Le Portugal au ralenti pour cause de grève générale
Vent debout contre un projet de réforme du code du travail, les syndicats portugais ont organisé jeudi leur première grève générale en 12 ans, provoquant de fortes perturbations dans les transports, les écoles ou les hôpitaux.
(Keystone-ATS) «La grande majorité des Portugais est au travail», a néanmoins assuré le gouvernement de droite de Luis Montenegro, comparant l’impact du mouvement à celui d’une «grève partielle de certains secteurs de la fonction publique».
D’après la principale confédération syndicale de ce pays ibérique, la CGTP, plus de trois millions de salariés ont participé à cet arrêt de travail, sur une population active totale de près de 5,5 millions de personnes.
Les stations du métro de Lisbonne n’ont pas ouvert leurs portes, tandis que les ferries et les trains n’ont assuré qu’un service minimum, avec des tableaux d’affichage annonçant des annulations en cascade.
«Je me suis levée à 4 heures pour aller travailler mais là je suis bloquée car je n’ai toujours pas réussi à prendre le train», a témoigné Nairene de Melo, une employée d’hôtel de 20 ans, à la station du Cais do Sodré, qui relie le centre-ville aux banlieues sud et ouest de la capitale portugaise. La plupart des magasins, des cafés et des restaurants ont ouvert mais avec moins de clients qu’à l’accoutumée.
«Attaque brutale»
La situation était également plus calme qu’à l’ordinaire dans les aéroports, la compagnie nationale TAP Air Portugal ayant supprimé plus de 200 vols. Autre symbole, la plus importante usine automobile du pays, une unité du groupe Volkswagen située dans la région de Setubal (sud) était paralysée. La deuxième centrale syndicale du Portugal, l’UGT, a fait état d’un taux de participation de ses adhérents de 80%.
La Fédération nationale des médecins a évoqué une adhésion de 90% et le premier syndicat d’enseignants a affirmé qu’elle était supérieure à 90%, provoquant la fermeture de centaines d’écoles.
Dans l’après-midi, des manifestations ont été organisées dans une vingtaine de villes. Ils étaient quelques milliers à défiler dans les rues de Lisbonne jusqu’au Parlement en criant «Non à la réforme du code du travail !», «Une attaque brutale !» et «Nous ne lâcherons pas !». «Si cette réforme est approuvée, nous allons plonger dans une crise économique» et «les travailleurs ne seront plus protégés», s’est inquiétée Vanessa Oliveira, une professeure d’histoire de 47 ans.
La grève de jeudi a constitué le plus important mouvement social qu’ait connu le Portugal depuis 2013, à une époque où il vivait sous perfusion de l’Union européenne et du Fonds monétaire international, qui lui avaient imposé une sévère cure d’austérité budgétaire et la dernière révision en profondeur de la réglementation du travail.
Une grève «prématurée»
L’actuel gouvernement a présenté en juillet un avant-projet de réforme comprenant plus de cent mesures qui, selon le Premier ministre Luis Montenegro, vise à «stimuler la croissance économique pour créer plus d’emplois et verser de meilleurs salaires».
Le gouvernement souhaite simplifier les procédures de licenciement, allonger la durée des contrats à durée déterminée, offrir plus de flexibilité aux entreprises pour organiser le temps de travail ou encore élargir le service minimum en cas de grève.
Le président de la principale confédération patronale, Armindo Monteiro, a critiqué la «position radicale» des syndicats et qualifié la grève de «prématurée».
Bien que le gouvernement ne dispose pas de la majorité absolue au Parlement, il devrait pouvoir faire voter cette série de mesures avec le soutien des libéraux et, surtout, de l’extrême droite, devenue la deuxième force politique à l’issue des législatives de mai dernier.
Il a fait valoir que le Portugal, qui affiche une croissance économique autour de 2% et un taux de chômage historiquement bas, environ 6%, devait profiter de cette conjoncture favorable pour mener à bien cette réforme.