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Léopard d’or: la Suisse en lice avec un polar

L'enquête de Karine Mangin (Emmanuelle Devos) est aussi celle d'une génération sur une autre.

'Complices', du réalisateur valaisan Frédéric Mermoud, est le seul film helvétique à figurer dans la compétition du Festival du film de Locarno. Cette co-production franco-suisse y affronte 17 autres longs-métrages.

«Ce n’est pas un film obsédé par l’intrigue et l’enchaînements d’événements, mais plutôt par l’enchaînement d’émotions et de ressentis et par les quêtes des personnages», confie le réalisateur Frédéric Mermoud à propos de Complices.

Pour qualifier son premier long métrage qui donne dans le genre policier, le Valaisan parle donc de «film de personnages», car «ce sont eux qui sont au centre de chaque séquence et c’est ce qui fait avancer l’histoire et qui retient l’attention de la caméra.»

L’histoire? Celle d’un amour à la vie à la mort entre Rebecca et Vincent, dont le corps est retrouvé dans le Rhône. Le commissaire Hervé Cagan et sa coéquipière Karine Mangin doivent alors mener l’enquête et tenter de comprendre le cheminement chaotique et passionné des deux post-adolescents.

Co-production franco-helvétique, Complices est le seul long-métrage suisse dans la compétition pour le Léopard d’or. Un film pour lequel, comme de coutume lorsqu’un réalisateur romand veut donner de l’ampleur à son générique, Frédéric Mermoud, qui d’ailleurs habite Paris, s’est tourné vers la France.

Après la paire Isabelle Huppert et Olivier Gourmet dans Home d’Ursula Meier, c’est sur le duo Emmanuelle Devos – qui jouait déjà dans Le Créneau, un court métrage réalisé par le cinéaste suisse en 2007 – et Gilbert Melki que repose Complices.

Amours adolescentes

Passion, prostitution, crime et suspense. Tous les ingrédients classiques du film policier y sont, mais Frédéric Mermoud a tenu à concentrer son attention sur le versant humain. Via le polar, il revient en effet aux amours adolescentes, un thème qui lui est cher.

En 2003, L’Escalier – Pardino d’or (petit Léopard d’or) à Locarno – mettait ainsi en scène deux adolescents qui s’aimaient entre les étages d’un immeuble. Le suivant, Rachel, reprenait en titre le nom de la protagoniste de L’Escalier pour raconter l’histoire d’une soirée de baby-sitting qui vire à la fête improvisée.

Visage de l’adolescente amoureuse dans ces deux courts métrages, la jeune actrice française Nina Meurisse est à nouveau à l’affiche de Complices, où elle joue Rebecca.

«J’avais envie de retravailler le portait de jeune femme que j’avais abordé dans ces deux courts métrages. Et puis l’envie de faire un film de genre était aussi présente», explique le réalisateur. En guise de point de départ, un fait divers survenu en France il y a quelques années: des étudiants d’une école de commerce qui avaient mis en ligne des annonces de prostitution pour des amis plus jeunes.

Age solaire

«Aujourd’hui, les jeunes ont un rapport très décomplexé au corps et au sexe, mais en même temps, ils gardent une maturité affective et des désirs amoureux qui sont propres à leur âge», souligne Frédéric Mermoud, qui se défend pourtant d’avoir voulu dresser un état des lieux sociologique.

Derrière les scènes et les propos parfois crus, c’est la vérité de ses personnages qu’il a cherché à atteindre. «Je voulais éviter que les scènes de passe soient glauques. Elles ont été très préparées en amont, au niveau des découpages et des comédiens, et j’ai cherché à filmer tout le temps en fonction de ce que le personnage ressent.»

Car le réalisateur se dit en fait fasciné par le côté «lumineux, solaire» des jeunes gens qui sortent de l’adolescence. «C’est un âge fascinant parce qu’il est traversé par une énergie très forte, où tout semble possible et où tout peut prendre des proportions ou très grandes ou complètement dérisoires. Tout y est vécu de manière très intense», poursuit-il.

Un film documenté

En contrepoint, le binôme Gilbert Melki-Emmanuelle Devos incarne l’âge adulte. Prisonniers d’une certaine routine, en proie au désarroi affectif, les deux policiers représentent «l’autre facette de la même pièce.»

«Le fait que ces deux mondes se répondent et que l’un tente de comprendre l’autre, que l’un se nourrisse de l’autre, c’est cela qui m’a intéressé dans Complices», indique Frédéric Mermoud.

Pour les besoins de cette enquête d’une génération sur une autre, il s’est lui aussi mué en détective. Au cours des trois années qu’il a consacrées à ce film, il a interrogé des policiers et également des personnes qui évoluent dans les milieux de la prostitution masculine.

«Sachant que ces aspects-là étaient bien documentés, j’ai pu me concentrer sur autre chose. Paradoxalement, cela m’a donné un peu de liberté.» Celle notamment de soigner le côté psychologique. Comme dans tout bon polar, sans d’ailleurs qu’il soit nécessaire de rebaptiser le genre.

Carole Wälti, swissinfo.ch

Origines. Frédéric Mermoud est né en 1969 à Sion.

Etudes. Il passe sa maîtrise de lettres à l’Université de Genève en 1994.

Formation. Entre 1995-99, il poursuit des études à l’École Cantonale d’Art de Lausanne (ECAL) et y obtient un diplôme de réalisateur en audio-visuel. Il y enseigne aujourd’hui.

Distinction. En 2004, il reçoit le Prix du cinéma suisse du meilleur court-métrage pour L’Escalier.

Filmographie. Frédéric Mermoud compte jusqu’ici essentiellement des courts-métrages et des documentaires à son actif.

Outre Complices, d’autres réalisateurs helvétiques sont en compétition à Locarno.

Dans la section «Cinéastes du présent», Richard Dindo présente par exemple The Marsdreamers. Un documentaire consacré à ces Américains convaincus que l’être humain devra un jour ou l’autre aller fonder une nouvelle civilisation sur la planète Mars.

Dans la même catégorie, Ivul, de Andrew Kötting, avec Jean-Luc Bideau, raconte l’histoire d’un jeune garçon qui, banni par son excentrique de père, décide d’aller vivre sur le toit de la maison.

Dans la section «Ici et Ailleurs», Wolfgang Panzer présente Baba’s Song. Un long métrage de fiction qui raconte l’histoire d’un orphelin du Malawi qui va être remarqué par l’une des plus grandes stars de la musique de son pays.

Enfin sur le mode documentaire, Dirty Paradise (Au nom de l’or), signé Daniel Schweizer, traite de la catastrophe écologique et sanitaire qui menace les Indiens Wayana en Guyane française.

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