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Réduire la voilure à Marseille pour mieux rebondir

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Alors que la crise balaie la planète, swissinfo recueille en cette fin d'année les témoignages – constats, analyse et espoirs - de ressortissants suisses expatriés sur les 5 continents. Aujourd'hui, Didier Sigrist, transitaire à Marseille.

swissinfo: La crise fait la une des journaux depuis des mois. Pouvez-vous en observer les effets concrets à Marseille?

Didier Sigrist: Les médias ont accentué le phénomène et la peur ainsi suscitée s’est répercutée sur la consommation. Mais je ne pense pas que beaucoup de gens ont réellement perdu de l’argent ici.

Il y a bien eu quelques projets immobiliers qui ont été gelés ou annulés. Mais ces retraits sont aussi liés aux prix de l’immobilier qui – à Marseille – avaient atteint des chiffres astronomiques. De nombreux appartements ne trouvaient donc pas acquéreur. Et ce, bien avant la crise.

swissinfo: Vous travaillez en tant que transitaire Qu’est-ce qui a changé dans votre environnement professionnel au cours de l’année 2008?

D.S.: Le secteur du transport maritime est beaucoup moins actif qu’avant. Cette baisse est d’abord la cause des troubles sociaux qu’a connu le port de Marseille d’avril à juillet, suite à la modification de son statut. Ce qui a entrainé un transfert du trafic vers Anvers et Rotterdam.

Depuis octobre, la demande de transport international a diminué. Il y a eu un ralentissement de la demande chinoise et surtout de nos principaux partenaires en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Certains armateurs n’ont plus que 3 bateaux sur cinq qui font la liaison avec ces pays. Mais ces transports sont toujours pleins à 80%.

Ce trafic devrait reprendre en février ou en mars. Ces pays ont en effet besoins de produits (pièces détachées, matières premières, etc.) pour faire tourner leurs usines. Et ce, même s’ils vont être affectés par la chute des cours du pétrole. Ce qui devraient les pousser à poursuivre la diversification de leur économie.

Ces pays sont condamnés à moderniser leur économie et à investir. Sinon, ils feront face à une importante grogne sociale et glisseront vers la faillite.

swissinfo: Etes-vous plutôt du genre à penser que le monde s’enfonce dans le gouffre ou qu’une crise n’est qu’un mauvais moment à passer?

D.S.: C’est un mauvais moment à passer. Il faut donc réduire la voilure et attendre que l’orage passe pour repartir d’un bon pied après. Ce n’est pas la première fois qu’il y a un coup d’arrêt à l’économie. Mais il finit toujours par repartir.

swissinfo: Croyez-vous au fait que de cette crise pourrait émerger un monde plus sain? Et en quoi le serait-il?

D.S.: Il faut profiter de cette crise pour se réorganiser et être plus efficace. Les entreprises saines vont rester et celles qui sont bancales vont se casser la figure. Cette crise va donc pousser les entreprises à se réorganiser.

swissinfo: Certains voient dans cette crise la fin du capitalisme. Qu’en pensez-vous?
D.S.: C’est n’importe quoi. Ce système a traversé de nombreuses crises. Il s’est toujours relevé.

swissinfo: On parle aussi d’une intervention plus forte de l’Etat dans l’économie.

D.S.: C’est une bonne idée. Mais ça ne marchera jamais. Comme les marchés sont mondiaux, l’action de tel ou tel Etat ne peut qu’avoir une portée faible. La France ne peut rien faire sans l’Europe. Et l’Europe sans les Etats-Unis et les autres grandes puissances.

Certaines pratiques devront bien sûr être revues et le contrôle des marchés financiers amélioré. Ce qui m’étonne, c’est la réaction tardive des gouvernements, alors que les signes de la crise étaient connus il y a un an et demi déjà.

swissinfo: Pour conclure, de quoi la France a-t-elle le plus besoin, selon vous, pour sortir de ses difficultés actuelles?

D.S.: Elle doit arrêter de râler et de se regarder le nombril. C’est un sacré défi. Mais il faudra de toute manière mener les réforme promise par le président Sarkozy. Par exemple, nous avons une administration beaucoup trop lourde et rigide.

Mais voilà. En France, tout le monde soutient le principe de la réforme. Mais personne ne veut toucher à son pré carré. Tout le monde est d’accord de toucher de l’argent de l’Etat. Mais personne ne veut payer.

Interview swissinfo: Frédéric Burnand

Né à Marseille en 1950 de parents suisses, Didier Sigrist a fait ses études à Marseille avec un complément d’une année aux Etats-Unis.

Marié et père de 3 filles vivant à Genève, Londres et Marseille, ce Franco-suisse habite dans les beaux quartiers au sud de Marseille.

L’arrière arrière-grand-père de Didier Sigrist débarque dans la cité phocéenne au 19e siècle. Il crée un atelier de tricotage de bonnets napolitains. L’entreprise fondée par l’émigré suisse se développe et se diversifie au cours du siècle. Une manufacture de chapeaux de paille – J.J Sigrist & Cie – lui succède dès 1870. Elle emploie quelques 300 personnes en 1914. L’entreprise produit par la suite des casques coloniaux.

Appartenant à la 4ème génération installée à Marseille, Didier Sigrist a d’abord travaillé pour une grosse société de transport maritime de Marseille, avant de monter, il y a 6 ans, sa propre compagnie de transitaire. Une PME centrée sur les marchés d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient

«Quand j’ai un peu de temps, j’aime bien me balader du coté des calanques de Marseilleveyre. Tous les chemins ne sont pas connus. Certaines calanques sont très peu fréquentées», avoue Didier Sigrist.

Comme tous les Marseillais et un nombre croissant de touristes, Didier Sigrist aime se réfugier dans ces petits fjords à la sauce marseillaise, des «failles profondes et escarpées dans la roche calcaire dans lesquelles s’engouffre l’eau de mer», précise les guides touristiques.

Désertes, agrémentée d’un petit port ou de cabanons, les calanques sont toutes situées dans la commune de Marseille. Elles rythment la côte méditerranéenne jusqu’à Cassis.

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