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Le Carnaval de Bâle manque de jeunes membres

Le groupe des Naarebaschi en pleine action Keystone

Pendant 72 heures chaque année, Bâle se débride au cours de son carnaval annuel, le plus grand de Suisse. Mais ses organisateurs doivent travailler dur pour recruter la prochaine génération de fêtards.

Une froide journée de février. Les sons de cornemuses et des tambours résonnent à travers la place en face du palais des expositions de Bâle, la troisième plus grande ville de Suisse. A l’intérieur de la salle, les adultes parcourent les stands des marchands de la région à la foire Muba. À l’extérieur, des jeunes informent sur l’une des plus anciennes traditions de la ville. Un moyen pour inciter les visiteurs de la foire à participer activement au carnaval.

«Dans le passé, beaucoup de Bâlois faisaient carnaval, une tradition qu’ils connaissaient grâce à leur parents, raconte Cédric Rudin, qui dirige la clique Schnurebegge, une petite troupe de jeunes jouant du fifre et du tambour. Aujourd’hui, vous avez beaucoup d’immigrants à qui il faut expliquer ce qu’est le carnaval.»

Les enfants d’ailleurs sont plus nombreux que les indigènes dans la clique Schnurebegge, leurs parents venant de 15 pays différents. Cédric Rudin explique que les origines de l’enfant n’ont pas d’importance. Lui et les autres chefs de groupe veulent juste leur présenter le clou des traditions locales et les inciter à rejoindre les cliques du carnaval.

Il y a dix ans, la clique Schnurebegge comptait 80 garçons dans sa plus jeune section. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 24.

Après avoir longtemps été interdit, le carnaval renait au XIXe siècle jusque dans les régions protestantes.

Des sociétés et comités se forment (par exemple à Bâle en 1911) pour organiser des festivités de plusieurs jours dont le programme comporte des cortèges, des bals, des quêtes, des jeux comme ceux de la Société des Japonais à Schwytz depuis 1863, des masques traditionnels et l’évocation de légendes locales.

Au XXe siècle, l’engouement pour le carnaval connait des hauts et des bas, selon la conjoncture économique et internationale. La tendance générale est d’abandonner les réjouissances en salle, dont le bal masqué, pour des festivités de rue.

Bâle se fait connaître par ses fifres et tambours et par ses poèmes satiriques, alors que Lucerne devient après la Deuxième Guerre mondiale une Mecque des cliques carnavalesques (Guggenmusik).

Zurich suit sa propre voie avec son Bal des artistes d’un caractère plus élitaire et ses cortèges associatifs.

Depuis les années 1970, le carnaval s’étend aussi dans les cantons romands protestants.

Source: Dictionnaire historique de la Suisse

Manque d’intérêt

La clique qui constituait la première «jeune garde» de Bâle en 1909 a décidé 90 ans plus tard de supprimer la section des plus jeunes en raison du manque d’intérêt des enfants. Le chef de ce clan a récemment déclaré au journal SonntagsZeitung qu’avec le recul, son groupe aurait dû recruter quand l’intérêt pour le carnaval était encore important.

Pia Inderbitzen dirige le comité organisateur du carnaval. Il assure aussi que les cliques reconnaissent qu’elles doivent travailler dur pour attirer de nouveaux membres. Ce qu’elles ont fait au travers de la mise en place de stands devant les magasins d’alimentation ou en proposant des d’offres last-minute pour les enfants désirant louer des masques et des costumes pour participer au carnaval.

«Carnaval n’a pas le statut qu’il avait il y a 30 ans ou plus, admet Pia Inderbitzen. À cette époque, il y avait moins d’activités pour les enfants dans leur temps libre. Les activités de carnaval étaient vraiment un endroit pour apprendre aux enfants à jouer d’un instrument de musique, en particulier les tambours et les fifres, à fabriquer des lanternes et des costumes.»

Bien que la tradition du carnaval ait longtemps été enseignée dans les écoles de Bâle, Pia Inderbitzen dit que cela ne suffit plus.

«Si vous voulez apprendre à jouer du fifre, vous avez besoin de deux ans avant de pouvoir marcher dans la rue avec le piccolo et si vous voulez jouer du tambour, Il vous faut trois ans. C’est très difficile. Il faut pratiquer tous les jours. Ce qui implique un fort engagement des parents pour inciter leurs enfants à respecter cette discipline.»

Le modèle masculin

Alors que les jeunes membres du Schnurebegge se réunissent pour leur répétition, ils se montrent un peu vulgaires. Mais dès que Cédric Rudin et les membres plus âgés leur disent d’arrêter et d’écouter, ils le font. Selon Rudin, ils deviennent des mentors importants pour les jeunes garçons, surtout pour ceux qui sont dépourvus de modèles masculins.

«Les familles sont souvent monoparentales et à l’école, ce sont le plus souvent des femmes qui enseignent. Nous sommes un groupe d’hommes. Ce qui leur donne une figure masculine à suivre. J’ai reçu des appels de mères demandant mon aide pour calmer leur enfant paniqué», raconte Cédric Rudin.

La retransmission télévisée du carnaval de Bâle 2013

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Auto-organisé

Le carnaval fonctionne sur le mode de l’auto-organisation avec une faible centralisation du pouvoir. Le célèbre Morgestraich, où des bandes masquées commencent leur défilé à 4h du matin n’est pas organisé à l’avance. Les groupes se réunissent au hasard.

Et bien que le comité du carnaval donne des bourses à quelque 500 groupes, Pia Inderbitzen estime que des centaines d’autres se réunissent de manière informelle dans un pub ou dans la maison d’un particulier.

Le comité du carnaval a toutefois commencé à parrainer de plus en plus d’événements pour aider les groupes à attirer de nouveaux participants.

Cependant, obtenir des enfants qu’ils s’engagent à long terme reste difficile. Depuis son stand, Cédric Rudin garde espoir: «Beaucoup de jeunes se sont arrêtés pour essayer nos instruments. S’ils finissent par jouer du tambour ou du piccolo avec nous, c’est que nous avons pu préserver un peu le carnaval.»

traduit de l’anglais: Frédéric Burnand

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