Le Conseil fédéral contre l’initiative pour une immigration modérée

(Keystone-ATS) Le Conseil fédéral ne veut pas de l’initiative de l’UDC contre la libre circulation. Ce texte menace l’emploi en Suisse et les accords bilatéraux I avec l’UE. Le gouvernement n’y oppose pas de contre-projet.
L’initiative « pour une immigration modérée » exige que la Suisse règle de manière autonome l’immigration des étrangers. Si le texte était accepté par le peuple, les autorités auraient un an pour négocier la fin de l’accord sur la libre circulation avec Bruxelles.
Faute de solution dans ce délai, le Conseil fédéral devrait dénoncer l’accord dans le mois qui suit. Il ne faut « pas jouer avec le feu », ce serait un « Brexit suisse », a lancé devant la presse la ministre de justice et police Karin Keller-Sutter. Le délai est « irréaliste », selon elle. Le Conseil fédéral recommande donc vendredi au Parlement de rejeter l’initiative.
Capital pour la Suisse
La libre circulation est capitale pour la Suisse, précise-t-il dans le message. Elle permet aux employeurs de recruter la main-d’oeuvre qualifiée dans l’espace UE/AELE de manière rapide. Elle participe ainsi à la compétitivité de la Suisse.
Pour le gouvernement, y renoncer aurait des conséquences très néfastes pour la Suisse en tant que pôle économique, mais aussi scientifique. De plus, la libre circulation est soumise à conditions. Les travailleurs doivent avoir un contrat de travail valable, exercer une activité indépendante ou disposer d’une assurance-maladie et de moyens financiers suffisants.
Fin des bilatérales
Par ailleurs, cela entraînerait la fin de l’ensemble des accords bilatéraux I, a rappelé Mme Keller-Sutter. Libre circulation, obstacles techniques au commerce, marchés publics, agriculture, transports terrestre et aérien, recherche sont liés entre eux par une clause dite guillotine.
L’UE représente le principal partenaire commercial de la Suisse. L’an dernier, l’exportation vers les pays de l’UE a représenté 120 milliards de francs, soit la moitié de toutes les exportations. Sans ces accords, l’accès au marché intérieur européen se détériorerait et le prix des biens importés augmenterait. En 2035, le PIB afficherait une baisse de 5 à 7%, selon un rapport du Secrétariat d’Etat à l’économie.
Il n’est pas exclu que l’UE remette en question d’autres accords comme l’association à Schengen-Dublin. Ces accords ne font pas partie du premier paquet bilatéral, a précisé la ministre. Mais du point de vue de l’UE, la libre circulation des personnes constitue une base indispensable de l’association de la Suisse à l’espace Schengen.
Lutter contre la pénurie
De plus, le nombre de personnes arrivant à l’âge de la retraite va augmenter et la main-d’oeuvre qualifiée va diminuer. La Suisse dépendra des travailleurs étrangers qualifiés. Abandonner la libre circulation aggraverait la pénurie sur le marché du travail.
Le gouvernement reconnaît toutefois que l’immigration pose certaines difficultés. Il souhaite qu’elle soit limitée au strict nécessaire. Il veut, à cette fin, poursuivre les mesures d’encouragement de la main-d’oeuvre déjà mise en place, comme l’obligation d’annoncer les postes vacants et le contrôle des travailleurs détachés de l’UE.
Les conseillers fédéraux Karin Keller-Sutter et Alain Berset ont présenté en mai une série de mesures pour encourager les entreprises à recourir d’abord à la main-d’oeuvre suisse, mais aussi protéger les travailleurs âgés via l’instauration d’une rente-pont pour les chômeurs de longue durée.
Malgré des centaines de postulations, il est dans certains cas quasi impossible pour une personne qui arrive en fin de droit à 60 ans et demi de retrouver un emploi. Pour éviter que de tels chômeurs se retrouvent à l’aide sociale, le gouvernement souhaite introduire une prestation transitoire couvrant les besoins vitaux pour un groupe ciblé de personnes en fin de droit à plus de 60 ans.
Le chômeur ne pourrait pas y accéder s’il n’a pas cotisé au minimum durant vingt ans aux assurances sociales et a dépassé les 100’000 francs de fortune. La rente ne pourrait excéder 58’350 francs pour une personne seule (87’525 francs pour les couples). Quelque 1600 personnes y auraient eu droit l’an dernier pour un coût de 95 millions.