Ex-prostituée, elle écope de 3 ans pour avoir soutiré 1,8 million

(Keystone-ATS) Le tribunal de l’Est vaudois n’a pas cru mardi l’ancienne travailleuse du sexe accusée d’escroquerie. Un client ingénieur agronome avait déposé plainte contre elle après avoir accepté de lui prêter de grosses sommes d’argent, jusqu’à s’endetter.
La Cour correctionnelle de Vevey (VD) a rendu son verdict mardi après-midi: l’ancienne prostituée de 59 ans doit être reconnue coupable d’escroquerie par métier et dénonciation calomnieuse pour avoir grugé un ex-client pour quelque 1,8 million de francs.
« On ne peut pas établir que le plaignant a dépensé ces fonds pour autre chose: le tribunal a acquis l’intime conviction que les faits sont exacts, tant sur le principe que les quotités », a déclaré la présidente Sandrine Osojnak, avant de prononcer une peine de 3 ans de prison, dont 12 mois ferme. Et d’allouer une indemnité de 5000 francs au plaignant pour tort moral.
« Elle est allée trop loin »
« Le sursis partiel lui permettra de se rendre compte qu’elle est allée trop loin, et la dissuadera de recommencer », a justifié la magistrate. Les trois juges ont également condamné la quinquagénaire, « au train de vie totalement dispendieux » en dépit de revenus professionnels « anecdotiques » et endettée pour près d’un million de francs, à indemniser le plaignant pour tort moral à hauteur de 5000 francs, ainsi qu’un « paiement immédiat » de 1,274 million de francs.
Le plaignant, un ingénieur agronome à la retraite, est lourdement endetté depuis sa rencontre avec la prévenue d’origine italienne en 2008. Il est renvoyé à agir au civil pour le solde de quelque 530’000 francs.
« Naïveté »
Ce demi-million de francs est issu d’une succession de prêts, consentis sur une durée de quatre ans et comprenant les trois quarts de son 2e pilier ainsi que le paiement de factures de cartes de crédit de la travailleuse du sexe. La Cour a estimé que cette somme n’est pas le fruit d’une escroquerie au sens pénal du terme.
« Le plaignant savait que Madame était une péripatéticienne et que sa situation financière était catastrophique », a détaillé la présidente Osojnak. « Il a pris des risques, et a notamment eu d’autres avantages en contrepartie – une compagnie amicale ». Le tribunal est d’avis que le retraité « a fait preuve d’une certaine naïveté ».
Les juges estiment en revanche qu’il y a eu tromperie en lien avec le total de 1,274 millions de franc remis à l’ex-prostituée à titre d’investissement dans une société offshore gérée par son ex-mari qui faisait miroiter des taux de rendement de 5 à 8%. « Il s’avère que cette société n’existe pas, et l’accusée a établi un édifice de mensonges en faisant semblant d’avoir un directeur au téléphone, ou en faisant semblant d’aller à la banque déposer des fonds », a poursuivi la présidente.
Appel « probable »
Un appel du Ministère public est jugé « probable », a confié le procureur Olivier Jotterand à Keystone-ATS, qui avait requis une peine de quatre ans et demi de prison ferme.
« Je ne suis pas d’accord avec tous les éléments avancés par le tribunal, mais les juges ont fait un travail intelligent, en procédant à une analyse assez précise et motivée », a réagi pour sa part l’avocat de la défense, Me Philippe Rossy, qui avait plaidé l’acquittement.
« Etre condamné à de la prison ferme quand on a le sentiment de n’avoir commis aucune infraction, c’est toujours trop sévère. Nous pourrons cependant peut-être trouver des modalités d’exécution de la peine qui soient gérable pour ma cliente », a-t-il ajouté