Un an de prison ferme requis contre un ex-magistrat à Besançon
(Keystone-ATS) Une année de prison ferme a été requise vendredi devant le tribunal correctionnel de Besançon contre un ex-magistrat adepte de relations libertines, accusé d’avoir proposé à des internautes des relations sexuelles imposées avec sa fille de 13 ans, sans être passé à l’acte.
Le prévenu, âgé de 56 ans, n’était pas présent à l’audience en raison de «son état de santé». A l’issue des débats, le tribunal a mis sa décision en délibéré au 11 mars.
Demandant au tribunal d'»être sévère» à l’égard d’un homme qui se sent «au-dessus des lois», le procureur de la République Etienne Manteaux a requis une peine de deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, dix ans d’interdiction d’activité avec des mineurs et une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
La défense plaide la relaxe
La défense a, en revanche, demandé la relaxe de ce magistrat de 56 ans, révoqué en juillet dernier par le Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Ce père de trois enfants, ancien vice-président du tribunal judiciaire de Dijon, est poursuivi pour «instigation non suivie d’effet» à «commettre un viol sur mineur» et une «agression sexuelle sur mineur», ainsi que pour «instigation à la corruption de mineur non suivie d’effet».
Les faits, concernent sa fille née en 2007, se sont déroulés entre octobre 2019 et juin 2020, moment de son placement en garde à vue.
La jeune fille, dont l’enquête a montré qu’elle n’avait pas été victime de violence sexuelle, a été représentée au procès par un administrateur ad hoc, dont l’avocate a décrit une adolescente «extrêmement introvertie», qui vit toujours avec sa famille et n’aurait pas véritablement connaissance des faits reprochés à son père, qu’elle admire.
Photos suggestives
L’affaire avait démarré en octobre 2019 lorsque l’utilisateur d’un site libertin avait signalé qu’un homme proposait que sa fille, âgée de 12 ans au moment des faits, soit associée à des ébats sexuels avec sa femme.
L’enquête, menée à l’aide de cyberinfiltrations, a conduit à la mise en cause de ce magistrat, qui a reconnu avoir écrit ces messages, mais affirmait qu’il s’agissait de «fantasmes qu’il n’aurait jamais concrétisés».
«Aucune concrétisation à ses dialogues n’a jamais été envisagée», a insisté son avocate, évoquant un homme «qui ne nie pas, se rend bien compte du mal qu’il a fait à sa famille». Placé sous contrôle judiciaire, le magistrat vit toujours avec sa famille.
«Ces conversations restent au stade de conversations, mais les propositions sont explicites», notamment d’imposer par la contrainte des relations sexuelles à sa fille et «d’en faire une femme soumise», a souligné le président du tribunal, en rappelant les faits.
L’homme, sans antécédent judiciaire ni problème d’addiction, avait également diffusé des photos suggestives de sa fille à son insu et fini par donner son véritable prénom à un homme avec lequel sa femme avait des rapports sexuels, que lui-même observait.
«On sort là de la sphère purement fantasmatique», a estimé le procureur, évoquant une «recherche de satisfaction sexuelle» l’amenant «à sans cesse repousser les limites». Egalement magistrate, son épouse avait été dès l’issue de sa garde à vue mise hors de cause et n’est pas poursuivie.
«Traumatisme» de l’affaire Bodein
Comme le prévenu et sa femme lors de l’instruction, la défense a insisté sur un «traumatisme» lié à l’affaire Pierre Bodein, le multirécidiviste surnommé «Pierrot le fou» et condamné à la perpétuité incompressible pour trois meurtres sauvages et deux viols commis en 2004.
Le prévenu, qui a affirmé avoir eu des pensées suicidaires et des crises d’angoisse par la suite, était avocat général lors du procès d’assises de Pierre Bodein en 2007, peu après la naissance de sa fille. Selon le procureur Manteaux, l’ex-magistrat a «utilisé cette affaire pour pouvoir se dédouaner».
«Il va se cacher derrière l’affaire Bodein pour ne pas assumer ses actes, ce n’est pas acceptable. Que se serait-il passé s’il n’avait pas été arrêté ?», a renchéri l’avocate de l’association L’Innocence en danger, qui, comme trois autres associations, a demandé à être partie civile.
Par ailleurs, la révocation du magistrat par le CSM fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat.