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«Pour beaucoup, signer en faveur de Boris Nadejdine était le premier acte politique de leur vie»

Homme devant une caméra
Boris Nadejdine est le candidat de l’opposition pour les prochaines élections présidentielles russes dont le premier tour aura lieu au 15 au 17 mars. Copyright 2024 The Associated Press. All Rights Reserved

À l’instar de ce qui se fait en Russie et dans d’autres pays, Oleg Nenashev a organisé en Suisse une récolte de signatures parmi les Russes critiques face à Vladimir Poutine. Il s’agit d’une action de soutien en faveur de Boris Nadejdine, candidat de l’opposition lors de la prochaine élection présidentielle russe.

Les Russes se rendent aux urnes du 15 au 17 mars pour le premier tour de l’élection présidentielle, mais on ne peut pas parler de véritable élection. La réélection de Vladimir Poutine est en effet considérée comme acquise.

Malgré cela, la signature de soutien à Boris Nadejdine est devenue un phénomène à travers lequel les Russes expriment leur mécontentement.

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Oleg Nenashev est l’un des organisateurs de la récolte de signatures en Suisse. Dans un entretien accordé à swissinfo.ch, ce Russe établi en Suisse depuis 2016 explique ce qu’il attend d’une telle opération.

Récolte de signatures à la gare de Berne
Récolte de signatures à la gare de Berne. swissinfo.ch

swissinfo.ch: Considérez-vous votre action comme une forme de protestation?

Oleg Nenashev: Oui, c’est le cas. Signer pour un candidat opposé à la guerre constitue l’une des rares formes de liberté d’expression encore possible en Russie.

Les signatures provenant de l’étranger sont vues comme des signatures d’«agents étrangers» potentiels, raison pour laquelle Boris Nadejdine ne les présente pas, afin de ne pas donner aux autorités une raison supplémentaire de les refuser. Du point de vue du régime, tous les Russes qui vivent à l’étranger sont considérés comme non fiables, parce qu’ils sont «exposés à l’influence étrangère».

La diaspora russe a par conséquent d’abord estimé qu’il était inutile de récolter des signatures à l’étranger. Mais après le sursaut de la société civile en Russie, nous nous sommes organisés.

Homme dans une rue
«Lorsque j’ai déménagé en Suisse, je me suis rendu compte que ma façon de voir la vie était beaucoup plus proche de celle des Suisses que de celle des Russes», explique Oleg Nenashev. swissinfo.ch

Les signatures provenant de l’étranger sont envoyées en Russie, mais n’y sont pas comptabilisées. Quel est alors l’intérêt de signer?

Cela permet aux gens de voir qu’ils ne sont pas seuls. Pour beaucoup, signer en faveur de Boris Nadejdine était le premier acte politique de leur vie. Beaucoup ne signent pas pour Boris Nadejdine, mais plutôt contre Vladimir Poutine.

Je ne considère pas la «procédure» à venir comme une véritable élection. Mais les récoltes de signatures occupent l’appareil d’État, ce qui le détourne de la guerre en Ukraine.

Il ne s’agit donc pas de gagner cette élection…

Dans un système autoritaire comme la Russie, le régime veut faire confirmer sa légitimité par de telles «élections», si possible sans contestation. Toute action visant à saper cela publiquement est utile.

Ne craignez-vous pas que votre engagement entraîne des conséquences pour vos proches en Russie?

Tous ceux qui s’engagent répondent à cette question pour eux-mêmes. Presque tous mes proches soutiennent la guerre. J’ai clarifié ma position au début de la guerre et leur ai proposé de couper tout contact pour leur propre protection. Beaucoup d’entre eux l’ont fait.

Récoltes de signatures
La plupart des signataires veulent préserver leur anonymat. swissinfo.ch

En quoi votre vie en Suisse a-t-elle changé votre vision de la Russie?

Je me sens beaucoup plus à l’aise dans cette société. Je suis heureux de pouvoir m’engager politiquement. L’automne dernier, comme les étrangers peuvent le faire dans le canton de Neuchâtel, j’ai pu voter dans ma commune. Il s’agissait de mes premières vraies élections.

Texte relu et vérifié par Benjamin von Wyl, traduit de l’allemand par Olivier Pauchard


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