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UBS a bel et bien appelé l’Etat au secours

Keystone

Alors qu'il espérait encore la semaine dernière trouver des fonds sur le marché, le numéro un bancaire helvétique s'est résolu dimanche à demander l'aide de l'Etat. Aide accordé sous conditions, et qui suscite déjà les critiques.

UBS est l’établissement le plus embourbé d’Europe dans la crise américaine des subprimes. Qu’à cela ne tienne, depuis des semaines, les autorités suisses répètent que leurs banques sont suffisamment capitalisées.

Et soudain, les voilà qui volent au secours de la plus grande.C’est elle-même qui a appelé au secours. Ministre des Finances par intérim, Eveline Widmer-Schlumpf a révélé jeudi qu’UBS a commencé par informer oralement la Commission fédérale des banques (CFB), avant de déposer une demande écrite auprès de la même CFB, de la Banque nationale (BNS) et du Conseil fédéral (gouvernement).

Pourquoi ? UBS a laissé beaucoup de plumes dans les crédits immobiliers pourris aux Etats-Unis. Leur effondrement a obligé la banque à biffer plus de 42 milliards de dollars de son bilan, correspondant à des tranches de titres de propriété qui ne valent plus rien.

En une année, l’action UBS a perdu plus de 60% de sa valeur en bourse et le géant a annoncé la suppression de 6000 emplois. Et ce n’est pas fini: la banque a encore dans ses portefeuilles pour près de 60 milliards de francs d’«actifs illiquides», soit de titres qui – pour l’instant en tous cas – ne se vendraient même pas au prix du papier sur lequel ils sont imprimés.

Malgré la recapitalisation réussie en février de cette année (13 milliards de francs d’argent frais, dont 11 venus de Singapour), malgré les assurances du Conseil fédéral, la confiance des clients même commence à s’effriter: au troisième trimestre 2008, la banque a enregistré des sorties de capitaux de plus de 49 milliards. Un record.

Aveuglés par le profit à court terme

Comment le fleuron de la place financière suisse en est-il arrivé là ? Dans son rapport d’enquête publié jeudi, la CFB parle d’«organisation défaillante, dans un environnement de marché exceptionnel». Selon elle, c’est la conjonction de ces facteurs et «une insuffisante identification des risques» qui ont entraîné ces «conséquences catastrophiques».

En termes plus clairs, la Commission note que «l’attention insuffisante portée aux risques cachés liés à la croissance du bilan ainsi qu’une confiance excessive dans les mécanismes de mesure des risques existants apparaissent, rétrospectivement, comme un grave manquement de la part de la banque».

L’enquête de la CFB n’a cependant mis au jour aucun élément qui permettrait de conclure que les organes actuels ne présenteraient pas toutes les garanties d’une activité irréprochable.

Quant à la banque elle-même, elle admet dans sa propre analyse «une série de manquements dans la gestion des risques», mais n’estime pas avoir commis «d’erreurs de stratégie».

Nettoyer le bilan

L’intervention des autorités va donc servir à «nettoyer» le bilan d’UBS. Le gouvernement injecte six milliards, qui lui permettront de détenir près de 9% du capital de la banque et la BNS crée un fonds pour accueillir les actifs «à problèmes», dont elle finance l’achat grâce à un prêt à long terme de 62 milliards de francs.

Derrière un montage financier dont les subtilités semblent accessibles aux seuls experts, le président de la BNS Jean-Pierre Roth assure que le deal n’est «pas un cadeau à l’UBS, mais une transaction conforme au marché». Car ce prêt portera intérêt et les actifs repris de la BNS «ne sont pas dénués de toute valeur».

Quant à la participation de la Confédération, elle «ne devrait pas avoir de répercussions négatives pour les contribuables», promet Eveline Widmer-Schlumpf. Berne a les réserves nécessaires pour s’offrir des actions UBS et se donne 30 mois pour les revendre… si possible avec un bénéfice.

Un optimisme que les Genevois apprécieront, eux qui payent encore aujourd’hui pour leur Banque cantonale, à laquelle l’Etat avait racheté en 2000 pour 5 milliards de crédits immobiliers douteux…

Moins de dix millions de salaire

«Il n’aurait pas été possible de trouver des investisseurs privés pour couvrir tous les composants de la crise, seule la Confédération le pouvait», se réjouit Marcel Rohner, patron d’UBS.

