et reprendre les sanctions contre l’Iran décidées par l’UE en raison des violations des droits de l’homme dans ce pays.

Lors du débat, le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, a plaidé en vain pour une autre approche, celle d’un «rôle particulier de tierce partie constructive». «Nous utilisons sciemment notre marge de manœuvre en politique étrangère pour nous positionner de manière autonome dans le sens de ce rôle particulier, y compris en ce qui concerne la reprise de sanctions», a déclaré le chef de la diplomatie.

Mais il n’a pas été suivi: la motion a été acceptée par 105 voix contre 65 et 8 abstentions.

Avec les deux autres, le texte va maintenant au Conseil des États. Ce ne sont pas encore des lois, mais le débat est amorcé.

Traduit de l’allemand par Marc-André Miserez

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