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Expliquer la psychose de l’anthrax

Les attentats contre les Etats-Unis ont altéré notre perception habituelle des dangers. Keystone Archive

Le professeur Gianfranco Soldati, modérateur lors des journées philosophiques de Bienne, se penche sur les mécanismes qui entraînent les peurs irrationnelles.

Les attentats terroristes contre les Etats-Unis n’ont pas seulement entraîné une guerre. Ils ont aussi altéré notre perception habituelle des risques et des dangers, faisant naître, entre autres, la psychose de l’anthrax.

Quels sont les mécanismes susceptibles de susciter de telles réactions? Et pourquoi, dans une société constamment confrontée à des dangers bien plus concrets, une seule enveloppe au contenu inconnu peut susciter une telle peur?

Nos émotions dépendent de nos convictions

«Pour avoir peur, il ne suffit pas d’être confronté à des dangers réels», répond le professeur Gianfranco Soldati, docteur en philosophie moderne et contemporaine à l’Université de Fribourg. Au contraire, nos craintes et nos émotions dépendent surtout de nos convictions.

Un exemple: tout piéton court le risque de finir sous une voiture. Ce danger est même assez important. Mais cette peur est neutralisée parce que l’idée d’un tel accident est absente de notre esprit.

«Si, au contraire, nous réfléchissions chaque jour à la probabilité d’un tel accident, il est probable que nous ne traverserions plus la route», conclut cet expert des relations entre la philosophie et la psychologie.

Les convictions influencent donc les émotions. Et, actuellement, celle du danger que représentent l’anthrax et le terrorisme sont au centre de nos préoccupations.

Une infime probabilité

Mais ne sommes-nous pas capables de penser, rationnellement, que ces dangers ne nous concernent pas directement? Par exemple, que la probabilité de recevoir une enveloppe contenant de telles spores est infime?

«Les gens ont du mal à tenir compte des probabilités», répond le professeur Soldati. Par exemple, lorsque les premiers cas de sida sont apparus aux Etats-Unis, certains séropositifs se sont suicidés. Ils n’avaient pas compris que la maladie pouvait aussi ne pas se manifester.

En outre, le public ne ressent pas toujours le besoin de vérifier certaines informations. Tout dépend en fait de ses convictions.

«Si quelqu’un a la conviction que le monde va mal, qu’il est en proie au terrorisme, explique le philosophe, alors il est aussi prêt à accepter, sans aucune vérification, n’importe quelle information supplémentaire. Parce qu’elle entre dans sa conception globale du monde. C’est une question de cohérence.»

Terrorisme et peurs de masse

Cette vision du monde est en grande partie constituée par les informations diffusées dans les médias. Qui, souvent, ne font que rapporter les informations, sans nécessairement se référer à un contexte plus général.

Ainsi, selon le professeur, «dans une réflexion de fond sur les peurs liées au terrorisme, il faudrait chercher à mettre l’actualité en relation avec un contexte plus général».

Une telle analyse permettrait peut-être de comprendre les mécanismes qui génèrent certaines émotions et certaines craintes. Il faudrait, par exemple, comparer la peur actuelle du terrorisme avec les peurs de masse qui ont déjà, à plusieurs reprises dans son histoire, secoué l’humanité.

Fabio Mariani

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