La Confédération qui, en plus des clauses strictement techniques d’octroi des crédits, met encore à son engagement quelques conditions supplémentaires, comme d’avoir un droit de regard sur les indemnités des cadres.

«Il s’agit d’intégrer les standards internationaux, mais aucun plafond n’a été fixé», admet Peter Kurer, président d’UBS. Et de préciser qu’au vu de la perte que la banque enregistrera en 2008, il ne touchera pas de bonus. Quant à son salaire, il sera «inférieur à dix millions de francs».

Plutôt mitigé

De quoi faire bondir le Parti socialiste, qui n’acceptera pas «sans condition» le plan d’action du Conseil fédéral. «Il faut poser des conditions claires aux banques, notamment sur la question des bonus», exige son président Christian Levrat.

Pour les radicaux (droite), la situation est exceptionnelle et les mesures doivent l’être aussi. Le parti est néanmoins «consterné» par les «erreurs de gestion» d’UBS et demande la restitution des bonus. Et d’emprunter à la rhétorique de gauche pour refuser que «les pertes provoquées par une politique d’entreprise erronée soient socialisées et transmises aux contribuables».

Pour l’UDC (droite nationaliste), le paquet de mesures était «incontournable». Plusieurs dizaines de milliers de PME sont clientes d’UBS et environ un cinquième de l’épargne des Suisses y est déposée. La disparition de la banque aurait donc «des conséquences intolérables pour l’économie».

Quant aux Verts, ils demandent «des conditions beaucoup plus strictes». Les bonus doivent être supprimés et les salaires des dirigeants des banques réglementés de manière plus précise. Les écologistes exigent en outre des mesures rétroactives pour récupérer «les millions de bonus versés l’année passée encore à Marcel Ospel (ancien patron d’UBS) et à ses amis».

swissinfo, Marc-André Miserez et les agences

Ce n’est pas la première fois que la Confédération doit décider dans l’urgence de voler au secours de l’économie. Mais la comparaison avec l’affaire Swissair «n’est pas pertinente», estime Eugen Haltiner, président de la Commission fédérale des banques. Contrairement à la compagnie aérienne qui s’est retrouvée sans le sou, UBS est «bien capitalisée». Et les instances concernées ont été informées de l’évolution de la situation de la banque depuis début 2007.

Pour le président de la Banque nationale Jean-Pierre Roth également, les deux cas sont très différents. Actuellement, il s’agit de venir en aide au secteur financier, qui joue un rôle déterminant pour la Suisse. Le plan annoncé jeudi est nécessaire vu la dégradation des perspectives économiques.

«L’Etat est au service de la société et il y a des moments où il doit intervenir», affirme quant à lui le président de la Confédération Pascal Couchepin. Et de justifier dans le même temps le recours à une ordonnance directement basée sur la Constitution, seul moyen pour le Conseil fédéral de prendre des mesures urgentes dans la logique du système politique suisse.

Credit Suisse, la deuxième grande banque du pays, qui a jusque-là traversé la crise sans devoir recourir à une augmentation de capital, doit à son tour s’y plier pour renforcer ses fonds propres.

Il lèvera donc 10 milliards de francs auprès d’investisseurs privés. Son principal souscripteur est Qatar Holding, filiale entièrement aux mains du fonds souverain d’investissement de l’émirat du Qatar.

La banque avait déjà annoncé voici quelques jours l’entrée de la société de participation israélienne Koor Industries à hauteur de 3% et celle de la banque américaine Morgan Stanley à hauteur de 6,87%.

Comme la veille, et comme les autres places européennes, la Bourse suisse a de nouveau piqué du nez en fin de séance jeudi. Sur la journée, l’indice SMI de ses 20 valeurs vedettes a perdu 3,26%.

Les mesures annoncées par le gouvernement n’ont pas dopé les titres des deux grandes banques, dont l’évolution a été très volatile. UBS termine en baisse de 4,9% et Credit Suisse en baisse également, de 0,9%.

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