
Le silure se fraye lentement mais sûrement un chemin au restaurant

Plus gros poisson d'eau douce d'Europe, le silure fait lentement mais sûrement sa place dans les assiettes des restaurateurs en Suisse romande. Malgré son allure peu ragoûtante, les pêcheurs vantent un poisson de qualité, très noble une fois apprêté, facile à cuisiner, avec une belle chair blanche, très ferme et sans aucune arête.
(Keystone-ATS) A priori, le silure n’est visuellement pas très appétissant, monstre d’eau douce avec sa grosse tête aplatie, sa large bouche pleine de petites dents, ses grandes moustaches et ses yeux minuscules. Il peut atteindre jusqu’à 2,70 mètres et peser environ 100 kilos.
Et pourtant, une fois dégraissé et préparé en filet, en émincé, en pavé, poêlé, rôti, poché ou fumé à froid, le silure est largement loué par des pêcheurs romands interrogés par Keystone-ATS. Tous reconnaissent un poisson plutôt noble, allant jusqu’à le comparer au brochet, à la lotte ou encore au sandre, sans compter un excellent rapport qualité-prix.
Plus récent dans le Léman
Cela fait désormais une vingtaine d’années que les silures se font une belle place dans les lacs suisses. Les chiffres les plus récents de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) datent de 2023: plus de 7500 silures capturés ont été signalés dans les statistiques de la pêche, contre quelque 500 seulement en 2003.
Si les lacs de Neuchâtel et de Morat hébergent des silures depuis près d’un demi-siècle, le lac Léman en accueille surtout depuis les années 90. Le réchauffement climatique, et donc de l’eau, a favorisé leur croissance dans les lacs du pays. Il faut attendre les années 2000 pour les premières captures, puis 2015 pour le développement de sa pêche régulière dans les deux premiers lacs et 2020 dans le Léman.
«Depuis deux ou trois ans, la pêche des silures explose par exemple dans la région du Petit-lac genevois, car ils viennent du Rhône et l’eau y est aussi plus chaude», explique Alexandre Fayet, président du Syndicat intercantonal des pêcheurs professionnels du Léman. «Sa pêche se développe aussi très bien dans le Haut-lac. S’il y a moins de perches et de féras une année, le silure est plus facile à placer en vente directe. C’est une bonne alternative», ajoute-t-il.
«Le tout début d’une mode»
«Il faut certes encore bien chercher les adresses de restaurant qui proposent le silure sur leur carte de menus. Mais on va en voir de plus en plus à l’avenir dans les assiettes, surtout s’il continue à croître autant dans nos lacs», affirme-t-il.
«Je dirai que l’on est au tout début d’une mode. C’est notre travail de pêcheur de mettre en avant d’autres espèces comme celle-ci, de dire que c’est un excellent poisson. Les restaurateurs, eux, jouent bien le jeu», souligne M. Fayet. Il en livre lui-même, notamment dans une auberge à Bursinel (VD).
Le pêcheur de Gland en capture facilement jusqu’à trois par semaine. «J’ai un collègue qui en pêche environ 100 kg par jour», dit-il. La taille moyenne varie de 6 à 15 kg pour une fourchette de prix entre 45 et 60 francs le kg, voire 70 francs s’il est fumé, selon lui. Les retours des restaurateurs et de leurs clients «sont très positifs».
«Extraordinairement bon»
«Ferme en cuisson et fondant en bouche», aime résumer M. Fayet. «Le silure a une belle chair blanche, très ferme et sans aucune arête. Il est extraordinairement bon», approuve Alexandre Bonny, président de la corporation des pêcheurs professionnels du lac de Neuchâtel (CPPLN). «J’en pêche en moyenne un ou deux par semaine, mais d’autres collègues le font chaque jour. La fréquence est aussi liée à la baisse de quantité des autres poissons nobles dans le lac suivant les années», précise-t-il.
«Petit à petit, d’année en année, les pêcheurs en font la promotion et le commercialisent», confirme-t-il. «Les gens s’y intéressent toujours un peu plus et dépassent le préjugé d’un poisson qui est moche donc pas bon», observe M. Bonny. «C’est un travail de longue haleine avec le silure et ça porte gentiment ses fruits».
Beaucoup de déchets
Tous soulignent aussi sa saveur neutre, ce qui permet de multiples préparations et accompagnements de sauces relevées ou d’épices pour exalter son goût. Seul bémol: le peu de rendement même du poisson, avec 20% seulement de bons morceaux après dégraissage et donc beaucoup de déchets.
«Le silure demande un gros travail de préparation. Il est donc bien moins rentable que les perches», témoigne Pierre Schaer, président de l’association des pêcheurs professionnels du Lac de Morat (APPLM). Il avoue d’ailleurs que ce poisson n’est pas sa priorité. «Je ne peux pas tout pêcher». Il cite au passage au moins deux restaurants qui le proposent sur leur carte des menus, notamment à Avenches.
A noter que le silure n’est pas présent dans les deux lacs de la Vallée de Joux.