L’OMS cède aux Etats et va lancer une investigation indépendante

(Keystone-ATS) L’OMS n’échappera pas à des investigations indépendantes. Avant même un compromis qui se dégageait entre Etats, elle a annoncé lundi à Genève une évaluation « au moment approprié ». Mais elle a aussi reçu de nombreux soutiens face aux attaques de Donald Trump.
Au premier jour de l’Assemblée mondiale de la santé, pour la première fois à distance, tout a été fait pour désamorcer les tensions entre les Etats-Unis et la Chine autour de cette crise. Pour se consacrer aux efforts contre le coronavirus qui a affecté des millions de personnes dans le monde et fait plus de 300’000 décès. Face à ce « dangereux ennemi », « le risque reste élevé », a dit le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) Tedros Adhanom Ghebreyesus.
Première division écartée, Taïwan a annoncé avant même le début de la réunion ne pas avoir reçu d’invitation à assister comme observatrice à la réunion des 194 membres de l’institution, raccourcie sur deux jours. Une dizaine de pays avaient pourtant appelé le directeur général à associer l’île, saluée pour sa réponse efficace à la pandémie.
Cette question sera examinée plus tard cette année, ont annoncé les autorités taïwanaises. De quoi rassurer la Chine mais provoquer la colère du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo qui a estimé que ce décalage endommage « davantage encore » la « crédibilité » de l’OMS. Outre Taïwan, il restait encore la divergence principale, l’accusation américaine selon laquelle Pékin aurait caché des données au début de la crise.
L’OMS a « échoué » auprès de la Chine et « doit changer », a insisté le secrétaire américain à la santé. De son côté, le chef de l’Etat chinois Xi Jinping a répété que son pays avait « toujours » partagé ses indications sur la pandémie. Washington et certains pays souhaitent des investigations en Chine, mais Pékin est favorable à une évaluation mondiale, pas seulement centrée sur elle, après la crise.
Soutenue par Sommaruga
Un compromis semblait se dégager parmi les Etats pour une « évaluation entière et indépendante », « dès que possible », selon un projet de résolution à l’Assemblée mondiale. Celle-ci devait porter surtout sur l’action de l’OMS et le fonctionnement du Règlement sanitaire international et de ses comités dont l’un a été mis en cause il y a quelques mois.
Le directeur général aura entendu les appels de plusieurs dirigeants lundi, notamment celui à un « examen critique » lancé par la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga. Il a annoncé lui-même des investigations, avant même un vote. Mais il souhaite que la procédure permette d’améliorer « les réponses nationales et internationale », pas seulement l’action de l’OMS, et met en garde.
Ciblée sur Ebola il y a quelques années, l’organisation avait lancé une réforme pour être mieux dotée face aux situations d’urgence comme les épidémies. « Le monde n’a pas besoin d’un nouveau plan, d’un nouveau système, d’un nouveau mécanisme, d’un nouveau comité ou d’une nouvelle organisation », a insisté M. Tedros. « Il doit renforcer, appliquer et financer les systèmes et les organisations qu’il a ».
Malgré cette contrainte, l’OMS aura reçu de nombreux soutiens des dirigeants, en désaccord avec la décision de M. Trump de suspendre pour deux mois la contribution financière de son pays à l’organisation. De la présidente de la Confédération à M. Xi et au président français Emmanuel Macron en passant par la chancelière allemande Angela Merkel.
La « crise actuelle montre à quel point il est important de disposer d’une organisation aussi forte », a affirmé Mme Sommaruga. « Nous n’avons pas le droit de nous diviser », a renchéri M. Macron qui partage cette analyse du besoin d’une institution comme l’OMS. Celle-ci est « légitime » face à la pandémie, a encore dit Mme Merkel.
Offensive par Pékin
Même le secrétaire général de l’ONU n’a pas épargné ceux qui ne suivent pas les recommandations de l’OMS. Antonio Guterres a relevé que les politiques divergentes des Etats ont fait payer « le prix fort » aux populations.
Autre inquiétude au centre de l’Assemblée mondiale de la santé jusqu’à mardi, celle de l’accès à un futur vaccin. Depuis un mois, de nombreux appels à garantir une distribution équitable et peu coûteuse ont été lancés. Certains accusent les Etats-Unis de vouloir sécuriser des doses à l’avenir pour leurs propres citoyens.
Offensive, la Chine a cherché à nouveau à profiter du désengagement américain et son président a annoncé une aide de deux milliards de dollars aux pays les plus affectés par le Covid. Et qu’un futur vaccin chinois serait considéré comme un « bien commun mondial ».
M. Xi veut encore des réserves mondiales de matériel face aux futures épidémies. Il faut « une communauté de santé pour l’humanité », a-t-il ajouté. Un souhait partagé par la Suisse qui a annoncé travailler à une coalition pour la sécurité sanitaire pour tous, dotée d’Etats de chaque région.