La duplication d’un gène permet aux épinoches la vie en eau douce

(Keystone-ATS) Après la dernière période glaciaire, les épinoches ont colonisé depuis la mer de nombreuses eaux douces. Des analyses génétiques de chercheurs suisses et japonais montrent qu’elles y sont parvenues grâce à des copies supplémentaires d’un gène du métabolisme.
L’épinoche à trois épines vit principalement dans les eaux marines. Au fil du temps, elle a également conquis les eaux douces et s’est diversifiée en différents écotypes. À la différence de son espèce sœur, l’épinoche marine japonaise, qui n’a jamais réussi à coloniser les eaux douces.
Savoir comment certaines espèces réussissent à s’adapter à des conditions environnementales fortement modifiées et d’autres non est une question centrale de la biologie de l’évolution. Elle était restée jusqu’ici sans réponse dans le cas des épinoches.
Une équipe de biologistes de l’Institut de recherche sur l’eau Eawag, de l’Université de Berne et du National Institute of Genetics à Shizuoka (Japon) vient de découvrir un indice dans le matériel génétique de ces poissons: un gène nommé « Fads2 ». Ce gène transforme les acides gras inutilisables pour les organismes principalement en acide docosahexaénoïque ou DHA, un acide gras essentiel.
Ceci est particulièrement important en eau douce, parce qu’à la différence de la mer, l’alimentation des épinoches n’y contient pratiquement pas de DHA. C’est pourquoi cet acide doit être produit par une enzyme encodée par le gène Fads2. Sinon les poissons meurent de faim dans l’eau douce.
Duplications accidentelles
Lors d’expériences de laboratoire dans lesquelles des poissons juvéniles ont été élevés avec de la nourriture d’eau douce, les épinoches marines à trois épines se développaient bien tandis que les épinoches marines japonaises mouraient de faim, rapportent les chercheurs dans la revue Science.
Grâce aux analyses génétiques, les chercheurs ont découvert que l’épinoche marine japonaise, tout comme sa cousine plus éloignée l’épinoche à points noirs, ne possédaient qu’une seule copie du gène dans leur matériel héréditaire alors que les épinoches à trois épines en avaient plusieurs.
Mais si les chercheurs ajoutaient en laboratoire des copies supplémentaires du Fads2 au matériel génétique des épinoches marines japonaises, leurs descendants survivaient avec la nourriture d’eau douce.
Fait rarissime
« Ce que ma collègue japonaise Asano Ishikawa a réalisé en laboratoire, les épinoches à trois épines ont réussi à le faire par pur hasard dans la nature », dit Ole Seehausen, biologiste à l’Eawag et à l’Université de Berne, cité dans un communiqué des deux institutions.
Le gène a été dupliqué accidentellement dans le matériel génétique il y a très longtemps, c’est ce qui a permis aux épinoches à trois épines de coloniser plus tard les eaux douces. D’autres duplications eurent même lieu au cours de leur adaptation ultérieure à la vie en eaux douces.
Selon l’Eawag, il est très rare en cas de duplications qu’il en ressorte des conséquences bénéfiques. Car il se peut qu’un gène ne soit copié que de manière incomplète ou soit réinséré au mauvais endroit. Une duplication génétique bénéfique est donc plutôt un fait rarissime.